9 décembre : Stadio San Paolo

Il ne sera peut-être jamais inscrit à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO pour son architecture, mais le stade qui fut le théâtre des magies du Pibe de Oro de 1984 à 1991 possède d’autres atouts. La ferveur et la passion d’un public chaleureux qui, même s’il n’égale pas celui de Buenos Aires, aide souvent les Argentins fraîchement débarqués à se sentir presque «comme à la maison». Coup de projecteur sur un stade que l’on retrouvera pour la première fois en huitièmes de finale de la Champions League : le Stadio San Paolo de Naples.

Nom : Stadio San Paolo.
Ville : Naples.
Club résident : SSC Napoli.
Capacité : 60’240.

Le stade

Véritable amphithéâtre digne du Colisée, le Stadio San Paolo – inauguré le 6 décembre 1959 puis rénové à l’occasion de la Coupe du Monde de 1990 – se situe dans le quartier populaire de Fuorigrotta et est composé de trois anneaux. La mauvaise visibilité depuis le premier anneau rend celui-ci peu utilisé lorsque le stade n’est pas plein et a pour conséquence de laisser penser à un stade vide sur certaines photos prises depuis la pelouse. Le troisième anneau – directement lié à la structure qui soutient le toit installé pour Italia’90 – est, quant à lui, fermé depuis des années car l’exultation des supporters causait des vibrations qui se faisaient ressentir jusque dans les immeubles environnants. Ajoutez à cela des files d’attentes aux entrées, une piste d’athlétisme inutilisée depuis de nombreuses années, des toilettes en trop petite quantité (lorsqu’ils ne sont pas simplement hors service), une couverture qui fuit lorsque la pluie se fait abondante et des embouteillages monstres à chaque fin de match, même après un amical du mois d’août contre Wolfsburg. Oui, l’enceinte du SSC Napoli est assez vétuste et c’est d’ailleurs le seul stade de Série A et de Champions League à ne pas être équipé de panneaux lumineux, mais qu’à cela ne tienne ! La vue depuis le deuxième anneau est somme toute plutôt bonne et le spectacle qui se déroule sur la pelouse et dans les gradins vaut à lui tout seul le déplacement. Car au final, si l’on se rend à Naples ce n’est pas pour manger des petits-fours en zone VIP ou boire de la bière avec Hans et Liselotte, mais bien pour s’égosiller au milieu de 60’000 tifosi afin de soutenir Inler, Dzemaili et le trio des merveilles Hamsik-Lavezzi-Cavani.

L’ambiance

Évidemment c’est dans les deux Curve que le spectacle est le plus intense et coloré. À tort ou à raison, la Curva A est souvent considérée comme un repère de mauvais garçons et de violents, alors que la Curva B est vue comme le cœur de la foi napolitaine, encensée par l’hymne de Nino d’Angelo «I ragazzi della Curva B», chanson qui fait vibrer tout bon Napolitain qui se respecte même durant son sommeil. Mais, dans une ville qui voue un véritable culte à son équipe et à ses joueurs, spécialisée dans les feux d’artifices illégaux et où la tradition voudrait qu’à Nouvel-An la vaisselle soit lancée par les fenêtres afin de laisser derrière soi les misères de l’année précédente, nul besoin de préciser que tout le stade est un véritable chaudron. Que l’on soit poissonnier ou banquier, de gauche ou de droite, gamin ou retraité, le constat est le même : les chromosomes responsables du flegme et de la retenue sont bel et bien absents de l’ADN local. Après avoir rêvé pendant des années de la petite musique de la Champions League en rongeant leur frein sur Playstation, les Napolitains l’ont finalement entendue raisonner cet automne, hurlant à pleins poumons et comme un seul homme le «the champions» final, le transformant en une sorte de Haka à en donner la chair de poule ; les quelques Anglais accourus à Naples pour pleurer la défaite du Pétrodollars City FC ne démentiront pas.
Mais si le public parthénopéen répond massivement présent lors des affiches de la richissime vitrine de l’UEFA, il le faisait également après la faillite de 2004 lors des deux années de purgatoire en Série C où il n’était pas rare de dépasser les 40’000 spectateurs. Présents et bruyants jusqu’à la fin du match, car à Naples, peut-être mieux qu’ailleurs, on sait qu’une rencontre ne se termine pas avant le coup de sifflet final comme le témoignent les très nombreuses remontées et renversements entre la 80e et la 97e depuis l’arrivée de Walter Mazzarri sur le banc. Et si tout se passe bien, une expérience au San Paolo devrait toujours se terminer avec tout le stade debout qui entonne le célèbre «‘O surdato ‘nnammurato» (Ô soldat amoureux), chanson traditionnelle en langue napolitaine : «Oje vita, oje vita mia. Oje cor ‘e chistu core. Si stata ‘o primmo ammore. E ‘o primmo e ll’ùrdemo sarraje pe’ me!» (Ô vie, tu es ma vie. Ô cœur, et ce cœur. Tu as été le premier amour. Le premier et le dernier tu seras pour moi.)

Les chocs

Au contraire de la plupart des grandes villes de football – de Lima à Belgrade ou de Zurich à Istanbul – Naples ne connaît pas de derby citadin. Ainsi, sauf de rares infidèles qui sous l’influence des médias nationaux soutiennent l’un des riches clubs à rayures verticales de la Padanie, toute la ville est soudée derrière son équipe. Si l’on excepte les tifosi de la Salernitana et de l’Avellino, c’est même toute une région qui s’enflamme lorsque joue le Napoli.
Nommé «derby du Soleil», le match contre l’AS Roma est très prisé, au même titre que les confrontations contre les rivaux historiques de l’AC Milan, de l’Inter, de la Lazio ou de la détestée Juventus. Au delà de ces cinq adversaires, la liste des inimitiés des supporters parthénopéens étant aussi longue qu’une nuit de décembre à Trondheim, il est plus aisé de mentionner le jumelage avec le Genoa. Bien qu’invisible sur le terrain (47 jaunes et 7 rouges lors des huit rencontres de ces quatre dernières saisons), cette amitié – née d’un 2-2 entre les deux équipes qui sauvait les Génois et reléguait le Milan en mai 1982 puis renforcée par la promotion conjointe des deux clubs en 2007 grâce à un 0-0 lors de l’ultime journée – donne lieu à un joli spectacle dans les gradins où tifosi des deux camps se mélangent. Les deux prochaines échéances au San Paolo devraient donc ravir les plus impatients d’entre vous : Napoli-Roma dimanche 18 décembre (20h45) et Napoli-Genoa mercredi 21 décembre (20h45).

Les billets

Depuis quelques semaines, il est désormais possible d’acheter des billets directement sur le site web du club (www.sscnapoli.it), mais ce système est réservé aux possesseurs de la très discutée «tessera del tifoso» instaurée pour enrayer la violence liée aux manifestations sportives en Italie. Sans ce document, il y a bien entendu une foule de sites internet qui vendent des billets online (travelclub.ch, mywayticket.com, altanticket.com, worldticketshop.com, viagogo.com, seatwave.com et on en passe) mais à des prix exorbitants. La plus sûre et économique solution demeure le traditionnel passage aux guichets du stade quelques jours (c’est mieux) ou quelques heures (pour la venue du Chievo Verona) avant le match muni d’une pièce d’identité, d’un dictionnaire français/napolitain et d’une bonne dose de patience.

Autre solution ? Tenter sa chance auprès de l’un des revendeurs officiel estampillé Lottomatica. Les prix varient en fonction de l’adversaire mais restent néanmoins assez populaires : 10€ en Curva et 20€ chez les Distinti (tribune latérale) lorsque l’adversaire n’est pas des plus sexy comme lors de la récente venue de Lecce, respectivement 25€ et 50€ contre la Juve. Julien Mouquin, qui s’y est rendu il y a peu, pourrait également vous être d’une aide précieuse pour obtenir quelques renseignements.

La troisième mi-temps

Comme on le disait plus haut, à Naples aucun risque d’entrer par erreur dans le bar de l’équipe adverse et, malgré ce que veulent bien raconter les journaux télévisés, on peut se promener tranquillement (mais l’œil alerte) dans la ville sans se retrouver témoin d’un règlement de compte de la Camorra comme dans un épisode des Soprano, ni devoir slalomer entre les déchets tel El Pocho Lavezzi dans les défenses adverses. À Naples, on sait vivre, manger, boire, faire la fête et manger encore et, comme dans toute ville méditerranéenne, une grande partie de la vie se déroule dans la rue.

Avant le match, parcourez Spaccanapoli, artère construite par les Grecs qui, composée de plusieurs rues aux noms différents, traversait dans toute sa longueur l’antique Neapolis. C’est une longue ruelle serrée, sûrement l’une des plus animées et caractéristiques : scooters, klaxons, vendeurs de rues, linges aux balcons, églises, drapeaux de l’équipe aux fenêtres et même un autel en l’honneur de Diego Armando Maradona. Après le match vous pourrez choisir entre le front de mer et les discothèques sur la plage du quartier de Bagnoli, les mille et un petits bars du très animé quartier Chiaia, ou simplement le centre historique, ses ruelles et ses places Piazza del Gesù et Piazza San Domenico Maggiore. Dans tous les cas, ne craignez pas de mourir de faim : Naples est certes la patrie de la pizza et du baba au rhum, mais laissez-vous tenter par une parmigiana (lasagne d’aubergines) ou par les spécialités de poisson.

L’anecdote

La terre tremble à Naples, mais ce n’est pas à cause du Vésuve ! Lorsque dans les années 80 le seul et unique dieu du football régalait les foules par ses magies, chaque goal provoquait un véritable petit tremblement de terre, enregistré par les sismographes locaux. Malgré les mesures prises par le football moderne pour aseptiser la ferveur des supporters, ce phénomène semble bien être de retour au Stadio San Paolo. En effet, deux énormes pics ont été enregistrés lors des deux buts inscrits par Cavani à Manchester City.

Autre anecdote ? Malheureusement – ou heureusement, c’est selon – rien de personnel car il ne m’est jamais rien arrivé de croustillant à Naples. Par contre, dans une ultime tentative pour vous convaincre de vous rendre au San Paolo, sachez que le SSC Napoli c’est un peu notre Nati en Italie. Après Dzemaili qui a fait jubiler les foules avec son but samedi dernier contre Lecce, après Inler dont l’ouverture du score mercredi dans le match décisif contre Villareal va continuer d’en faire une coqueluche du public, d’autres joueurs suisses risquent d’arriver parmi les azzurri napolitains. De nombreuses voix du mercato rappellent le fort intérêt du club pour Derdiyok, Shaqiri, Rodriguez et les autres jeunes talents de la filière de formation helvétique, très souvent citée en exemple dans les nombreuses émissions radio quotidiennes dédiées au club. Ajoutez à cela que la femme du président Aurelio De Laurentis est suissesse… Bref, apportez votre drapeau rouge à croix blanche au stade et vous vous ferez très vite des amis !

Écrit par Mirko Martino

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2 Commentaires

  1. Voilà un stade et une ambiance magique. Pas une ambiance feutrée avec 80% de touriste qui connaisse rien au foot comme dans beaucoup de stade de grands clubs européens! Merci pour cet article.
    Forza Napoli !!!
    Et tu as oublié de parler de David Sesa qui a joué qques saisons dans ce club.

  2. Et j’espère qu’il y en aura encore d’autres des secousses sismiques cette année! Bravo Mirko, bel article! ça donne envie d’aller se revoir un Napoli Wolfsburg, mais sans le Wolfsburg cette fois-ci (que j’ai toujours pas réussi à prononcer spontanément)… mettons un Napoli Real, par exemple, ou Chelsea…
    ça me donne trop envie d’aller à Naples!

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