À point pour qui sait attendre ?

Alors que Genève-Servette s’apprête à entamer la dernière ligne droite du championnat, établissons un petit bilan des enseignements de cette première moitié de saison.

On le savait avant même le début de l’exercice : les Aigles ne pourraient pas rééditer leur deuxième place. S’ils avaient alors incontestablement bénéficié d’un groupe solide, d’étrangers étincelants et d’éléments-clés ayant franchi une étape (Mona, Gobbi, Deruns, …), ils avaient aussi su opportunément profiter du ratage en masse des cadors, seul Zurich parvenant à se rattraper in extremis. Rentrée dans le rang il devait donc y avoir, et c’est bien ce qui s’est produit, avec un retour dans la zone la plus assidûment fréquentée depuis le retour en Ligue A, soit le deuxième tiers. S’étant légèrement fait décrocher par le wagon de tête, mais possédant une confortable avance sur les équipes de queue, les Grenat devraient avoir de la peine à échapper à la sixième place qui est actuellement la leur. Tout juste pourront-ils éventuellement gratter (ou perdre) une place, à moins bien sûr d’un effondrement total de part ou d’autre.
Peu épargnée par les blessures, l’équipe de Chris McSorley semble toutefois gentiment trouver à la fois son rythme et une certaine profondeur. Elle a même su se montrer très brillante sur quelques rencontres. Si elle parvient à trouver une constance, une surprise n’est pas à exclure en deuxième partie de compétition.

Les gardiens (si si, « les »)

Eh oui, pour une fois, dans cette rubrique, il y a de la matière. Depuis l’époque Pavoni, on était habitué à l’hégémonie d’un seul homme devant les cages genevoises. Et cette saison encore, le crease aurait dû être la chasse gardée de Gianluca Mona. Il est peu dire que le Léventin avait la pression, après avoir brillé de mille feux lors des séries, confirmant sa propension à se transcender lors de cette partie de la compétition. (Ce qui explique sans doute son échec fribourgeois.) Si lui aussi est revenu à un niveau plus humain, il a toutefois su faire preuve de sûreté et de constance, en sortant la parade décisive quand il le fallait. La poisse a toutefois décidé de frapper, habilement déguisée en blessure au genou.
Heureusement, ce coup du sort trouva sa solution sous la forme d’un gamin de dix-sept ans, Benjamin Conz. Attendu comme un futur grand gardien, le Jurassien a parfaitement su saisir l’occasion de montrer l’étendue de son talent. Ouvrant son compte chez les grands par rien moins qu’un blanchissage (certes contre une lanterne rouge privée de Westrum et de Sonnenberg), il sut ensuite faire preuve d’une maturité et d’une régularité impressionnantes pour son âge. A priori, les problèmes de gardien ne devraient pas empêcher Chris McSorley de dormir avant un bon moment. C’est toujours ça de pris.
Appelé en renfort avant l’éclosion de Conz, un autre gardien précoce, qui n’avait encaissé qu’un but lors de ses débuts (mais c’était contre Lausanne), a sans doute raté sa dernière chance à Genève. S’il ne porte pas la responsabilité de la défaite face à Kloten (c’était la faute des maillots de l’Escalade), Michael Tobler fit preuve d’un manque de sûreté plus digne de Marc Klingler que de la LNA. (Comment ça, Marc Klingler est en LNA ?) Apparemment, c’est sous le casque que ça coince pour le Zurichois.
Enfin, il est désormais évident pour Federico Tamo que s’il veut jouer, il devra aller voir ailleurs. Le Tessinois, pourtant toujours invaincu en Ligue A, n’est visiblement destiné qu’au rôle peu valorisant d’ouvreur de porte du côté des Vernets.

La défense

S’il a connu des débuts genevois en dents de scie, Goran Bezina s’installe plus confortablement dans le fauteuil du patron à chaque saison supplémentaire sans défenseur étranger. Son jeu à risque l’expose certes toujours à faire étalage de son peu d’aptitudes pour le patinage de vitesse, mais c’est aussi l’un des rares éléments de surprise du jeu grenat. Le Montheysan a d’ailleurs visiblement reçu l’autorisation de plus participer au jeu offensif et d’aller voir de temps en temps ce qu’il se passe dans le slot. Chaque fois qu’il dynamite le jeu d’une montée rageuse, on se dit que s’il avait écouté l’autre McSorley, il serait peut-être bien encore de l’autre côté de la gouille. Sa relance est d’une qualité plus que bienvenue dans cette équipe handicapée de la transition, et sa maîtrise lorsqu’il se retrouve dos au jeu et pressé par un adversaire est tout à fait impressionnante. Si ses tirs de la bleue ne servaient pas plus à faire mal aux adversaires qu’à marquer des buts, on ne serait pas loin de la perfection.
Autre élément survolté de la folle équipée genevoise la saison dernière, John Gobbi est comme d’autres redescendu de son nuage, mais il a gardé son tir et sa grinta. Si vous voyez un défenseur servettien sauver une situation désespérée d’un plongeon parfaitement exécuté, il y a toutes les chances qu’il porte le numéro 43. Reste à gommer quelques erreurs défensives auxquelles il ne nous avait pas habitué jusque là.
Robin Breitbach est en passe de faire définitivement taire ses détracteurs (qui oserait ?). Enfin débarrassé de ses problèmes de genou, le Grand Teuton s’impose peu à peu comme l’un des meilleurs défenseurs défensifs de l’équipe et il est devenu l’un des éléments-clés en infériorité numérique. Personne ne sourit plus à l’idée de le voir porter le maillot de la Mannschaft.
Olivier Keller, lui, se dirige gentiment vers une retraite bien méritée. Son apport offensif est dorénavant limité au minimum ‑ le boss n’y est sans doute pas pour rien ‑, et il nous a gratifié de quelques bourdes de junior. Mais il reste un défenseur sur lequel on peut globalement compter, et son expérience sera précieuse pour la suite.
La véritable déception de la saison se nomme Jonathan Mercier. Multipliant les erreurs défensives et totalement muet malgré une place assurée sur le jeu de puissance, le Genevois ne cesse d’inquiéter, et son influence (positive, s’entend) dans le jeu est quasiment inexistante. On ne saurait trop lui conseiller de réagir rapidement, à moins qu’il ne soit tenté par une carrière à la Nicolas Studer. Un changement d’air lui fera sûrement du bien.
Martin Hoehener semblait sur la lancée de ses saisons précédentes en grenat lorsqu’une voiture peu respectueuse des priorités a mis fin à sa saison. Un brin inquiétant à ses débuts, Daniel Vukovic a très vite acquis le niveau de la LNA. S’il n’est pas (encore ?) décisif, il a su conquérir une place de titulaire incontesté. Vilipendé par les connaisseurs lausannois, Fernando Heynen s’est montré tout à fait à la hauteur lorsqu’il a enfin obtenu sa chance. Sebastian Schilt semble pour sa part sérieusement plafonner.

Les étrangers, par ordre d’apparition en scène

La baisse de performance, Jean-Pierre Vigier ne connaît pas. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait été le premier étranger genevois à se montrer, portant même éphémèrement le maillot de topscorer.
Si le Manitobain a pourtant fini par se retrouver titulaire dans les tribunes, il le doit en partie à l’affirmation de Byron Ritchie. Une fois ses problèmes d’indiscipline (3 pénalités de 10 minutes sur ses 7 premiers matches) résolus, l’ex-Canuck a fait preuve de qualités défensives similaires conjuguées à une production offensive nettement supérieure.
De plus, à peu près en même temps, des automatismes se sont créés avec Juraj Kolnik, qui a ainsi pu passer le turbo. L’air de rien, sans véritablement mettre le feu, le Slovaque pointe déjà en deuxième position du classement des compteurs, à quelques encablures de Kimmo Rintanen.
Ensuite, Tony Salmelainen est enfin parvenu à canaliser sa fougue pour finir de condamner Vigier aux petits fours du secteur VIP, prenant son rôle d’homme aux trois poumons en infériorité numérique et enquillant de surcroît les réussites sur un jeu de puissance qui en a bien besoin. Le Finlandais est de plus un des éléments capables d’amener un peu d’étincelles par quelque chevauchée fantastique.
En demi-teinte depuis le début de la saison, victime d’une blessure puis d’une suspension pour une faute bête et méchante sur Erik Westrum, Serge Aubin s’est un peu réveillé ces derniers matches, mais son emprise sur le jeu est encore loin de ce qu’il sait faire. Et ce n’est pas sa transparente Coupe Spengler qui incite à l’optimisme. Chris McSorley continue cependant de lui faire confiance, sans doute pour son apport dans le vestiaire. Et si Aubin nous a jusque là habitué à des saisons régulières de feu avant de sombrer corps et biens en deuxième partie de compétition, peut-être nous réserve-t-il une performance inverse cette fois. Ce pourrait être une bonne nouvelle.

Les autres attaquants

Peu de surprise avec Thomas Deruns. Toujours à cent à l’heure et toujours prêt à checker quiconque ose s’approcher des bandes, le Chaux-de-Fonnier a réussi quelques jolis buts, mais son apport offensif peut sans doute encore s’accroître. Un peu orphelin de Jean-Pierre Vigier, il est de plus ralenti par des soucis de blessures.
Daniel Rubin fut une bonne surprise. Après des débuts hésitants, il a su conquérir une place en première ligne pour y apporter de la présence physique, ainsi qu’un ticket sur le deuxième bloc de supériorité, en reconstruction.
On attend toujours un peu plus de Florian Conz. Le Jurassien sait faire admirer sa vivacité, mais il a les moyens de prendre une plus grande emprise sur le jeu. Son apport sur le premier bloc de supériorité, en remplacement de Hoehener, est discutable.
En parlant de vivacité, Paul Savary fait toujours son travail de fore-checkeur avec réussite, et marque plus régulièrement. La ligne qu’il forme avec Morris Trachsler et Jan Cadieux abat un (sale) boulot considérable, mais semble plus vulnérable défensivement que les années précédentes.
Cette fois, c’en est sans doute bien fini de la LNA pour Igor Fedulov, qui apparaît désormais totalement dépassé par le rythme de l’élite, même en jeu de puissance. À noter que le « Prince » a tout de même réussi à inscrire trois buts (soit plus que Florian Conz, par exemple) avec le meilleur taux de réussite de l’équipe. Il ne mérite pas de terminer sa carrière à Lausanne.
 
Les perspectives auraient pu être assez sombres pour Chris Rivera. N’ayant pas montré grand-chose depuis le début de la saison, il se voyait contraint de mettre un terme prématuré à sa dernière saison de contrat avec les Aigles. Heureusement pour lui, il a tout de même pu trouver une entente pour deux années supplémentaires. Il devra enfin montrer de quoi il est capable. Cela vaut également pour Gaëtan Augsburger. Annoncé comme un attaquant prometteur, il peine à confirmer et a été assez discret en cette première moitié de saison.
Peu en évidence lorsqu’il a été aligné avec l’équipe-ferme, Reto Suri a bien su saisir sa chance. S’il n’a rien réalisé d’extraordinaire, il s’est parfaitement intégré dans une quatrième ligne qui a retrouvé son potentiel de nuisance. Cela est également dû à l’arrivée d’un autre ex-grand espoir, Fabian Debrunner, qui a la particularité d’avoir été recalé lors de la préparation. Mais les blessures sont passées par là, lui offrant une deuxième chance. Très remuant sur son aile droite, il est devenu l’élément moteur du dernier bloc.
Jérémy Gailland n’a quant à lui pas suffisamment joué pour que l’on puisse se faire une idée sur lui.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Yves Grasset

Commentaires Facebook

4 Commentaires

  1. Rien à redire , si ce n’est que tu aurais pu
    souligner un peu plus le trou béant laissé
    par Martin Hoehener en défense depuis son
    accident .

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.