La mort d’un géant au coeur d’or

En pleine frénésie de Coupe du monde, il me semble nécessaire de penser à autre chose, l’espace d’un article. Ce samedi 19 juin était un jour triste pour le basketball et pour le sport en général. Le géant Manute Bol est décédé à 47 ans après une longue maladie et, avec lui, c’est tout le Soudan, son pays, qui pleure.

Manute Bol, c’était avant tout une image qui l’a rendu célèbre. Alors qu’il évoluait sous les couleurs des Washington Bullets (ancêtres des Wizards), le Soudanais, plus grand joueur de l’histoire de la ligue avec 2m31, prenait la pose avec Muggsy Bogues, plus petit joueur de l’histoire de la ligue avec 1m59 sous la toise. Entre les deux hommes 72 centimètres.

S’il n’était de loin pas le joueur le plus talentueux de sa génération, Manute Bol a fait le malheur des attaquants adverses en s’érigeant en muraille devant son panier. Durant sa carrière, il a plus de contres à son actif (2086) que de points (1599). Il est d’ailleurs le seul joueur de la riche histoire de la NBA à totaliser une statistique aussi atypique. Une action l’a fait passé au rang de héros. Lors d’un match face au Magic d’Orlando, il a bloqué quatre tirs sur la même action de jeu.

A son arrivée dans la ligue en 1985, Manute Bol faisait déjà parler les plus grands. Avant son premier match de préparation face aux Boston Celtics, Larry Bird a lancé un pari. Chaque joueur devait mettre 50$ par match et le premier à dunker sur Manute Bol gagnait la cagnotte. A la fin de la saison, personne n’avait gagné le pot et c’est un membre du staff qui a empoché l’argent. Réponse du principal intéressé: "Vous n’avez pas la télé ? Les autres ne vous ont pas parlé de moi ? Personne ne dunke sur Manute Bol", se contentera-t-il de rétorquer.

Durant ses dix années dans le championnat professionnel nord-américain, Manute Bol n’a jamais eu la chance de remporter un titre tant avec Washington, qu’avec Philadelphie, Miami ou Golden State. Drafté en 1985, il a mis un terme à sa carrière dix ans plus tard. Durant cette décennie, il n’a gagné "que" 5’887’500 dollars. Un salaire très faible dans la lucrative NBA. Malgré ces revenus loin d’être exorbitants, Manute Bol a toujours eu le coeur sur la main et a ainsi dépensé près de la totalité de son argent pour aider son pays d’origine, le Soudan.

Afin de vivre plus sobrement, Manute Bol a déménagé en direction du Kansas en provenance du Connecticut. Dans le Kansas, les impôts sont moindres et grâce aux économies réalisées, il a pu donner plus d’argent aux diverses fondations qu’il a aidées durant toute sa carrière. Outre son propre argent, Manute Bol a participé à de nombreuses manifestations pour générer des fonds. En automne 2002, il a même signé un contrat d’un jour avec les Indianapolis Ice en Central Hockey League. Bien qu’il ne savait pas patiner, son implication a généré une telle publicité qu’il a pu aidé encore un peu plus son pays d’origine. Plus tard, il s’est improvisé jockey pour les mêmes raisons et ce, malgré sa taille légèrement disproportionnée pour l’équitation.

Durant toute sa vie, il a su vivre avec sa taille hallucinante. Souvent raillé, il a toujours utilisé sa répartie pour répondre aux "il fait quel temps là-haut ?". "Je ressemble à Willard Scott (en Suisse il aurait dit Philippe Jeanneret) ?" Sourire aux lèvres quelles que soient les circonstances, Manute Bol est décédé des suites d’une longue maladie. Nul doute que tous les Soudanais et tous les amateurs de basket versent aujourd’hui une petite larme en pensant à lui.

Écrit par George Baudry