180° Sud, partie 5 : un univers impitoyable

En mars 1993, un accord fut trouvé avec la ville de Dallas et Norm Green annonça officiellement la relocalisation de la concession au Texas, suscitant colère et incompréhension chez les fans des North Stars. Tout le monde s’est senti trompé et l’hostilité à l’égard de Norm Green était gigantesque. De sauveur, le Canadien était devenu le paria, l’homme à abattre.

Durant les matchs qui ont suivi l’annonce, des T-shirts, banderoles et autres drapeaux ont fleuri dans le Met Center, avec une inscription qui deviendra l’hymne de l’équipe : «Norm sucks !». Tous les fans scandèrent alors en chœur ce refrain et Norm Green fut aussi baptisé «Norm Greed» (Norm le cupide) par tous ses détracteurs. Depuis lors, plus de trace de Norm Green aux abords du Metropolitan Sports Center. Le traître passait son temps entre sa maison de Palm Springs, en Californie, et Dallas pour la finalisation du transfert. Norm Green craignait à juste titre des représailles et jurait ne pas comprendre une réaction aussi émotionnelle des gens là-bas. Plus aucun fan n’est parvenu à entrer en contact avec le couard, sauf la fois où un supporter de Minnesota avait fait le déplacement de Los Angeles où les Kings accueillaient les North Stars au Forum d’Inglewood. L’homme avait alors trouvé Green et lui avait renversé l’intégralité de sa bière sur la tête. Un acte héroïque.


Bettman et Green, où le pacte des loups revisité.

Ce départ a secoué le milieu du hockey sur glace. Comment était-ce possible qu’après 26 années, cette équipe représentant la capitale américaine du hockey puisse quitter ce berceau pour aller s’installer au Texas, dans un endroit où personne – à quelques exceptions près – n’a pas la moindre idée de ce que peut être ce sport ? Comment la Ligue nationale de hockey et Gary Bettman ont-ils pu cautionner ce déménagement ? Il était impensable et inadmissible de perdre une équipe de hockey professionnelle dans ce coin du pays, ce lieu de tradition, et surtout pas au détriment d’un État dépourvu de toute culture du hockey. Autant que la relocalisation, le contexte tout entier a été vécu comme l’outrage le plus abominable que l’on puisse faire aux amoureux de ce sport et aux fans des North Stars en particulier.

Zéro changement

Circonstance aggravante, la franchise a conservé son nom (ou presque), son logo, ses couleurs, son maillot et l’intégralité de son staff dans cette transhumance. Ceci a d’autant plus accru la rage des supporters qui venaient de perdre leur équipe et ont eu une peine encore plus grande pour en faire le deuil. Rétrospectivement parlant, le changement de logo et d’uniforme instauré à l’automne 1991 tend à faire croire que tout était déjà prévu, comme le suggéraient Lou Nanne et Al Shaver, le commentateur radio qui suivait les North Stars depuis toujours : «ceci pouvait simplifier la relocalisation au cas où. Et aussi le fait que Norm Green ait insisté pour avoir juste le mot ʽStarsʼ sur le logo. On peut être des ʽStarsʼ partout ailleurs».
Du côté des joueurs, les incertitudes liées au futur de la concession ont joué un grand rôle dans les performances de l’équipe. Des informations contradictoires circulaient çà et là, mais personne n’était en mesure de confirmer quoique ce soit. L’inquiétude était d’abord unanime : personne ne voulait déménager et les joueurs se sentaient bien dans le Minnesota. Quand la rumeur de relocalisation à Dallas fut de plus en plus persistante, l’incrédulité a prévalu. Mike Modano déclarait alors : «mais où diable se trouve Dallas ! Pourquoi là-bas ! Je n’y comprends rien». Les joueurs ne savaient pas du tout comment ils allaient être accueillis dans le Texas. La crainte était palpable… Norm Green avait cependant déjà commencé le travail de sape. Profitant d’une série de matchs à l’extérieur de l’équipe, Green avait saisi l’occasion pour amener les femmes des joueurs faire une petite visite à Dallas, leur présenter les officiels de la ville qui n’ont pas manqué de les couvrir de cadeaux. L’opération séduction – l’autre – était lancée, il ne manquait alors plus qu’à rassurer leurs hommes dès leur retour.


Certains l’ont acclamé, d’autres ne se sont même pas levés.

Une fois établis au Texas, le discours a drastiquement changé : le climat est génial, fini les rudes hivers du Minnesota, l’accueil est incroyable, les fans sont géniaux, j’en passe et des meilleurs. Nous sommes d’accord, ils n’allaient pas démolir leur nouvelle destination, mais dans le genre tourne-veste, un homme a fait particulièrement fort : Mike Modano. Une fois arrivé, le numéro 9 n’a pas manqué de tacler sévèrement sa précédente maison au sujet du manque de soutien et du manque de fans qui n’étaient jamais présents. Dans le Minnesota, on l’a forcément mal pris, mais ce n’était encore qu’un jeune freluquet pas tout à fait sec derrière les oreilles. Mais Modano a remis plusieurs fois le couvert et on ne pouvait plus excuser sa naïveté derrière ses déclarations malheureuses. Il doutait fermement de la viabilité d’une franchise dans le Minnesota. Belle baffe dans la figure de ceux qui l’ont sélectionné au repêchage et lancé sa carrière, de même envers ceux qui l’ont adulé et soutenu lorsqu’il était encore un North Star.

Un départ sans classe

Bien sûr, certains sont restés fans du personnage et n’ont pas trop accordé d’importance à ces paroles. Pour son dernier match à St-Paul en 2010, le directoire du Wild a même rendu un vibrant hommage à Modano. Ce dernier est réapparu sur la glace à la fin du match vêtu d’un maillot des North Stars. Belle tentative de se dédouaner et de redorer son blason, mais certains n’ont pas été dupes. De retour au vestiaire, Mike Modano n’a pas manqué de remercier Norm Green pour les services rendus, tout en omettant certains qui l’ont soutenu dans le Minnesota. Une dernière gifle de plus dans la face des anciens fans des North Stars. Aujourd’hui encore, les sentiments à l’égard de Mike Modano restent très mitigés dans les «Twin Cities».
Ralph Strangis, l’annonceur des Stars et natif du Minnesota, avait commencé sa carrière en 1990 au côté d’Al Shaver. Ayant suivi les Stars au Texas, il est toujours dans l’organisation de la franchise. Aussi charismatique soit-il, il ne manque jamais une occasion de prendre la défense de Norm Green en avançant cette théorie un peu fumeuse : la décision de Green de déménager les Stars a permis de sauver deux marchés : celui des Stars une fois à Dallas et celui du Minnesota avec le Wild. Sauf que les fans du Minnesota ont perdu leur équipe aimée, les plongeant dans le désarroi, et sans aucune certitude quant à l’avenir du hockey professionnel dans cet État. Le but était de tenter d’avoir du succès dans le Texas, sans garantie. Les circonstances ont fait que les choses se sont bien goupillées à Dallas, de même que la création d’une franchise d’expansion au Minnesota. Mais ceci ne fut en aucun cas un calcul délibéré de Norm Green pour sauver la situation sur les deux tableaux. Mais maintenant que cela a marché des deux côtés, facile de présenter les éléments sous cet angle.
À suivre : 180° Sud, partie 6 : erreur corrigée
Si tu as raté le début : 180° Sud, partie 1 : prélude à l’avènement ;180° Sud, partie 2 : le lancement ;180° Sud, partie 3 : l’Étoile du Nord ;180° Sud, partie 4 : entre esbroufe et couardise

Écrit par Mathieu Nicolet

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4 Commentaires

  1. Marché, marché…les Stars risquent de ne plus être au Texas d’ici 5 voire 2 ans…

    1 mot d’ordre pour Bettman….le POGNON…évidemment comme le businessman (américain) moyen…

  2. Chers lecteurs,

    La suite arrivera dans quelques jours !

    Pour tout vous dire, Mathieu s’est octroyé deux semaines de vacances bien méritées au bord de la mer.

    Bien à vous,
    La rédac

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