180° Sud, partie 7 : au revoir Québec

Deux ans plus tard, c’est au tour des Nordiques de Québec de disparaître du paysage de la Ligue nationale de hockey, vaincus après plusieurs années d’un combat âpre pour maintenir l’équipe au Colisée. La mort des Nordiques a créé une véritable onde de choc dans les régions francophones et a tué la rivalité que se vouaient les fans de Montréal et ceux de Québec.

Comme dans le cas des North Stars, les difficultés sérieuses débutèrent à peu près au même moment, en 1988 déjà lorsque la brasserie O’Keefe, propriétaire de la franchise, songe à vendre le club en raison de la dégringolade du marché de la bière à cette période (!). Les Nordiques n’étaient jamais parvenus à faire du profit, mais la visibilité que possédait O’Keefe en détenant la franchise québécoise lui permettait de rivaliser avec son principal concurrent de Montréal, Moulson. Cependant, les rumeurs prédisait un déménagement à Hamilton, où le flambant neuf Copps Coliseum cherchait un locataire… La population se mobilisa et le président des Nordiques Marcel Aubut parvient à trouver de nouveaux investisseurs locaux. L’avenir des Nordiques à Québec semblait assuré.


Marcel Aubut et Gary Bettman au devant de l’irrémédiable

Pourtant, l’équipe ne va pas tarder à être à nouveau en danger. Le vétuste Colisée plombe les possibilités de la franchise de pouvoir se développer et d’être économiquement viable, en plus du manque de loges corporatives dans l’enceinte québécoise. Parallèlement, l’escalade des salaires et des coûts opérationnels amplifient le phénomène en plus de la faiblesse du dollar canadien par rapport à son penchant américain (les salaires étaient établis en dollars américains). La solution pour la survie à terme des Nordiques passe alors obligatoirement par la construction d’une nouvelle arène. Cette proposition avait déjà été évoquée en 1989 mais face au mutisme des autorités, rien ne sera fait. Même la population – lassée par plusieurs saisons compliquées sur le plan sportif – semble désintéressée du sort de la franchise, puisqu’aucune réelle mobilisation ne s’effectue (contrairement à 1988).
À la traîne sur la glace – Québec multiplie les saisons décevantes sans la moindre qualification en séries –, la concession est le théâtre d’une saga qui tiendra en haleine toute la Province et la Ligue nationale de hockey. En 1991, les Nordiques sélectionnent Eric Lindros comme premier choix de repêchage malgré les avertissements de ce dernier qui refusait catégoriquement de porter le chandail québécois. Parmi les raisons invoquées par le prometteur attaquant considéré comme le futur Gretzky, il y avait l’éloignement de Québec, le peu de perspectives d’avenir qu’offrait l’équipe et le fait qu’on y parle français ! Le directoire des Nordiques choisit la confrontation en jurant que Lindros allait être celui qui sauvera la franchise du marasme dans lequel elle se trouve. Las, Lindros reste inflexible et il fait une saison 1991/1992 blanche. Sous la pression de la LNH au vu de la popularité et du potentiel d’Eric Lindros, la concession échange finalement l’attaquant canadien aux Flyers de Philadelphie contre Peter Forsberg, Mike Ricci, Ron Hextall, Steve Duchesne, Kerry Huffmann, Chris Simon, deux choix de premier tour et 15 millions de dollars. Rien que ça ! Pourtant, cet échange marquera la renaissance sportive des Nordiques qui devinrent extrêmement compétitifs. De l’autre côté, Eric Lindros ne confirmera jamais pleinement son potentiel et aura une carrière minée par les blessures.

Nous nous souvenons

Côté infrastructures, la situation est moins brillante. Nous sommes en 1994 et le dossier de l’arène est au point mort. En période de crise, il était impossible de convaincre les pouvoirs publics de financer de nouvelles installations, d’autant plus que les coûts allaient forcément se répercuter sur une population déjà éprouvée. En effet, 78% des citoyens de Québec ne sont pas favorables à la construction d’une nouvelle enceinte. L’avenir est donc plus noir que jamais. La seule issue possible est donc la vente de la franchise, ce qui sera fait le 25 mai 1995 : les Nordiques sont vendus au groupe Comsat Video pour la modique somme de 75 millions de dollars américains et l’équipe est relocalisée à Denver. À l’annonce de la nouvelle, des émeutes mémorables se déclencheront dans toute la ville de Québec. Le déménagement est entériné par le Conseil des Gouverneurs de la Ligue nationale de hockey en juin 1995, tous les représentants ayant donné leur accord, sauf les propriétaires canadiens qui se sont abstenus lors du vote. Sur le plan sportif, le déménagement est d’autant plus regrettable que les Nordiques avaient bâti une équipe très solide avec les Sakic, Forsberg, Ricci et autres Kamensky ; la franchise remportera même la Coupe Stanley dès la première saison dans le Colorado ! Ceci provoquera une douleur encore plus grande chez les partisans des Nordiques.


Foote, Sakic et Forsberg sous le maillot des Nordiques

L’étroitesse du marché couplé à un faible dollar canadien ainsi qu’à des infrastructures obsolètes sont également les raisons principales du départ des Jets de Winnipeg. Les résultats globalement médiocres de la franchise du Manitoba ont fragilisé davantage la situation de l’équipe possédant désormais le plus petit marché après la disparition des Nordiques. Contrairement à Québec, la mobilisation des fans sera énorme mais la recherche d’un repreneur local demeurera infructueuse. L’inexorable finira par se produire en 1996 lorsque les Jets sont vendus à deux businessmen américains, Richard Burke et Steven Gluckstern. D’abord pressentie au Minnesota, la franchise déménagera dans le désert de l’Arizona, à Phoenix. En deux ans, la partie du hockey sur glace a perdu deux franchises au profit des États-Unis sous le regard complaisant du commissionaire Bettman, lequel n’aura pas levé le petit doigt en faveur des deux équipes défuntes. Ceci aura pour effet de donner une réputation d’anti-Canadien à ce dernier.
À suivre : 180° Sud, partie 8 : le déclin
Si tu as raté le début : 180° Sud, partie 1 : prélude à l’avènement ;180° Sud, partie 2 : le lancement ;180° Sud, partie 3 : l’Étoile du Nord ;180° Sud, partie 4 : entre esbroufe et couardise ;180° Sud, partie 5 : un univers impitoyable ;180° Sud, partie 6 : erreur corrigée

Écrit par Mathieu Nicolet

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2 Commentaires

  1. Malgré le départ des Nordiques en 1995, les citoyens de la ville de Québec restent très nostalgiques de leur équipe. Pas question d’être des partisans des Canadiens de Montréal!! Récemment, le maire a réussi à obtenir les fonds nécessaires pour la construction d’un nouveau amphithéâtre pour accueillir une nouvelle équipe. Les citoyens sont très optimistes quant aux possibilités du retour d’une équipe de la NHL.

  2. Hello,

    Merci pour ce petit rappel historique, ça me rappelle mes interminables parties de NHL 94 sur la sega mega drive ! 😉

    Petite correction: je ne sais pas si c’est une sorte de second degré de cartonrouge ou un quelconque parti-prix mais le rival n’est pas Moulson mais Molson (nom d’une compagnie de bières canadienne) qui a construit la patinoire qui est devenue le centre Molson en 1996.

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