180° Sud, partie 14 : quelles perspectives ?

Comme nous l’avons vu, de nombreuses fissures sont apparues dans la stratégie d’implémentation du hockey dans le sud ; la relocalisation des Thrashers d’Atlanta est cependant le premier dégât majeur d’une telle politique. Ce changement restera-t-il isolé ou marquera-t-il une inversion totale de tendance ? Le hockey professionnel nord-américain retrouvera-t-il ses racines ?

Le cas clinique des Coyotes de Phoenix ayant déjà été discuté, d’autres franchises sont actuellement en situation délicate et pourraient bien quitter leurs quartiers à moyen terme. Petit tour d’horizon sur les organisations qui pourraient être concernées par une relocalisation.

Dallas Stars

Commençons par le moins pire. Depuis son déménagement dans le Texas, la franchise s’était remarquablement bien implantée dans une région qui ignorait tout de ce sport au début des années nonante. Une politique sportive intelligente a même permis à l’équipe de jouer les premiers rôles durant de nombreuses années, avec comme point culminant le gain de la Coupe Stanley en 1999. Récemment, les choses se sont gâtées. Cela fait trois saisons que les Stars ne se sont plus qualifiés pour les séries alors que la franchise était une habituée aux play-off. Cela s’est naturellement traduit par une baisse radicale de l’affluence – ce qui est classique dans un marché non-traditionnel – mais au point de perdre près de 2000 spectateurs au cours de la saison écoulée alors que Dallas était à la lutte pour une place en séries jusqu’à la dernière journée.
Par exemple, le deuxième match de la saison 2011/2012 joué à Dallas a accouché d’une affluence de… 6’300 spectateurs, soit un nombre comparable à un Olten-Langenthal ! La raison évoquée était que l’équipe de baseball locale des Texas Rangers jouait au même moment. Au pays où le football américain est roi, cela laisse songeur alors que les partisans continuent à se vanter au sujet de l’incroyable explosion du hockey sur glace dans cette partie des États-Unis grâce à la venue des Stars et à une politique prosélyte exceptionnelle en matière d’initiation et de développement de ce sport.

 
Autre stratégie pour faire venir les gens dans le sud : le recrutement de potiches refaites.

En dépit de perspectives guère réjouissantes sur le plan sportif – le maître à jouer Mike Richards s’en est allé du côté des Rangers et Joe Nieuwendyk, le manager général, a fait n’importe quoi en recrutant pas moins de six agents libres dès l’ouverture du marché –, Dallas surprend pour l’instant en figurant en haut de tableau. De plus, les Stars ont enfin un nouveau propriétaire en la personne du Canadien Tom Gaglardi. Faisant figure d’homme providentiel, il est perçu comme le sauveur de la franchise et fait furieusement penser à Norm Green sur ce point… Pourtant, les affluences parviennent à peine à décoller malgré toutes ces bonnes nouvelles et les sièges vides garnissent toujours autant l’AAC de Dallas. Il semblerait que la franchise soit désormais liée par un contrat muni d’une clause de non-déménagement, mais il n’a pas été possible de confirmer la véracité de ce point. Ceci étant, nous avons vu qu’un contrat de location peut-être racheté en tout temps – à condition de ne pas devoir payer un saladier – et que les choses peuvent évoluer très rapidement. Bien que la situation soit encore loin d’être critique, il ne faudrait pas que ces failles ne s’élargissent pour une franchise qui était considérée comme un modèle d’implantation du genre.

Florida Panthers

Le succès des Panthers a été foudroyant. Après trois ans seulement d’existence, la franchise floridienne a participé à la finale de la Coupe Stanley en 1996 (défaite face à Colorado). Et puis… plus rien, ou presque ! Dans l’ombre constante de sa rivale Tampa Bay, l’équipe basée à Miami a multiplié les saisons médiocres lorsqu’elles n’étaient pas affligeantes. En dix-sept ans d’existence, les Panthers se sont qualifiés à trois reprises seulement en séries. Les différents ménages effectués au sein de l’organisation n’ont strictement rien changé. C’est simple, si la franchise n’était pas liée par un contrat en béton armé à son arène jusqu’en 2018, il y aurait déjà bien longtemps que les Panthers auraient déménagé. Une relocalisation n’est donc pas à l’ordre du jour, mais elle devrait arriver d’ici sept ans si l’on part du principe que cette équipe fantoche continuera à faire de la figuration dans une arène à moitié vide. En parlant d’arène justement, le BankAtlantic Center de Fort Lauderdale a réduit sa capacité de 2000 places pour les matchs de hockey afin de pouvoir gonfler le pourcentage de remplissage de la patinoire. Autre avantage : pouvoir placer des panneaux et banderoles publicitaires sur les sièges sacrifiés afin d’augmenter les rentrées d’argent, comprenez de réduire le plus possible les pertes financières.

New York Islanders

Bien que les performances des banlieusards new yorkais soient globalement consternantes, le cas des Islanders est sensiblement différent. Si l’équipe de Long Island peut compter sur un passé prestigieux (quatre Coupe Stanley consécutives entre 1980 et 1983), les Islanders évoluent dans l’arène la plus vétuste de la Ligue nationale de hockey et figure régulièrement parmi les affluences les plus faibles. La construction d’une nouvelle enceinte est donc indispensable pour la survie des Islanders. En 2009, l’actuel propriétaire de la franchise, Charles Wang, menaçait de déménager la franchise à la fin du contrat de location du Nassau Coliseum en 2015 si une solution n’était pas trouvée ; Kansas City était alors candidate pour recevoir les Islanders si une relocalisation devait se produire. Charles Wang est néanmoins bien décidé à maintenir l’équipe à Long Island et a initialisé un projet pharaonique devisé à près de quatre milliards de dollars : Le Lighthouse Project. Ce dernier comprend la rénovation du moisi Nassau Coliseum, la création d’hôtels, de restaurants, de logements et de nombreux autres commerces, ce qui pourrait dégager d’importantes rentrées financières selon Charles Wang. La réalisation du projet ne durerait pas loin de dix ans et il devait encore avoir l’aval des citoyens lors d’un référendum qui s’est tenu le 1er août 2011. Las, la population a refusé le projet, bouchant toute perspective d’amélioration structurelle de la concession. L’avenir des Islanders est donc loin d’être assuré.

Columbus Blue Jackets

À l’heure actuelle, on se demande encore pourquoi la Ligue nationale de hockey a eu l’idée aussi saugrenue de créer une nouvelle franchise dans une ville aussi impersonnelle en plein milieu de l’Ohio. Une fois l’effet surprise passé, les piètres résultats de Columbus depuis leurs 11 années d’existence (une seule participation en séries avec une raclée 4-0 contre Detroit à la clé) commencent gentiment à miner la base de la franchise ainsi que ses supporters devenant de moins en moins nombreux. Heureusement, les Jackets peuvent compter sur leur star Rick Nash, mais il ne faudrait pas qu’ils commettent la même erreur que les défunts Thrashers en échangeant leur joyau, véritable visage de l’équipe. Un joueur de la trempe de Nash caresse naturellement l’espoir de pouvoir toucher la Coupe Stanley, ou au pire prendre part aux séries finales…


Le visage des Blue Jackets Rick Nash va-t-il rester fidèle à son équipe ?

Columbus a donc intérêt à monter une équipe compétitive, ce qui semble prendre peu à peu forme avec la venue de Jeff Carter. Cela dit, la franchise a déjà perdu 80 millions de dollars durant les six dernières années, dont 25 millions lors de la saison 2010/2011. Le propriétaire John P. McConnell commence à montrer des signes d’impatience et a prévenu qu’il comptait changer d’air si les choses ne s’amélioreraient pas. Un plan multipartite a récemment été posé sur la table dans le but de sécuriser l’avenir des Blue Jackets à Columbus. Sans entrer dans les détails alambiqués de ce plan, l’objectif est de racheter l’arène à la compagnie d’assurance Nationwide qui possède les droits sur cette dernière ainsi que sur la marque «Blue Jackets». Le problème est que ce plan comporte trois points noirs : le premier est la sollicitation de fonds publics. L’économie américaine étant en délicatesse, il n’est pas garanti que le financement se fasse sans une levée de boucliers de la part des contribuables. Deuxièmement, ce plan sera soumis au vote du Conseil de la ville de Columbus, ainsi que du Comté de Franklin. Sachant que ce type de vote débouche rarement sur une acceptation – comme ce fut le cas à Long Island et Glendale –, le succès sera difficile à obtenir. Finalement, le montage financier prévoit une économie de 9.5 millions de dollars par année . Le calcul est simple : si la concession continue à perdre de l’argent dans les quantités précédemment évoquées, elle continuera à être largement déficitaire. La franchise n’est donc pas en danger immédiat, mais un scénario à la Atlanta Thrashers n’est pas impossible…
Et ce n’est pas tout : les Devils du New Jersey se retrouvent aussi en fâcheuse posture et ont été mis en faillite cet été. Titrée à deux reprises en 1995 et 2000, la concession souffre d’une situation géographique pénalisante, coincée entre les marchés de New York et Philadelphie. Le stade n’a pas non plus été conçu pour l’exercice du hockey sur glace et le club peine à trouver de la visibilité et du soutien. Rappelons que lorsque la franchise s’était établie dans le New Jersey en provenance du Colorado, elle avait dû payer un dédommagement aux équipes des Rangers, des Islanders et des Flyers pour avoir empiété sur leur territoire.
À suivre : 180° Sud, partie 15 : les options futures
Si tu as raté le début : 180° Sud, partie 1 : prélude à l’avènement ;180° Sud, partie 2 : le lancement ;180° Sud, partie 3 : l’Étoile du Nord ;180° Sud, partie 4 : entre esbroufe et couardise ;180° Sud, partie 5 : un univers impitoyable ;180° Sud, partie 6 : erreur corrigée ;180° Sud, partie 7 : au revoir Québec ;180° Sud, partie 8 : le déclin ;180° Sud, partie 9 : un espoir nouveau ;180° Sud, partie 10 : la nouvelle vague ;180° Sud, partie 11 : le cas Phoenix ;180° Sud, partie 12 : la mort des moqueurs roux ;180° Sud, partie 13 : un lourd passé

Écrit par Mathieu Nicolet

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3 Commentaires

  1. Bravo,
    Je suis impressionné par la justesse de votre analyse de la ligue nationale de Hockey. Vous démontrez une belle connaissance des faits et des détails. Merci de vos informations. On trouve peu d’analyses aussi fines, même dans les journaux québécois.

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