180° Sud, partie 9 : un espoir nouveau

Comme le montre l’exemple des Oilers, un palmarès bien fourni n’a aucune influence sur la santé d’une franchise. La situation économique n’étant pas dotée de mémoire, elle ne fonctionne que froidement selon des objectifs stratégiques globaux, des critères actuels, des perspectives futures ainsi que sur certains événements extraordinaires dont nul ne peut avoir de contrôle. L’exemple des Pittsburgh Penguins décrit bien cette évolution et ces changements.

Lauréats en 1991 et 1992, les Pingouins de Pittsburgh ont pourtant souvent été en fâcheuse posture. En banqueroute en 1975 déjà, la franchise de Pennsylvanie avait remis ça en 1998. Évoluant dans la plus vieille enceinte de la Ligue nationale de hockey (la Mellon Arena, bâtie en 1961), l’équipe n’était même pas certaine de pouvoir terminer la saison 1998/1999. La concession croulait sous les dettes et avait déclaré une perte de 37.5 millions de dollars en deux ans, une somme colossale à l’époque. Les rumeurs de relocalisation se faisaient naturellement de plus en plus insistantes : Houston, Kansas City, Oklahoma City et Portland (Orégon) étaient déjà dans les rangs.Les joueurs firent preuve d’une solidarité assez inhabituelle dans le milieu. Poussés par un Mario Lemieux en convalescence suite à sa maladie, ils acceptèrent de réduire leur salaire afin de permettre le remboursement des créances les plus urgentes. Mario Lemieux lui-même, à qui l’on ne devait pas moins de 30 millions de dollars avait accepté d’abandonner sa créance et de se porter acquéreur de la franchise. Mais les problèmes d’infrastructures de l’équipe n’étaient pas résolus pour autant…


La Mellon Arena, enceinte atemporelle dans le milieu de la LNH.

En 2005, les «Pens» se retrouvent à nouveau dans une sacrée mélasse. La concession accumule les pertes et les résultats sportifs sont catastrophiques. Pittsburgh squatte les dernières places du classement et l’affluence moyenne ne dépasse guère 12’000 spectateurs, la plus basse de la Ligue nationale de hockey à cet instant. La concession sélectionnera alors Sidney Crosby après avoir choisi Evgeny Malkin au repêchage une année auparavant, annonçant alors des jours meilleurs si les deux stars venaient à confirmer leur énorme potentiel. Seulement voilà, le contrat liant la franchise à l’exploitation de la Mellon Arena prend fin le 30 juin 2007, et aucune solution n’a encore été trouvée ; les négociations pour la construction d’une nouvelle arène sont au point mort quant à son financement.

Lemieux en sauveur ?

En 2006, un personnage haut en couleur apparaîtra dans le cercle de la Ligue et fera parler de lui en en de nombreuses circonstances. Le bouillant Jim Balsillie, propriétaire de Blackberry, fait une offre se montant à 190 millions de dollars à Lemieux pour racheter les Pingouins. Lemieux est séduit, mais les détracteurs de l’homme d’affaires canadien le soupçonnent de vouloir déménager la franchise dans son fief d’Hamilton, là où le Copps Coliseum constituerait une arène tout à fait viable pour accueillir la concession. Balsillie démentira vigoureusement ces rumeurs en s’engageant à garder la franchise à Pittsburgh s’il en devenait le propriétaire, mais à condition de construire cette fameuse nouvelle enceinte. Flairant le mauvais coup, la Ligue nationale de hockey par le biais de Gary Bettman tança le milliardaire ontarien et se déclarant même prête à reprendre la destinée des Pingouins si cela s’avérerait nécessaire. Contre toute attente, Jim Balsillie retirera son offre ; Mario Lemieux et Ron Burkle deviendront alors les copropriétaires de Pittsburgh.
Au début de l’année 2007, l’avenir de la concession en Pennsylvanie est clairement compromis. Aucun plan de financement pour une nouvelle arène n’a été trouvé et la ville de Kansas City se montre le candidat le plus crédible à la venue de l’équipe. Les deux copropriétaires Lemieux et Burkle sont même invités par les officiels de Kansas City dans leur rutilant Sprint Center, arène qui ne possède pas encore de locataire en ses murs. Lemieux tient toujours à conserver l’équipe à Pittsburgh, mais dans une lettre adressée au gouverneur de Pennsylvanie ainsi qu’au maire de la ville, les deux hommes concèdent qu’ils exploreront toutes les situations pour la survie de la franchise, même si cela doit passer par sa relocalisation à Kansas City . À ce stade, point de sentiments, tout est affaire de business. L’attachement qui lie Mario Lemieux à Pittsburgh n’est plus prioritaire…


Lorsqu’il s’agit d’argent, l’attachement émotionnel passe au second plan.

En mars 2007, c’est la surprise : les différentes parties impliquées dans le processus de financement d’une nouvelle enceinte sont parvenues à un accord. La construction de l’arène coûtera un peu plus que les 290 millions initialement budgétés, mais les «Pens» se sont engagés à verser 4 millions de dollars par an pour cette arène, plus 500’000 dollars par an pour un parking lié au complexe. Une fois encore, les Pingouins sont sauvés. Stratégiquement parlant, Lemieux a réalisé un sacré coup pour forcer la ville de Pittsburgh à cracher un tel montant pour un nouvel amphithéâtre. Avec ce magnifique outil ainsi que sur une excellente gestion sportive au niveau des choix de repêchage, l’équipe connaîtra un grand succès. Une multitude de «footix», catégorie de supporters opportunistes et tourne-vestes clamant subitement leur amour inconditionnel pour une équipe qui gagne tout, feront alors leur apparition. Les vrais fans n’étaient pourtant pas nombreux au moment où la franchise était en état de mort clinique…

Les cas cachés

Nettement moins médiatisé, le cas de New Jersey fut différent. En juin 1995, la formation coachée par l’ancien entraîneur du HC Sierre Jacques Lemaire était en route pour leur première Coupe Stanley. Paradoxalement, les rumeurs de relocalisation avaient brutalement envahi l’entourage de la concession. Cette fois-ci, c’était pour une question de loyer. La patinoire des Devils, la Byrne Meadowlands Arena, était mal située est dépourvue de loges corporatives suffisantes afin d’accroître significativement les revenus. Le propriétaire John McMullen avait donc menacé de transférer la franchise à Nashville où une enceinte neuve budgétée à 120 millions de dollars se construisait. Les officiels de Nashville étaient plutôt experts dans les opérations de charme : ils promettaient un bonus de 20 millions de dollars doublé d’un contrat de location extrêmement généreux à la première équipe qui viendrait s’installer dans leur nouvelle arène. Un accord fut finalement trouvé pour maintenir les Devils dans le New Jersey, incluant la promesse faite par Gary Bettman que Nashville recevrait en retour une franchise d’expansion. Si les Diables avaient déménagé, la franchise aurait vécu sa troisième migration ! Après toutes ces alertes vint alors la nouvelle vague d’expansion, décidée dans le courant des années nonante.
À suivre : 180° Sud, partie 10 : la nouvelle vague
Si tu as raté le début : 180° Sud, partie 1 : prélude à l’avènement ;180° Sud, partie 2 : le lancement ;180° Sud, partie 3 : l’Étoile du Nord ;180° Sud, partie 4 : entre esbroufe et couardise ;180° Sud, partie 5 : un univers impitoyable ;180° Sud, partie 6 : erreur corrigée ;180° Sud, partie 7 : au revoir Québec ;180° Sud, partie 8 : le déclin ;

Écrit par Mathieu Nicolet

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1 Commentaire

  1. Donc, après tous ces articles, la conclusion qui s’impose est qu’une équipe de NHL n’est viable que si son enceinte est moderne…

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