Matthijs De Ligt, plus fort que Mbappé ?

Dembélé, De Jong, Sané, Jovic, Arthur, Rodrigo, Militão, Donnarumma, Alexander-Arnold et bien sûr Mbappé sont les principaux figurants d’une liste inachevée de grands talents M23 de la planète foot. Et pourtant, un nom n’a pas été avancé : Matthijs De Ligt. Et pour cause, déjà fort bien connu pour ses réussites précoces par les fanissimes du ballon rond, le défenseur hollandais ne l’est de loin pas encore en Europe, ni même aux Pays-Bas ! C’est pour cela que Carton-Rouge a saisi l’opportunité de vous faire découvrir pendant qu’il est encore temps le défenseur central et évanescent Petit Poucet qui se cache derrière ses impressionnants 189 cm. Et ce, avant qu’il ne quitte Amsterdam et n’écrive la phénoménale histoire qui lui semble promise.

L’Ajax est passé au futur

Né à Leiderdorp le 12 août 1999, celui dont la plupart prononcent le nom faux est l’exemple parfaitement réussi de la philosophie Ajax-Barcelone érigée par l’illustre Johan Cruyff. Un temps joueur de tennis, De Ligt a commencé le foot à Abcoude, un village proche d’Amsterdam, avant d’être formé dans l’académie ajacide. En enrôlant ainsi les meilleurs joyaux régionaux, l’identité du club est bien ancrée dans le terroir. En revendant les pépites plus loin une fois qu’elles franchissent le fameux cap, l’Ajax peut réinvestir dans le but de rajeunir l’effectif, et cætera. Le passé a connu les Kluivert, Michels, Overmars, Bergkamp, Blind, Van Basten, Neeskens, Rijkaard, Cruyff, Seedorf et Van der Sar, pendant que les Vertonghen, Vermaelen, Alderweireld, Eriksen, De Jong et De Ligt animent les pelouses actuelles. Les protégés du coach Erik ten Hag, qui pratiquent un jeu « total » rappelant les années Cruyff, n’ont jamais été aussi proches d’une nouvelle finale européenne. Le capitaine de cette folle campagne n’est autre que le débordant d’assurance Matthijs De Ligt, 19 ans. Et lors de leur dernière victoire en 1995, les blancs et rouges comptaient déjà un effectif avoisinant les 22 ans !

Une pièce maîtresse aux chiffres forts

L’impression que dégage De Ligt lorsqu’il évolue sur le terrain est celle d’un joueur de 27 ans au sommet de sa forme. Pourtant le charismatique défenseur central n’est pas Nigérien et a bel et bien 19 ans. Grâce à sa taille importante, il est plus qu’à l’aise dans les airs et gagne en moyenne 4.1 duels aériens par match, une statistique qui est particulièrement impressionnante. À titre de comparaison, Piqué (3.3), Ramos (2.2), Godin (2.9), Chiellini (2.2) et Koulibaly (2.3) ne lui arrivent pas à la cheville dans ce domaine, alors qu’ils font partie des plus imposants et meilleurs défenseurs. Seul le désormais meilleur défenseur de Premier League de la saison Van Dijk fait mieux (4.7). Or, il va sur ses 28 ans et mesure 4 cm de plus ! Certes, il est très osé de comparer ces cités défenseurs tant leurs caractéristiques sont différentes. Cependant, un chiffre n’est parlant qu’en comparaison avec d’autres. Par ailleurs, De Ligt ne défend pas uniquement. Il marque passablement de buts de la tête, et ce lors de rencontres clefs pour son équipe : contre la Juventus en 1/4 de C1 et en 1/2 face à Tottenham, contre Liège en barrage, contre le concurrent Feyenoord et enfin contre l’Allemagne lors de la sortie internationale.

Ses qualités de passes font de lui le joueur le plus prolifique dans ce domaine dans le championnat hollandais avec un taux de réussite dépassant les 90%. Ajoutons à cela sa vitesse et son physique impressionnant que les plus grands attaquants redoutent déjà alors que son ascension (également médiatique) reste très récente. Perçu comme le futur remplaçant idéal de Gerard Piqué, De Ligt compte un taux réussi de passes longues (4 par match), d’interceptions et de dégagements salvateurs plus élevé que l’expérimenté catalan. Il est un des récupérateurs de balles le plus efficace dans sa propre surface de réparation.

Une petite roulette par-ci…

C’est au niveau de son positionnement que De Ligt a encore une grande marge de progression. À l’image de son placement fautif en début de match contre l’Allemagne, De Ligt ne s’en fait pas, et redouble au contraire d’efforts et d’intensité lorsqu’il commet une erreur (il marque de la tête peu après lors du même match). Comme si son expérience faisait déjà la différence. Lorsque son placement est imprécis, il tente de se repositionner et couvre très souvent une impressionnante parcelle de terrain, notamment grâce à sa vitesse. À ses 14 ans, les dirigeants de l’Ajax ne savaient plus s’ils devaient faire jouer le jeune Matthijs comme défenseur central ou comme milieu défensif : « Si tu penses comme un entraîneur basique, tu te dis que c’est étrange et peut-être même problématique pour le match et donc le résultat final. Mais Matthijs était tellement fort en défense centrale, que c’était dangereux pour sa progression de rester à ce poste. On voulait le faire progresser sur son utilisation du ballon, sur la vision, sur le fait qu’il doive créer de l’espace avec ses relances, qu’il accélère le jeu, qu’il se développe techniquement. » Un cas de figure similaire a été celui du milieu à tout faire Frenkie De Jong. Il a eu joué défenseur avant qu’on ne le replace en tant que milieu gauche, sur la parcelle où il excelle davantage. Pourtant, tout n’a pas été simple pour De Ligt à ses débuts prématurés : à 17 ans il fête sa première sélection (du jamais vu depuis 1930) contre la Bulgarie et se montre fautif sur les deux buts encaissés par les Oranges. Il est logiquement remplacé à la mi-temps et les supporters craignent alors un impact psychologique néfaste après ce navrant baptême. Toutefois, six mois après, il devient un indiscutable titulaire en sélection. Il aurait également pu voir sa route barrée en club par le talentueux Davinson Sanchez. Nonobstant, que ce soit en sélection ou avec l’Ajax, De Ligt s’impose rapidement en patron indiscutable. A 15 ans, il joue avec les M17 et à 17 ans, avec les M19 puis avec l’équipe A des Pays-Bas. En automne 2016, il fait ses premiers pas en équipe A de l’Ajax à la fois en Eredivisie (second plus jeune buteur après Seedorf, qui était milieu de terrain), en coupe et en Europa League. Il devient même rapidement le plus jeune capitaine de l’histoire ajacide à 17 ans ! Depuis, il en est à sa troisième saison avec au moins 40 matches professionnels dans son club formateur. Sa plus grande qualité est de loin sa force mentale qui pousse ses coéquipiers vers le haut. D’ailleurs, Matthijs est désormais un indétrônable capitaine, et ce depuis la fin de la saison passée !

En quittant l’Ajax cet été pour sûr, De Ligt aura l’occasion de travailler sur ses « faiblesses », que ce soit en termes de placement ou au niveau des tacles glissés (et on est sévère). Il pourra se frotter à de nouveaux coéquipiers et dispositifs tactiques.

Un physique grassouillet hier, un prix grassouillet aujourd’hui

Figure de proue naturelle

Ce n’est pas comme si depuis ses 17 ans, De Ligt avait uniquement aligné des matches contre le Vitesse Arnhem ou Emmen. Non, le prodige s’est frotté aux barrages de la Champions League, à Schalke, Lyon et Manchester en Europa League (alors que moi à son âge, je venais d’enterrer mes Lego), et aujourd’hui il affronte ce qui se fait de mieux au niveau européen. Le gamin a frappé les esprits lorsqu’à ses 17 ans, il fut le plus jeune joueur à disputer une finale européenne (Europa League perdue contre Manchester Utd). Suite à cela, il est nommé en 2017 8e meilleur jeune du monde par le magazine FourFourTwo. Ce n’est donc que suite logique si en décembre 2018, il reçoit le prix de la meilleure étoile montante européenne M21 (Golden Boy), récompensant ses incroyables débuts précoces.

En février dernier, il est devenu le plus jeune joueur de l’histoire à endosser le rôle de capitaine en phase finale de Champions League. Il tient ce brassard notamment grâce à son leadership naturel sur et en dehors des terrains. Dans les vestiaires, il pousse ses partenaires de jeu à tout donner. 

Le gamin à ses 17 ans après la qualification contre Lyon en Europa League.

Avec l’Ajax, De Ligt est devenu cette année le footballeur le plus jeune à atteindre la barre des 100 matches et a compté 10 sélections plus rapidement que personne auparavant dans l’histoire de l’équipe nationale des Pays-Bas. Pour les dirigeants de l’Ajax, son développement est incroyable, car il possède la maturité et la supériorité naturelle que les garçons de son âge n’ont pas. À l’image de sa fantastique prestation contre la solide défense turinoise en 1/4 de finale de C1, durant laquelle il a remporté 75% de ses duels contre les attaquants italiens (parmi eux, un certain Ronaldo) et a marqué le but de la victoire sur corner. Cette saison, il a été plus proche que jamais d’un triplé historique (Championnat-coupe-C1). Le plan Cruyff semble ainsi fonctionner à merveille. De Ligt a toutes les cartes en mains pour devenir un très grand.

19 ans et mettre dans le vent Gnabry, Sané, Ribéry, Lewandowski, Ronaldo, Bernardeschi, … osé !

Comparaison oiseuse

On le sait, comparer un défenseur central à un attaquant est difficile. Le système actuel du ballon d’Or, qui est décerné sur la base de critères bien trop flous, non vérifiés et surtout ridiculement subjectifs, incite malheureusement à ce genre de comparaison. Une plus grande médiatisation autour de l’élection d’un « Onze d’Or de l’année » serait bien plus sensée. Comme les buts et assists sont les qualités les plus attractives pour le public, le prix du ballon d’Or est celui du milieu offensif et de l’attaquant. Plus on redescend sur le terrain et moins on peut rêver de ce trophée. Après tout, comment établir des liens rationnels et indiqués entre ter Stegen et Messi ? Le titre de cet article est donc avant tout provocateur. Si l’on permet à quelques journalistes d’élire librement leurs « 5 préférés » pour une année civile donnée, pourquoi ne pourrait-on pas tenter une mise en regard entre les débuts de carrière de De Ligt et de Mbappé ?

Le Français a 20 ans, contre 19 pour le Hollandais. Bien sûr Mbappé est champion du monde, ce qui est exceptionnel. Mais comment De Ligt pourrait-il l’égaler sans même se rendre en Russie ? Même si l’on sent un réel mieux chez les Pays-Bas, les Hollandais d’il y a une année n’arrivaient pas à la cheville de l’équipe de France. Au moment de l’écriture de ces lignes, De Ligt compte plus de 25 matches professionnels de plus que Mbappé. Ce dernier a certes joué avec Monaco, mais depuis qu’il est Parisien, il évolue avec une équipe qui ne connaît aucune concurrence nationale. Tout le contraire de l’Ajax du Hollandais, pour qui le titre en Eredivisie est une rude bataille. Alors à qui le mérite ? Mbappé participe à sa troisième campagne en Ligue des Champions pour une seule 1/2 finale atteinte. De Ligt fête sa première avec une élimination in extremis justement aussi en 1/2. En prenant toutes les compétitions européennes confondues, le défenseur orange compte davantage de matches que son homologue français (sans oublier sa finale en Europa League). Alors, qu’est-ce qui prime : les dribbles et buts du prodige français ou la force du collectif emmené par le natif ambidextre d’Amsterdam ? Plus judicieux serait d’analyser les deux seules confrontations directes entre les deux hommes. Par deux fois, la France a affronté les Pays-Bas dans le cadre de la Nations League. Au premier match, De Ligt a dû s’avouer vaincu devant le but de Mbappé. Au second match par contre, le Français n’a pas existé, tant le Hollandais l’a à chaque fois stoppé net devant sa cage, et la Hollande l’a emporté, éliminant la France au passage. Les Pays-Bas sont ipso facto à un match d’une finale en juin prochain. Les valeurs marchandes (selon Transfermarkt) illustrent bien le problème de la comparaison en la matière : Mbappé vaut 200 millions d’euros, contre « seulement » 70 pour De Ligt. Mais a-t-on déjà vu un défenseur central à 200 millions ? Jamais. De même, on n’a jamais vu un défenseur central marquer 30 buts en championnat et on n’a également jamais vu un seul joueur gagner une Coupe du monde ou une Ligue des Champions. Ces deux prodiges se distinguent certainement comme les plus talentueux et précoces de cette génération et continueront sans doute de briller grâce à leurs caractéristiques bien différentes. Vouloir trancher, avec des critères qui penchent en faveur de l’attaquant ou du défenseur, n’a que peu de sens. Oui, Mbappé procure plus d’émotions aux spectateurs avec ses buts et assists. Mais De Ligt gagne trois fois plus de duels aériens par match. Et alors ? N’est-ce pas l’équipe et ses exploits qui créent la magie de ce sport ?

A propos Thomas Christen 27 Articles
C'est dans la chronique FOOTURO, chers lectrices et lecteurs, que vous en apprendrez plus sur les perfs' actuelles des athlètes suisses qui ont joué les mercenaires du monde. A vous de voir : footuro ou footu pour la Nati ?

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