Manchester n’y arrive pas

Manchester United n’est pas à la fête depuis le début de saison contre les autres membres du Big Four. Vainqueurs heureux mais largement dominés dans le jeu face à Arsenal puis logiquement battus contre Liverpool, les Red Devils ont cette fois-ci subi la loi de Chelsea. Mais contrairement à la défaite d’Anfield, MU peut nourrir bien des regrets. Les hommes de Ferguson nous avaient habitués à remporter des matchs sans forcément bien jouer. S’ils commencent à perdre des rencontres dont ils auraient mérité de récolter au moins un point, le momentum (Laurent Bastardoz ®) est peut-être en train de changer de camp.

On promettait nonante terribles minutes à la défense centrale mancunienne. Vidic et Ferdinand blessés, Ferguson a dû bricoler une charnière new look Brown-Evans. Pas forcément dégueulasse, cela paraît de prime abord quand même un peu léger pour le triple tenant du titre. D’autant plus qu’en face se profile la paire Drogba-Anelka, en grande forme depuis deux mois. Chelsea évoluait sans véritable ailier, Ancelotti ayant opté pour son redoutable losange Essien-Ballack-Lampard-Deco au milieu. Mais alors que l’on donnait d’office le quatuor des Blues vainqueur de la bataille à mi-terrain, si importante lors des derniers Chelsea-MU, celui-ci ne parvint pas à prendre la mesure des Red Devils dans ce secteur. Ferguson démontrait une nouvelle fois l’étendue de ses connaissances tactiques en composant un trio Carrick, Fletcher, Anderson qui contrôlèrent sans grands problèmes une domination territoriale sans idée et souillée par un déchet technique inhabituel de la part des Blues. Autant dire que ce match ne s’est pas décanté au milieu de terrain.
Et force est de constater que dans l’une comme l’autre des surfaces de réparation, Manchester a pris le dessus. Aussi nombreuses que les contrôles de balles réussis par John O’Shea ou que les interventions régulières de Ricardo Carvalho, les opportunités de but londoniennes ne furent jamais à même d’inquiéter un Van der Sar qui passait une après-midi assez tranquille. Evans et Brown, énormes dans le placement et les duels dominaient largement Anelka et son compère ivoirien. Parfois même à l’excès comme à la 73e lorsque Evans assena un véritable coup de pied de kung-fu dans les côtes de Didier «fucking disgrace» Drogba digne des plus grands combats de Bruce Lee.
De l’autre côté, un Rooney exceptionnel donnait des sueurs froides à Terry et Carvalho à chacune de ses accélérations. Injustement signalé hors jeu sur une belle ouverture d’Anderson alors qu’il partait seul au but (8e), le jeune papa eut encore de nombreuses occasions d’ouvrir le score mais ses tirs passaient de peu à côté (11e, 67e) et Cech lui opposait son véto (68e).

Manchester paraissait donc en mesure de remporter la totalité de l’enjeu. Mais la partie allait prendre une tournure défavorable pour les rouges. M. Atkinson (une sorte de mélange du pire entre Nicole Petignat et Didier Massy pour se faire une idée du personnage) et ses assistants multipliaient les mauvaises décisions. Outre le hors-jeu imaginaire de Rooney et l’attentat d’Evans sur Drogba (où il réussit le tour de force d’avertir ce dernier !), il ne parvint pas à calmer les ardeurs des 22 acteurs. Fletcher se montrait particulièrement échaudé envers l’homme en noir et aurait dû être avertit si Atkinson voulait un tant soit peu tenir son match. Ballack, définitivement le mec le plus insupportable du championnat – le Frei de Premier League en somme –, couvrait plus de la moitié de ses 10 kilomètres en sprintant systématiquement en direction de l’arbitre après chaque coup de sifflet.
Alors que le match semblait dégénérer dans un grand n’importe quoi, Chelsea reprenait un peu du poil de la bête grâce à ses latéraux dont le Serbe Ivanovic (prononcez Ivanovique pour faire plaisir à Desailly ; à quand un duo Marcel-PAD ?) qui apportaient enfin un  soutien offensif. Les Blues trouvaient l’ouverture sur une action typiquement chelseaiesque, autrement dit une balle arrêtée. Et c’est John Terry qui offrit la victoire à son équipe. Le «super captain» attendait de prendre sa revanche contre MU depuis cette terrible séance de tirs au but du 21 mai 2008 où il fut subitement atteint du syndrome Lambiel.
Les Red Devils ne purent revenir au score et concèdent donc leur deuxième défaite en trois matchs de PL. Sir Alex ne décolérait pas à l’issue du match. La cause de son courroux ?  Les trois erreurs d’arbitrage ayant selon lui entaché le but de Terry. Si la faute de Fletcher à l’origine du coup franc peut se siffler et que le hors jeu de position de Drogba est différemment interprétable, il parait en effet évident que l’Ivoirien a commis une faute sur Brown.
La pilule est donc difficile à avaler pour les Mancuniens. Pas franchement aidés par l’arbitrage (qui commence vraiment à faire débat outre-Manche), ayant fait plus que jeu égal avec Chelsea et avec un Rooney au sommet de son art, les Red Devils ont tout de même perdu. Un bon MU qui ne gagne pas. Voilà une nouveauté qui ouvre de nombreuses portes. Et notamment pour les Blues qui, de plus en plus solides, se profilent comme le favori numéro 1 au titre de champion.

Le point sur le Big Four

Après cette 12e journée de Premier League, faisons le point sur les équipes du Big Four :
– Chelsea (1er ; 12 matchs, 30 points). L’équipe de ce premier tiers de saison. Le véritable patron de la Premier League, c’est Chelsea ! Ancelotti a façonné une équipe à la fois solide et efficace.  Les Blues passeront au révélateur les prochaines semaines avec deux déplacements compliqués à Arsenal et Manchester City. S’ils ressortent invaincus de ces deux matchs, Chelsea sera vraiment très difficile à aller chercher cette saison.

– Arsenal (2e ; 11 matchs, 25 points). La plus belle jouerie de la ligue. Arsenal a souvent de la peine à confirmer ses qualités footballistiques quand le championnat entre dans sa phase décisive. Mais cette année, les Gunners semblent avoir gagné en maturité et en impact physique. Fabregas et Arshavin sont absolument fantastiques et Alexandre Song affirme de plus en plus ses qualités athlétiques au poste de récupérateur. Chelsea à domicile et Liverpool à l’extérieur sont les échéances importantes d’Arsenal jusqu’à Noël. Les Gunners vont-ils enfin se départir de cette fameuse phrase qui leur colle à la peau : «Le jeu c’est bien, les titres c’est mieux» ?
– Manchester United (3e ; 12 matchs, 25 points). Les Mancuniens peinent dans les grands matchs. C’est consécutivement aux rencontres contre les membres du Big Four que MU a accumulé son retard. Le départ de Ronaldo se ressent dans les enchainements défense-attaque. Mais les Red Devils ont des arguments à faire valoir. Rooney et Berbatov forment l’une des meilleures paires d’attaque du monde, le retour d’Hargreaves va permettre à Carrick d’évoluer dans son vrai rôle de relayeur et la défense semble trouver sa stabilité malgré l’absence prolongée de Ferdinand. Manchester a le calendrier le plus favorable des quatre équipes jusqu’à la fin des matchs aller. Sept rencontres (dont les quatre derniers du classement) et sept victoires est un scénario envisageable. Au quel cas, les champions en titre seraient parfaitement relancés.
– Liverpool (7e ; 12 matchs, 19 points). Les Reds sont au bout du rouleau. Auteur d’un piteux  match nul à domicile contre Birmingham, Liverpool s’enlise inexorablement. Soyons clairs, les Scousers d’aujourd’hui ne seraient pas capables de battre la une du CS Chavannes Epeney. Réaliser deux bons matchs d’affilée relève d’une tâche aussi insurmontable qu’une qualification en quart de finale de Grand Chelem pour Stan. Les hommes de Benitez ont déjà fait une croix sur le titre et devront se battre farouchement contre City, Aston Villa et Tottenham pour gagner leur place en Ligue des Champions. 

Écrit par Pascal Cretegny