Une nouvelle tactique foireuse

Puisque ce Tour de France avait l’air placé sous le signe du fair-play, notre directeur sportif et moi avions mis au point une tactique novatrice : simuler des problèmes techniques pour qu’on nous attende et qu’on arrête d’être grotesque. Pas de bol, la bienséance a semble-t-il vécu…

Le peloton, sous l’influence de Fabian Cancellara, avait attendu les frères Schleck lors de la fin d’étape hallucinante en direction de Spa. Même si les Saxo Bank n’avaient ensuite pas fait de détails malgré les chutes à répétition lors de l’étape des pavés, nous nous sommes dit qu’il y avait là sans doute quelque chose à faire… On a cru que le cyclisme devenait un sport de gentlemen, alors autant essayer d’en profiter !
Comme on devenait gentiment grotesques sur ce Tour de France, alors que même Footon-Servetto arrivait à décrocher des podiums sur certaines étapes, il fallait bien trouver quelque chose. Plutôt que de faire la journée dans le gruppetto ou de devoir inventer des artifices pour finalement se faire déclasser, autant tenter le Diable. Ce à quoi nous n’avions pas pensé, c’est que le Tour est si serré cette année et que les secondes sont si chers, que les favoris n’ont finalement pas fait de détails et du coup on a encore perdu du temps.

Incident mécanique

Lundi, en direction de Bagnères de Luchon, nous étions à la peine dès les premières difficultés. Lors de la montée du Col de Portet-d’Aspet, j’ai ordonné à Miguel Darthvador, notre seul coureur à peu près bien classé au général, de feindre un incident mécanique afin de ralentir tout le monde et de permettre au reste de l’équipe de revenir sur l’arrière du peloton. Puisque celui-ci était encore en course pour un accessit, je me suis dit que les grands du général allaient avoir pitié et ralentir le rythme… Peine perdue !
Comme j’avais scié la moitié du cadre de notre cycliste espagnol en prévision de ce faux incident, il suffisait de presser sur un bouton pour que celui-ci se casse en deux sur commande. Mais les «gros» étaient déjà en pleine bagarre et n’ont pas eu le moindre regard pour la détresse de Darthvador. Déçus par ce comportement, nous avons alors ordonné à quelques-uns de nos équipiers de trouver un moyen de ralentir le peloton d’une façon ou d’une autre.
Le Lituanien Zidaunas Galakankas a alors feinté une attaque sur la droite, avant de s’écrouler de tout son long au milieu de la chaussée histoire de retenir tout le monde. Pas de chance, son vélo a ripé et il est allé s’effondrer sur la tente d’un spectateur australien. La tête du peloton ne lui a même pas jeté un regard, tandis que certains autres au coeur du groupe n’ont rien trouvé de mieux que de se moquer de lui et de lui lancer des gourdes vides dessus.

Plus malin

Le Suisse Marcel Strauss a quant à lui été un peu plus malin. Sous prétexte d’aller chercher des bidons, il est passé devant les Astana qui imprimaient un rythme élevé en montagne pour apporter les gourdes aux autres de l’équipe et a commencé à essaimer les bouteilles sur la route volontairement. Plusieurs chutes ont alors été enregistrées parmi les cadors, dont notamment une de Lance Armstrong qui n’a décidément pas de bol cette année, mais cela n’a pas été suffisant pour convaincre les coureurs de l’équipe kazakhe, qui avaient alors pris fermement la course en main.
Tous nos espoirs de bien figurer reposaient alors sur Markus DenBosch. Entre notre leader aux abonnés absents, quelques équipiers pas dans le rythme et ceux qui se sont mis sur le toit exprès, l’Allemand était le seul rescapé avec la tête de la course. Et comme nous l’avions muni d’un vélo un peu spécial, tout était encore possible, malgré les six minutes d’avance au pied du Port de Balès de Thomas Voeckler…
On avait déjà fait les ailes à la Oracle et plein d’autres artifices qui ont à chaque fois échoués. Mais l’autre jour, en voyant les imbéciles de Hollandais courir à côté des coureurs, j’ai eu une grande idée. J’ai muni DenBosch d’un mini crochet au bout d’un fil de pêche quasiment invisible à l’oeil nu. D’un geste plein de dextérité, il faut lancer l’ustensile sur un de ces abrutis orange et se laisser porter pendant quelques mètres.
Ca marchait super bien jusqu’à que Markus perde un peu en lucidité dans les plus forts pourcentages. Il a balancé son harpon sur un Américain obèse habillé en jaune Livestrong plutôt que sur un svelte Batave en orange et ç’a été le drame. Le gros a fait une syncope, tandis que notre équipier est resté accroché au fan de McDonald lors de son départ en hélicoptère. Pendu par le fil de pêche sous l’engin volant, il a heurté quelques cimes de sapin et a fini le vol en se fracassant sur le toit de l’hôpital de Luchon. Bilan médical sans appel : fracture du fémur. Bilan des commissaires de l’UCI : arrivé hors délais…

Écrit par Iñigo Sorensen Montoya

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