Thurgau über alles !

Le Borussia Dortmund a son Julien Mouquin, le LHC sa SO, et Xamax son Gilbert, ces supporters indéfectibles et (souvent) admirables, emplis de cette foi qui les fait parcourir notre pays, et bien plus encore, malgré les avanies, malgré les déceptions, malgré les promesses non tenues. Il est un petit club de LNB qui lui aussi peut compter sur un fan improbable que rien ne peut décevoir: le HC Thurgau. CR a enquêté et rencontré ce personnage sain de corps et d’esprit à La Chaux-de-Fonds, magnifique cité inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Ville ouverte sur le monde, faite depuis toujours de l’immigration, réceptacle des idées nouvelles, seule La Chaux-de-Fonds pouvait raisonnablement héberger un tel personnage. Quelques jours après la venue du HC Thurgau, son club fétiche, dans le temple du hockey romand, CR a pris rendez-vous avec Bastien S. (nom connu de la rédaction) sur une terrasse de la ville.Il est 16h quand Bastien arrive de sa démarche vive et assurée. Une franche poignée de main, un sourire, le contact est facile, immédiat, chaux-de-fonnier. Alors que le reste de la Romandie gèle sous le brouillard, La Cité Horlogère resplendit sous le soleil hivernal et, t-shirt et lunettes de soleil de rigueur, notre invité prend place. On aurait pu croire qu’il viendrait affublé d’une écharpe aux couleurs thurgoviennes, voire d’un maillot de son équipe, rien de tout cela. Bastien a le soutien discret qui sied aux vrais fans : ceux qui n’utilisent pas leur identification comme béquille à leur piètre existence.

Der Locle, Lebensqualität

C’est à Le Locle, ville jumelle de La Chaux-de-Fonds, qu’il a vu le jour il y a déjà un bon paquet d’années. C’est surtout là qu’il a pratiqué pour la première fois le hockey sur glace. «En fait, pour être tout à fait franc, à l’âge de 7 ans j’étais pour Uzwil qui bataillait en LNB. C’était un choix dicté par un pur esprit de contradiction. Puis un jour, Thurgau s’est trouvé sur le chemin d’Uzwil et j’ai vu la lumière : j’ai su que ce serait Thurgau pour toujours. Je devais avoir 11 ans…»

Bastien se souvient avec quelques larmes d’émotion du fameux match où son club de cœur avait mis une solide raclée au HCC lors de la poule de promotion en LNB. «C’était fou ! Je me rappelle que le HCC avait changé deux fois de gardien, que le remplaçant (ndlr Andreas Jurt) ne voulait pas sortir quand le remplacé (ndlr Jean-Luc Schnegg) est revenu sur la glace alors que le score devait être déjà de 9-2 !»
Il se souvient aussi de tous ces Malabar gagnés lors de paris insensés avec ses camarades d’école à l’apogée du HC Thurgau. Et quand il se replonge dans ce passé, il en tremble presque de joie. «C’est qu’aujourd’hui on ne parle plus tellement de LNA à Weinfelden, mais finalement c’est mieux ainsi. Nous tout ce qu’on espère en début de saison, c’est que ça aille mieux que l’année précédente. On aime le maillot, on s’identifie, envers et contre tout. Il n’y a pas d’opportunisme.» lance-t-il un sourire sincère aux lèvres.

Grün

«Et quand je dis aimer le maillot, c’est aussi ses couleurs et son emblème : les lions, le vert. D’ailleurs, mon frère a toujours soutenu Olten, qui joue en vert aussi, il doit y avoir quelque chose de génétique dans cette attirance pour la couleur de l’espoir.» Vert, c’est aussi la marque de fabrique du club qui «roule en car hybride alors parfois c’est pas facile d’arriver ici et surtout d’en repartir, les batteries se rechargent difficilement.»
Bastien boit une gorgée de Picon-bière, repose son verre, reste un instant silencieux, songeur. «J’ai encore un peu de peine à digérer la défaite d’il y a quelques jours. On pourrait être dangereux mais avant même d’arriver dans le slot, on balance au fond plutôt que de la mettre dans la lucarne, on a vraiment l’impression de voir des cantonniers qui déblaient la neige. Mais bon, au moins nous à Thurgau, on a de l’ambiance, un vrai public, pas cette atmosphère d’enterrement ou de messe vaticane. Et les spectateurs sont mélangés, y’a aucun problème, ils sont drôlement plus civilisés les Suisses allemands. Quant aux bières et aux Schublig, je ne vais même pas en parler…»

In Löwen vertrauen wir

Bastien secoue la tête et commande une double Suze-glaçon. Il commence à s’échauffer un peu, le verbe fleurit : «En fait, c’est assez simple : il faut voir chaque déplacement de Thurgau comme une course d’école, l’entraîneur comme un professeur qui emmène ses élèves en villégiature voir des lions. Les lions c’est toujours LA quête du voyage. Alors évidemment, quand les joueurs ont découvert qu’il n’y avait que des loutres au Bois du P’tit Château (ndlr le zoo de La Chaux-de-Fonds), bien que le directeur des institutions zoologiques du lieu leur soutenait que c’était des lions de mer, ils n’ont pas bien digéré leur sandwich. Et ils ont raté leur match, c’est aussi simple que cela.»

«Non franchement, ils ont eu du plaisir à découvrir à La Tchaux malgré la rectangularité de la ville. Finalement, l’important pour eux c’est de participer. «Va et découvre ton pays», c’est un peu la devise du club. Mais une course d’école sans lions, ça reste une course d’école ratée, c’est pour ça que Thurgau adore aller à Lausanne qui partage l’emblème. Là les joueurs sont aux anges et regardent les Lausannois patiner, émus. On espère vraiment qu’ils ne vont pas monter en LNA, ce serait terrible.»

Verräter

Interrogé sur la présence de trois anciens du HC Thurgau aux Mélèzes, Bastien en perd presque son calme et verse dans la férocité. «Ce sont des traîtres ! D’ailleurs plus personne ne se rappelle de leurs noms à Weinfelden. C’est par pur appât du gain qu’ils sont venus jouer ici, franchement, sportivement, il n’y a pas vraiment tant de différence que cela sur la glace. Non, c’est pas joli joli d’avoir quitté le club qui leur a tout donné, mais c’est comme ça désormais, on ne peut plus se fier à personne. Mais j’ai confiance, avec le nouvel entraîneur, Thurgau va gentiment remonter la pente et se qualifier pour les play-off. Et là, ça va chauffer à Weinfelden, j’en salive d’avance !»
Déjà c’est l’heure de prendre congé. Bastien, bon prince, règle les consommations – «c’est le code d’honneur thurgovien que voulez-vous…» – et s’en va d’un pas léger, puis fait demi tour et revient vers la table toujours baignée de soleil : «Le 27 décembre, le HC Thurgau joue de nouveau aux Mélèzes. Cette fois, je prendrai un billet visiteurs, parce qu’au dernier match, on ne m’a même pas laissé aller retrouver mes amis au 3ème tiers, vous vous rendez-compte ? Comme si j’étais lausannois avec un masque d’Halloween…» Ultime poignée de main, regard plein d’assurance : vivement que Noël passe et qu’on aille voir Thurgau en compagnie d’un puriste…
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Lars Petersen

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1 Commentaire

  1. Très bel article, excellent notamment la phrase: « Comme si j’étais lausannois avec un masuw d’halloween »! Eh oui dire qu’en gros il y a 20 ans Thurgau bataillait pour une place en LNA, et maintenant il bataille aussi… éviter une desecente en 1ère ligue. les temps changent mon chère Lars c’est dommage mais c’est comme ça!
    Alors à plus au bord d’une patinoire….
    peut être même a Thurgau, car j’écris de temps en temps! Et j’ai fais pas mal de fois Thurgau!

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