Au cœur des ténèbres ?

Il est bientôt 20h. Je quitte la Maladière. Il fait sombre, le froid est vif et le stade s’est vidé, rapidement. Au loin, quelques supporters zurichois jubilent encore. Des Neuchâtelois pressent le pas, tête basse ; d’autres jurent qu’ils ne remettront plus jamais les pieds par ici. Le football ne fait plus recette à Neuchâtel depuis longtemps. Mais cette soirée pourrait marquer définitivement la fin d’une époque.

«Je suis certain que le match contre Zurich représentera un tournant. Nous allons gagner. Je le sens.» Cette prédiction trouvée dans un journal régional de l’Arc jurassien est tirée de l’œuvre du philosophe-marabout-numérologue et astrologue Almerares (le football est son hobby principal). Malheureusement, pour une fois, ce type de grand penseur a commis une légère erreur d’appréciation… Xamax s’en remettra-t-il ?Ainsi, après cette 15ème défaite de la saison, il reste 11 matchs aux Neuchâtelois pour sauver leur place dans l’élite du football suisse. Hier soir, alors que je faisais mon retour à la Maladière après deux rencontres heureusement manquées, Xamax n’a pas démérité face au FC Zurich. Le manque d’engagement que le dernier carré de fidèles a pu leur reprocher n’est pas la cause de cette nouvelle déconvenue. Et si, tout simplement, les Rouge et Noir étaient à leur place aux portes de la Challenge League ?
Apparemment, Zurich a gagné sans devoir forcer son talent. Toutefois, l’équipe suisse alémanique, parfois magnifique à observer, ne semble pas aussi efficace et puissante que Bâle ou même parfois Young Boys. De toute façon, le résultat reste le même face à Xamax…

Pendant une grande partie de la première mi-temps, Xamax fut spectateur. Mais pas grand-chose ne peut lui être reproché tant Zurich était à l’aise techniquement et tactiquement. Xamax ne jouait pas dans la même ligue mais avait le mérite de s’accrocher. Le match était plaisant car les Neuchâtelois ont également eu de nombreuses occasions d’ouvrir le score, surtout aux alentours de la demi-heure sur des corners ou une contre-attaque.
Puis, Keller, le défenseur central batave, fut remplacé par Binya au tout début de la deuxième mi-temps. Ce fut le tournant du match. En effet, les deux buts encaissés par les employés de Bernasconi, proviennent de têtes zurichoises effectuées au milieu de la défense xamaxienne suite à un corner ou un coup franc. Le Néerlandais aurait certainement fait le ménage devant les buts de Bedenik s’il avait été sur la pelouse. Si la sortie du nouveau patron de l’arrière-garde xamaxienne n’est pas due à une blessure, le DON a commis une sacrée erreur de coaching.
Cette deuxième partie de match nous a néanmoins permis de voir que Xamax pouvait faire douter un FCZ parfois curieusement fébrile. Le système mis en place par le DON était plus tourné vers l’offensive qu’à l’accoutumée… Almerares a dû se sentir un peu moins seul en attaque avec Tréand puis Gohou lors des 10 dernières minutes. Les latéraux ont aussi souvent créé la panique dans la défense zurichoise ; Facchinetti mérite une mention spéciale.  Et, malgré des limites techniques parfois inquiétantes, Gelabert, grâce à une énorme dépense d’énergie, a souvent pu déstabiliser ses adversaires.
De nombreux enseignements peuvent être tirés de cette partie qui reflète la mauvaise saison xamaxienne. La défense neuchâteloise est fragile et, dès qu’un grain de sable vient perturber sa mécanique, elle s’effondre. Mais que font les demis défensifs pour empêcher les joueurs adverses de développer leurs attaques ? A ce jeu-là, Mveng n’a pas encore sa place au milieu du terrain. Et, à force de plier, les défenseurs neuchâtelois, peu soutenus, craquent.
En «phase offensive», balancer des grandes balles en avant alors qu’Almerares est trop souvent seul face à 4 ou 5 défenseurs adverses n’est certainement pas la meilleure des façons de créer le danger. Et si les Xamaxiens étaient plus solidaires et attaquaient en bloc, ne laissant pas seulement la chance être le principal facteur de leurs buts ? Et si le DON essayait, aussi, de faire jouer dès la première minute Gohou et Almerares ensemble lors de rencontres à domicile  ?

Malgré les transferts de cet hiver, le contingent reste limité ; pas seulement en nombre mais également en qualité. Face à Zurich, les difficultés de beaucoup de Xamaxiens à contrôler le ballon et à adresser de bonnes passes sont, une nouvelle fois, apparues au grand jour. De plus, quand, dans une équipe de professionnels, deux joueurs neuchâtelois se marchent dessus à de nombreuses reprises et semblent ne pas savoir quoi faire du ballon plus d’une dizaine de fois, il doit rester encore beaucoup de travail tactique… Pourra-t-il être effectué à temps ?
A l’aube d’un possible changement positif et important à la tête du club, je termine ma soirée en imaginant une relégation comme étant de plus en plus possible ; celle-ci marquerait une saison ratée jusqu’ici. Quel gâchis ce serait alors que de nombreux médias nous promettent un retour de Zubi dans l’organigramme xamaxien ! De plus, dès la saison prochaine,  il semblerait que beaucoup d’argent frais soit mis à disposition par des investisseurs jusqu’ici anonymes… Les nouveaux «patrons» viendront-ils vraiment si le club ne devait plus évoluer en Super League ?  C’est aux joueurs actuels et à l’entraîneur d’éviter que cette question se pose alors qu’un moment capital de l’histoire de ce club est en train de se dérouler en coulisses. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ?
La nuit est déjà largement entamée lorsqu’il est temps pour moi de terminer cet article. Il fait toujours aussi froid dehors. Depuis mon balcon, j’observe la pleine lune ; elle éclaire le lac et une partie de la ville. Le stade, lui,  au loin, est plongé dans l’obscurité ; est-ce le signe d’un mauvais présage ?
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Neuchâtel Xamax FC – FC Zurich 1-2 (0-0)

Maladière, 3’570 spectateurs. 
Arbitre : M. Jaccottet. 
Buts : 48e Teixeira 0-1. 63e Gelabert 1-1. 79e Béda 1-2. 
Neuchâtel Xamax : Bédénik; Besle, Keller (46e Binya), Page, Paito; Mveng, Gelabert, Facchinetti (81e Gohou); Tréand, Nuzzolo (54e Ismaeel); Almerares. 
FC Zurich : Leoni; Philippe Koch, Béda, Teixeira (90e Raphaël Koch), Rodriguez; Schönbächler, Aegerter, Margairaz, Djuric; Mehmedi (75e Zouaghi), Chermiti (82e Drmic).
Cartons jaunes : 41e Chermiti, 48e Binya, 56e Almerares, 73e Besle, 74e Béda.