Une seconde pour l’éternité

Manchester, samedi 12 février 2011, 14 heures 22, heure locale, l’humanité vient d’être divisée en deux : les 75’322 privilégiés qui ont assisté au chef d’œuvre de Wayne Rooney à Old Trafford et le reste du monde. On appartenait à la première catégorie.

On jouait la 78e minute d’un derby mancunien de très haute tenue. Manchester United était en train de piétiner contre son rival local, le spectre de voir revenir les mioches d’Arsenal à deux points, voire même à un point car on n’était pas à l’abri d’un deuxième but des Citizens, planait sur Old Trafford. C’est alors que Paul Scholes a décalé Nani sur le flanc droit pour un énième centre. Cette fois-ci le centre du Portugais a trouvé preneur et comment ! Wayne Rooney s’envole dans les airs, le temps semble suspendre son cours, le numéro dix des Red Devils arme une bicyclette parfaite, tout y est, la hauteur, la coordination, la précision, et le ballon part se ficher avec une violence inouïe dans la lucarne opposée d’un Joe Hart médusé.Si l’ambiance avait été assez inégale jusque-là avec quelques poussées vraiment impressionnantes mais aussi pas mal de temps morts, là c’est l’hystérie à Old Trafford. Non seulement parce que Manchester United vient de remporter un derby de prestige et d’écarter son éternel rival de la course au titre mais aussi parce que l’on vient d’assister à un but qui va marquer l’histoire du foot, de ceux dont on se souviendra toute notre vie, même quand on aura la maladie d’Alzheimer et qu’on aura oublié jusqu’à notre adresse, on se rappellera du chef d’œuvre de Wayne Rooney. Car ce n’était pas juste une bicyclette pour amuser la galerie à 3-0 contre un adversaire de bas de tableau mais le game winning goal du match le plus important de la saison. Et au passage, on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée émue pour le supporter de City qui s’était fait tatouer le portrait de Wayne Rooney dans le dos avec l’inscription «Rooney City legend» en pensant le transfert conclu, on espère qu’il était au stade samedi pour apprécier l’exploit de son ex-nouvelle idole. Ce but aura le mérite de réduire au silence ceux qui persiflaient sur les performances en demi-teinte de la star mancunienne cette saison : Wayne Rooney est bien de retour dans le cercle des meilleurs joueurs du monde, de ceux qui peuvent faire basculer les plus grands matchs sur un coup de génie.

Un bon vieux kick’n rush

Pourtant, l’après-midi n’avait commencé sous les meilleurs auspices. Je dois avouer que j’étais assez circonspect en découvrant la formation des équipes, avec deux dispositifs très prudents avec une seule pointe qui faisait craindre un scénario du type de celui du match aller où les deux équipes s’étaient neutralisées lors d’un non-match assez affligeant. Pourtant, ça démarre assez fort : la première grosse occasion est pour City mais Silva, seul devant Van der Sar, croise trop son tir. United réplique avec une frappe au-dessus de Nani mais ça se tasse un peu par la suite. C’est loin d’être inintéressant, il y a une intensité folle, de l’engagement, une grande qualité technique mais ça manque d’occasions de but, sinon deux essais de Fletcher et Nani dans les bras de Hart. C’est finalement un bon vieux kick’n rush qui va débloquer la situation : ça part d’un long dégagement de Van der Sar et là où d’autres attaquants se seraient contenté d’un saut alibi, Wayne Rooney et son mètre 78 vont gagner le duel aérien contre le mètre 88 de Lescott pour transmettre à Giggs qui délivre une merveille d’ouverture à Nani. Le Portugais se fend d’un coup de rein digne d’un Kubilay Türkyilmaz de la grande époque pour laisser Zabaleta sur place et aller battre Hart d’un tir croisé. Le derby était définitivement lancé.

Dzeko le détonateur

Cette ouverture du score a eu le mérite d’obliger Roberto Mancini à oublier ses sempiternelles consignes de prudence. Les Sky Blues se dotent enfin d’une deuxième pointe avec l’entrée en jeu d’Edin Dzeko. On se demande d’ailleurs pourquoi, lorsque l’on possède deux attaquants de la classe de Tevez et Dzeko, on ne les aligne pas ensemble d’entrée. City a du retard au classement et pourtant Roberto Mancini aborde tous les matchs importants la trouille au ventre, en misant sur le 0-0, ce n’est pas vraiment digne d’un prétendant au titre. En tous les cas, les Citizens seront bien plus dangereux après l’entrée en jeu de Dzeko. Il y a eu un tir de Silva bloqué par Van der Sar puis un centre de Tevez qui a dangereusement navigué devant le but sans pouvoir être repris. Ce n’est donc pas complètement contre le cours du jeu qu’est tombée l’égalisation sur un centre de Wright-Philips repris victorieusement par Edin Dzeko. Enfin, en quittant le stade, j’étais persuadé que c’était le Bosniaque qui avait marqué mais il semble que sa reprise ait été déviée par David Silva, alors on va suivre l’attribution officielle du but à l’Espagnol, sinon ça va encore pleurnicher dans les chaumières. On était assis diamétralement à l’opposé mais on peut quand même mesurer l’émeute dans le coin réservé aux fans bleus, c’est là que l’on voit que ces grands derby, ça représente un peu plus qu’un simple match de foot pour les supporters.

Prêt pour le Tour de France !

A partir de là, ça pouvait basculer d’un côté comme de l’autre, on sait comme cela a fini. Après le coup de génie de Rooney, les Citizens n’avaient plus vraiment les ressources pour revenir et pouvaient définitivement faire une croix sur leurs rêves de titre. A moins d’un improbable retour de Chelsea, auquel on ne croit guère même s’il reste encore les deux confrontations directes entre les Blues et les Red Devils, le titre en Angleterre se jouera donc entre Manchester United et Arsenal. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour les Mancuniens quand on connaît la fébrilité des Gunners et l’incompétence notoire de leur entraîneur dans les matchs décisifs de fin de championnat.
Je dois avouer que cette saison, je l’ai joué touriste opportuniste dans mes déplacements à Old Trafford en me contentant d’aller voir juste les deux derbys contre Liverpool et City. Ce n’est pas l’envie qui manque d’y aller plus souvent, surtout que Manchester a d’autre atouts que le football à offrir, surtout la nuit, mais avec l’abonnement dans deux autres clubs de foot, qui ne marchent pas trop mal cette saison, et un club de hockey, qui a paraît-il des ambitions, ça ne laisse pas beaucoup de temps pour d’autres matchs. Mais même avec deux malheureux déplacements, j’ai eu mon contingent de bicyclettes d’anthologie à Old Trafford cette saison, entre celle de Berbatov contre Liverpool et celle de Rooney contre City : si United échoue dans sa quête du titre et de la Ligue des Champions, il pourra toujours monter une équipe pour le Tour de France afin de rattraper le coup.

Manchester United – Manchester City 2-1 (1-0)

Old Trafford, 75’322 spectateurs.
Arbitre : M. Marriner.
Buts : 41e Nani (1-0), 65e Silva (1-1), 78e Rooney (2-1).
United : Van der Sar; O’Shea, Smalling, Vidic, Evra; Fletcher, Scholes (79e Carrick), Anderson (66e Berbatov); Nani, Giggs; Rooney.
City : Hart; Richards, Kompany, Lescott, Zabaleta ; Milner (60e Dzeko), Y. Touré, Barry ; Silva, Kolarov (52e Wright-Philips); Tevez.
Cartons jaunes : 18e Kompany, 43e Milner, 66e Scholes, 88e Giggs.

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

11 Commentaires

  1. J’y étais aussi…
    Petit comparatif sur la sécurité avec le match Xamax-Sion de dimanche passé auquel j’ai assisté avec 5549 autres spect : à Neuch baston avant le match, pétards et autres fumigènes pdt le match de la part des Sédunois, séparés des autres spect par 2 blocs…vides; à Manchester, stade plein et rien que des chants avant, pdt, et après.
    Propositions à nos « forces de l’ordre » :
    -que nos soit-disant gardiens de la paix aillent suivre des cours chez les bobbies et nos milices vaudoises auprès de la police montée anglaise (quoi que…)
    Il est alors certain que nos imbéciles de bas étages pisseraient de peur dans leur froc avant d’oser bouger une oreille.
    Par contre, no comment sur les sorties nocturnes de votre journaliste préféré : impossible de le suivre à la trace.
    Bien à vous
    r

  2. Certes, la seule bicyclette valait le déplacement, mais de là à dire que c’était un derby « de très haute tenue », non! C’était du tout petit butin ce match… (performances de Scholes et Giggs par ex…).
    Mais je le redis, la « bici » valait le déplacement à elle seule!!

    LG

  3. Ah oui j’oubliais (Alzheimer déjà??) : énôôôôôôrme bicyclette, idem pour l’ambiance et la qualité crescendo du match vu son importance.
    Sir Alex lui-même a déclaré ne pas se souvenir d’avoir vu un tel goal, c’est tout dire…
    r

  4. @Captain Marvel
    En première mi-temps surtout, que de mauvaises passes (Scholes…). Et comme c’était sensé être à lui d’animer le jeu (avec Anderson et Fletcher)…
    Mais bon, au-delà de ces joueurs, est-ce que tu (les autres aussi), pouvez me soutenir que c’était un beau match??! C’était même pas du beau kick and rush…

    J’suis fan de ManU depuis ma plus tendre enfance, mais pas aveugle pour autant… M’enfin, ce n’est que mon avis! 🙂

    LG

  5. super article. Merci à Rooney d’avoir, par son but somptueux, définitivement écarté City de la course au titre. C’est l’équipe la plus chiante à voir jouer depuis l’Inter de Herrera. Avoir autant de pognon et jouer aussi mal, c’est la mort du foot.

  6. franchement bundegiliste a raison..l article est bien mr mouquin et la bicyclette pouhaaaaaaaa mais le match non! et d ailleurs rooney a fait un match que je dirais « quelconque » mais cette bicyclette raaaaaaah

  7. bon disons que des goals comme ca j ‘en ai marqué une bonne centaine …..à l’entrainement…parce que en match je jouais pas devant…disons que avec une bonne hygiene de vie ,et surtout une excellente souplesse ce genre de prouesse n’est pas si difficile que ca …voila bonne journee

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.