Nuit Blanche vers Cuxhaven

Cuxhaven, vous ne connaissez pas et c’est peut-être tant mieux. Cette idée de prendre un train marchandises pour atteindre la mer du Nord a passé du fantasme à la réalité hier soir. Et en fin de compte, plus que le goût d’aventure, j’ai plutôt les habits qui sentent le poisson. Moi qui pensais trouver le calme pour vous pondre un truc convenable, je me suis retrouvé avec 15 Bangladais qui faisaient la cuisine dans ce foutu container. Bref, l’Allemagne, oui, la voici.

1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays ?Puisque je suis Biennois, je suis Suisse allemand et par conséquent Allemand, selon mes compères de CartonRouge.ch.

2) À quoi sert ce pays ?
D’un point de vue international, l’Allemagne permet aux Lausannois d’aller «sur Berlin» et de relativiser un peu le rayonnement noctambule de leur Flon. Après un séjour de quelques heures et la découverte d’un patrimoine non sans cicatrices, le Romand prend conscience que ses livres de cours ne lui ont pas tout dits. La plupart des Allemands sont en effet des gens d’une grande ouverture, cosmopolites, polyglottes, cultivés et qui n’ont absolument aucun intérêt à la pratique du hockey sur glace.
Il y a en effet 0.32 licencié de hockey pour mille habitants. Dans ces championnats du monde, seules la Biélorussie (ne joue pas au hockey qui veut dans une dictature), la Hongrie (ils sont trop brillants pour un sport aussi brutal) et la France (ils se croient trop intelligents pour un sport aussi brutal) font pire. Si l’on remplissait la plus grande patinoire du pays (12’000 personnes) d’une population homogène, on aurait l’équivalent de 3.82 joueurs de hockey dans les gradins. Des connaisseurs…surtout qu’en dessous de 3 pour mille, une équipe nationale ne vaut absolument rien.
Il faut dire qu’étant un téléspectateur assidu durant les heures creuses, je suis en mesure de constater que si l’on veut assister à quelque chose de spectaculaire en Allemagne, cela sera fait pour enrichir les constructeurs automobiles et/ou pour se débarrasser de vieux matériel explosif qui n’est plus aux normes pour l’Afghanistan. Alerte Cobra suffit donc au bonheur du peuple allemand en matière de vitesse et de tamponnage.
On peut tout de même reconnaître des qualités aux Allemands. Outre la capacité de détruire la libido de n’importe quel maniaque sexuel en parlant ouvertement de «ça», ils sont dotés d’un instinct grégaire à faire pâlir de jalousie ces biches, proies des tigres de Sibérie (spectateur des heures creuses, toujours…).
Et donc, depuis une cinquantaine d’années, l’Allemand s’épanouit dans l’«American Way of life». Ainsi, on trouve au milieu de divers produits tels qu’un grill avec un filtre à odeurs, des sonneries disco pour le Handy, un pommeau de frein à main en ivoire, une télévision à lévitation pneumatique, un abonnement au Spiegel, une maquette de Transrapid en HO, une caisse de bière à roulettes une tapette à mouches laser, un tire-bouchon électrique, des dessous féminins affriolants en taille 50, une palette de Cilit Bang, une raclette à vitre avec un manche télescopique, des gants pour la pêche, un babyphone avec un mode vibreur, un CD de Xavier Naidoo, une tondeuse à gazon à énergie éolienne, une Lada télécommandée, un poster format géant de Bastien Schweinsteiger, un Totalgym 3000.1, un fer à défriser pour hamster, un four à reconnaissance vocale, un kit de création de bracelets brésiliens le fabuleux sésame : deux billets pour aller voir les Pingouins de Krefeld se faire mettre par les Ours polaires de la capitale.

3) Comment joue-t-on au hockey dans ce pays ?
Dire que l’on y joue mal et que le jeu n’est pas intéressant à voir ne serait pas constructif. Mais puisque j’ai eu la chance d’avoir assisté à plusieurs rencontres sur Eurosport cette saison, je vais tout de même aller dans cette direction (c’était la transposition verbale d’une feinte à la JJ Aschlimann).
Pour vous peindre le tableau : une bande de cônes qui se casse à moitié la gueule parce qu’ils essayaient de patiner en poursuivant un redoutable mercenaire qui devait être Yves Sarrault ou l’un de ses clones (pas pu bien voir, il est passé trop vite). Assez rapidement, ils se sont retrouvés dans un coin à se comporter comme des chiens qui se chicanaient pour enterrer ce qui devait être une rondelle ou un os. Coup de théâtre ! Un joueur complètement démarqué reçoit le disque par un ricochet d’un tir à la Lee Harvey Hoswald. Il s’échappe sur le flanc opposé et tire sur le but depuis la zone médiane. Cette action se finira dans le but, aussi pour le gardien et pour le défenseur, revenu à toute allure pour réparer sa bourde et forcer un peu le destin.
Avec ces conditions cadres, l’Allemagne sert de terre d’accueil pour tous ces Canadiens promis au plus brillant avenir, mais que les 3 notions d’éducation que l’on a jugé bon de leur dispenser entre deux «pratiques» ne suffiront pas pour les faire passer de gosse doué à adulte responsable. Ainsi, le cousin Chouinard, le sauveur, matricule *fg540dlwo83dggh45tt* du Canadien de Montréal officiait du côté de Straubing aux dernières nouvelles.
 
Ce n’est pas totalement un hasard si un certain nombre de mercenaires de LNA viennent du championnat allemand et n’y retournent pas… à moins d’être vraiment mauvais ou d’avoir connu une saison de blessures.
Il faut laisser aux équipes la qualité d’être très au fait des techniques de plomberies, d’installations sanitaires et de s’engager pour les métiers du bâtiment. Donner comme emblème à son équipe un congélateur, comme l’a fait Hambourg, démontre bien la volonté d’intéresser les Allemands qui mettent la main à la pâte et pas seulement ceux qui traînent au Zoolischer Garten.
Pour prendre tout le monde de cours et devenir une puissance internationale, il y eut bien une tentative pour convertir des biathlètes à ce sport. Malheureusement, ceux-ci refusèrent catégoriquement de se séparer de leur carabine pour un bâton sans canon. L’expérience tourna court et quelques séjours en prison auraient dû être sifflés par l’arbitre si ce dernier n’avait pas été atteint en plein cœur par un adolescent venu assister au match et qui avait la haine contre «ce monde de merde». C’est l’autopsie qui révéla l’identité du meurtrier, car le corps était criblé de balles.

4) Pourquoi vont-ils gagner les Mondiaux ?
Car en gagnant le titre, l’équipe permettrait au fisc allemand d’en percevoir entre 50 et 60%, ce qui placera l’Allemagne, après déductions, aux alentours des 8-10ème rangs mondiaux, soit une place à laquelle elle peut se déclarer à l’aise.
Face à la Suisse, des bruits de couloir laissent entendre qu’une stratégie spéciale est prévue. Peer Steinbrück serait pressenti pour occuper le poste de gardien de but. Ce «special guest» devrait faire en sorte que les joueurs de la Nati visent le cerbère plutôt que le fond du filet.

5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?
C’est bien connu, les Allemands qui travaillent en Suisse rentrent chez eux dès qu’une occasion se présente.

6) Qui sont les joueurs à surveiller ?
Sans aucun doute Uwe Krupp. Car si l’Allemagne devait jouer la phase finale, l’entraineur pourrait annoncer son retour sur la glace, pour gagner quelques mises en jeu cruciales.

7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?
Le choix est très libre…En Allemagne, hockey et patrimoine gastronomique sont similaires en plusieurs points. Tous deux sont un mélange de robustes cochonnailles, de crus raffinés, forcés à l’exil pour être reconnus à leur juste valeur et de produits importés de nations plus connues pour les plaisirs de palets.

8) Une bonne raison de les supporter ?
Quand on commence la guitare, on fait mieux de s’en acheter une miteuse pour commencer. Ainsi, lorsqu’on a les bases techniques, on apprécie de passer à un modèle avec une meilleure finition. Il en va de même pour l’équipe d’Allemagne qui, de par son jeu sur une moitié de patinoire donne l’occasion d’assimiler les rudiments du hockey sans trop s’attacher et ainsi de pouvoir passer à mieux par la suite.
Pour ne rien vous cacher, j’ai copié mot pour mot la réflexion d’un ami canadien qui visait l’équipe de Suisse. Mais je n’allais tout de même pas faire cette réflexion qui m’aurait valu de passer pour agir contre les intérêts de notre pays. Un peu de ferveur, tonnerre !

9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?
Robin Breitbach n’est même pas du voyage…

10) Bon d’accord, mais sinon ?
L’année prochaine, les championnats du monde auront lieu chez eux. Un certain nombre de lecteurs qui se rendront là-bas pourront constater que j’ai passablement déformé la réalité, notamment quant au désintérêt total du peuple allemand pour le pousse-rondelle.
D’ici une année, ils auront probablement quelques bons espoirs ; un jeune parvenu, héritier d’Aldi à la tête de leur fédération ; une bande d’adorateurs de l’autorité absurde qui feront bénévolement la sécurité dans leurs patinoires tout en draguant l’assistante marketing à qui les premières chaleurs font tourner la tête… Et surtout, un site internet consacré comme CartonRouge.ch dont la plupart des auteurs sont partisans de causes perdues et donc toujours en train de s’en prendre à la Nati, peu importe le sport en raison de leur immense frustration. S’ils ont tout ce qu’on a nous, ils pourront tout comme nous prétendre être une grande nation de hockey.
Allez bon, pour chauffer le public avant le match d’ouverture, j’en ai une bonne…
Pourquoi M. Steinbrück se refuse-t-il à pratiquer l’autodérision ?
Car pour lui, le Peer to Peer est d’aussi mauvais goût que l’évasion fiscale.

Photos équipe d’Allemagne Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Jean-Boris Cochet-Lamouche