Gagner la Coupe pour Facchi

Le 29 mai 2011, en début de soirée, si Neuchâtel Xamax remporte sa première Coupe de Suisse de football, une de mes premières pensées sera pour ceux qui ne sont plus là et pour Gilbert Facchinetti, l’homme sans qui ce club ne posséderait pas le palmarès qu’on lui connait. Lui, au même moment, pourrait être au bord de l’apoplexie ; il réaliserait l’un de ses derniers rêves. Il y a quelques jours de cela, j’ai eu la chance de m’entretenir avec lui et son petit-fils, Mickaël, jeune joueur xamaxien. Récit d’une rencontre hors du temps avec des fous de foot.

Nous sommes le jeudi 12 mai, date officielle de la reprise du club par Bulat Chagaev. Il est 17h. Après une courte journée de travail dans mon Lycée (un enseignant n’a pas de longue journée, c’est bien connu…), j’ai rendez-vous avec Gilbert et Mickaël Facchinetti . L’entretien a lieu au Café des Amis, centre névralgique de la vie xamaxienne ; ce n’était pas prévu ainsi. Ces deux (ex-)footballeurs avaient visiblement l’envie de garder l’avantage du terrain… Je suis chez eux. Gilbert lance un amical «qu’est-ce que vous buvez ?». Il est l’heure de l’apéro mais je me dois de rester sobre : j’ai encore une AG d’actionnaires à couvrir et des corrections à terminer pour le lendemain. Je choisis une eau minérale. Je le sens presque déçu…
Alors qu’il doit connaître la moitié des habitants de ce canton, je n’avais jamais eu l’opportunité de m’adresser à lui. Je commence par le remercier de tous ces bons moments qu’il m’a procurés lorsque j’étais adolescent dans les années 80 et 90. Il est visiblement touché et rassuré.

Une relation fusionnelle

L’entretien débute vraiment alors que j’évoque la relation qui lie un petit-fils à un grand-père. Pour Mickaël, 20 ans, qui a perdu sa mère en 2009, et qui vit sous le même toit que Gilbert, il n’est pas le grand-père : il est le père, tout simplement. Il est un exemple. Il ne voit en lui que de l’amour et de la sincérité ; son exceptionnel parcours de vie lui inspire un énorme respect.

Pour Gilbert, Mickaël est «une raison de vivre», probablement la plus importante. Après avoir perdu trois de ses enfants, et quelques ennuis de santé, Gilbert a l’œil qui pétille quand il parle de son petit-fils ; il met en avant sa détermination et son engagement pour réussir sa vie.
Ils sont fiers l’un de l’autre. Ils partagent la passion du football ; celles du sport en général et des voitures aussi. Gilbert le verrait bien aussi reprendre l’entreprise familiale. Seule la légendaire nervosité de Gilbert gêne parfois Mickaël un jour avant le match, pendant le match et les jours qui suivent le match quand le résultat n’a pas été positif… Une passion qui dévore.

Une fin de saison sous pression

Je poursuis la discussion ; j’ai envie de savoir comment Mickaël combine sa vie d’étudiant avec celle de footballeur quasi-professionnel. Il me confie que la situation est compliquée en cette fin de saison pénible pour tous ceux qui aiment Neuchâtel Xamax. En plus des changements dans l’encadrement de l’équipe et du club, en plus de la menace de relégation, il est sous tension car il doit passer ses examens finaux de Maturité.
Comme Max Veloso (un joueur qui appartient à Neuchâtel Xamax prêté à Bienne), il a eu la possibilité d’effectuer sa dernière année de Maturité gymnasiale en deux ans. Il arrive au bout du parcours et les examens débutent fin mai. Il me dit que de manière générale, il a de la facilité à l’école mais que rien n’est fait ; ses résultats provisoires ne lui permettent pas d’envisager d’être totalement tranquille. Il me confie que beaucoup d’enseignants sont compréhensifs ; quelques-uns un peu moins. Il ne se plaint pas mais je sens une certaine agitation à l’aube de ce moment décisif dans ses études. Devoir jouer des matchs capitaux pour l’avenir du club cher à Gilbert tous les 3 jours, changer d’entraîneur, voir des dirigeants inconnus à l’entraînement et s’imaginer remporter la Coupe de Suisse n’est pas forcément la meilleure des préparations pour réussir ses examens de Maturité.
Mickaël semble solide ; il vit cette vie de fous depuis de nombreuses années. En 2011, c’est 16 heures de cours par semaine, les devoirs, 6 à 7 entraînements, les matchs et les déplacements. Malgré sa passion, je sens que la limite du supportable est proche. Pendant ce temps Gilbert écoute ; il me scrute ; il me sent compréhensif ; il est définitivement rassuré. Il me demande de tutoyer son petit-fils, «il n’a que 20 ans».

La Coupe de Suisse

Mis à part la finale de 1974 où je n’étais pas encore né, j’ai vécu toutes les défaites de Neuchâtel Xamax en finale de Coupe de Suisse dans les gradins. Comme beaucoup de Xamaxiens de cœur, j’ai une furieuse envie que cette série prenne fin. Gilbert, lui, a vécu 9 finales en tant que joueur ou dirigeant ; toutes perdues.  Vous imaginez bien son état d’esprit lorsque nous abordons le sujet. Il évoque la malchance et la difficulté des joueurs à gérer leurs émotions comme raisons principales à cette incroyable série négative. Il semble dépité.
Je lui demande celle qui l’a le plus marquée. Il me répond sans hésitation la dernière, en 2003, contre Bâle : je le sens presque encore choqué par le résultat. Mickaël, malgré son jeune âge, se souvient encore du visage des joueurs dans le vestiaire peu après le coup de sifflet final.
Comment pensent-ils vaincre le signe indien cette année ? Mickaël me parle tactique. Il pense qu’en bloquant les milieux offensifs les plus redoutables du FC Sion et en évitant de leur donner trop de balles arrêtées, la victoire n’est pas illusoire. Gilbert, plus modeste, me dit que Sion est imbattable en finale ; il me sourit, moi aussi…
Mon entretien touche à sa fin. Je leur demande s’ils ont un message pour les supporters xamaxiens. Gilbert me dit que tous ensemble nous devons y croire ; Mickaël espère qu’ils seront très nombreux et bruyants ; il me confirme que lui et toute l’équipe feront tout pour la gagner, cette satanée Coupe !
Il est 18h. Gilbert me propose de me ramener chez moi. Gêné, je finis par accepter. Alors que nous franchissons la porte du Café des Amis, la radio annonce que Didier Ollé-Nicole n’est plus l’entraîneur de Neuchâtel Xamax. Gilbert le savait, Mickaël vraisemblablement pas. Gilbert me glisse à l’oreille que Challandes reprend l’équipe. Mickaël, visiblement affecté par ce changement, s’en va de son côté.
Dans la voiture, Gilbert a encore envie de parler. Il me redit tout le bien qu’il pense de son petit-fils ; il évoque ses responsabilités à l’UEFA et ses rencontres avec des personnalités comme le Roi d’Espagne. La circulation est dense mais nous arrivons déjà à destination. Avant de me quitter, il me regarde droit dans les yeux et me dit que, dorénavant,  nous devrons nous tutoyer. Comme prévu, quelques jours plus tard, je reçois son livre par la poste. Evidemment, un gentil mot l’accompagne. Il est comme ça Facchi : sensible et généreux. Il y a des rencontres qui vous font du bien ; celle-là je m’en souviendrai longtemps.

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10 Commentaires

  1. Un super type ce Facchinetti, franchement si la finale était pas contre Sion je souhaiterais de tout coeur une victoire de Xamax rien que pour lui. Mais là je peux tout de même pas souhaiter ça!!
    Pour le 29, je commence franchement à avoir les chocottes, ça approche vraiment cette finale, et quoi qu’on en dise, malgré 11/11 et toutes les théories qu’on peut lire, c’est chaque fois pareil, la pression devient monstrueuse, on ne peut pas la perdre, on a pas le droit! On ne fait en tout cas pas les fiers, je peux vous l’affirmer… Et ce xamax là ressemble rudement à une peau de banane…
    Hop Sion pour le 29 mai 2011, et hop xamax pour une victoire en 2012, qui sait…

  2. Un grand homme ! Chapeau bas Mr. Facchinetti ! En tant que Genevois et Servettien, je devrai être neutre, mais je dois dire que rien que pour voir la joie de Facchinetti et la détresse de Constantin, je suis à fond pour Xamax 🙂

  3. Très bel article qui transmet beaucoup d’émotions! Gilbert Facchinetti m’avait toujours donné l’impression d’être un grand monsieur et cet article, si besoin en était, le confirme! Allez Xamax pour cette finale!!!

  4. Tres bon article et c’est clair qu’un Facchinetti c’est le genre d’homme de foot et d’attachement aux couleurs qu’un club a une chance enorme d’avoir a un moment de son histoire.

    Je pense que je serais assez content pour lui si Xamax gagne… 😉

  5. Franchement, c’est rare qu’un article de CR me touche, mais là je suis ému. Ce Facchinetti m’a l’air vraiment d’être un gars bien et généreux…

    Dommage que son club joue contre Sion, étant valaisan, je ne peux pas souhaite la victoire à Neuch’… Peut-être pour 2012, ce gaillard mériterait une coupe quand même…

  6. Très émouvant, ça donne envie de boire une avec Facchi qui est un très très très grand bonhomme.

    Mais bon: LA COUPE, C’EST NOUS, donc sorry les Gzamaxiens (même si à la base, je vous aime bien), mais ça ne va de nouveau pas le faire cette année, c’est comme ça.

    12/12!!!

  7. Magnifique article ! Facchi est Xamax. Pour la finale, attention à Challandes. Il connait les Sédunois sur le bout des doigts et saura comment les contrarier. La finale se jouera sur un détail et je miserai bien une piécette pour des prolongations et des tirs aux buts.

  8. Plutôt fan du HCC que de Xamax, j’espère juste que cette année Xamax va ramener la coupe à Neuch’ ne serait-ce que pour ce Grand Monsieur qu’est Gilbert Facchinetti. Il la mérite bien.
    Alors Hop Xamax…….

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