23 décembre : Estadio Hernando Siles

Si l’on connaît la Bolivie avant tout pour ses flûtes de pan et ses lamas, le pays andin n’en demeure pas moins une terre passionnée de «fútbol». Parent pauvre du football sud-américain, la Verde s’est néanmoins illustrée par une qualification à la Coupe du monde 1994 aux États-Unis, par une victoire (1963) et une finale (1997) en Copa América et, plus récemment, par une claque 6–1 refilée à l’Argentine de Maradona lors des éliminatoires pour la Coupe du monde 2010. Dénominateur commun de ces quelques coups d’éclat de la sélection nationale : le stade Hernando Siles de La Paz. Préparez votre sac à dos et partons faire connaissance avec ce stade qui a créé la polémique au sein de la FIFA en 2007.

Nom : Estadio Hernando Siles.
Ville : La Paz.
Club résident : The Strongest, Club Bolívar, La Paz FC.
Capacité : 42’000.

Le Stade

Construit en 1937 puis rénové en 1977, le stade Hernando Siles – du nom d’un ancien Président bolivien – est situé à plus de 3’600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cette caractéristique a fait naître une vive polémique en 2007 lorsque la FIFA jugeait qu’il était nocif pour les footballeurs de jouer au-dessus de 2’500 mètres. Le smog de Milan ou de Pékin ? Jouez, jouez. Les rafales de vent de Toftir ou de Tórshavn ? Jouez, jouez. Le climat du moins de juin au Qatar ? Jouez, jouez. L’altitude ? Non, trop c’est trop ! Oui, tout le monde le sait : plus on monte, plus la quantité d’oxygène présent dans l’air commence à diminuer, ce qui fatigue plus vite les joueurs et peut très légèrement modifier la trajectoire du ballon. Pour les mêmes raisons d’ailleurs, nombre de records du monde ont justement été établis en altitude car, dès qu’il s’habitue, l’organisme produit plus de globules rouges.

La Bolivie n’a pas choisi son emplacement sur la mappemonde et si sur les hauts plateaux andins il y a des villes où des millions de personnes vivent normalement, pourquoi ne pourrait-on pas aussi y jouer au football ? Après tout, lors d’un match à l’extérieur, la gestion des facteurs externes compte tout autant que les choix tactiques. Levée de boucliers des pays andins contre Sepp Blatter, soutien de la part d’autres fédérations nationales et engagement dans la cause de la part de Maradona, qui ne laisse filer aucune occasion de rappeler au Haut-Valaisan qu’il ne l’apprécie guère.
Un match opposant une équipe avec le Pibe de Oro contre une équipe comptant dans ses rangs le charismatique président bolivien Evo Morales est organisé sur un terrain à plus de 5’000 mètres afin d’attirer l’attention des médias et prouver que la pratique du football est possible partout. Sous la pression, la FIFA revoit son interdiction et remonte la limite à 3’000 mètres pour finalement l’abandonner. L’histoire ne dit pas si Maradona s’est mordu les doigts d’un tel engagement lorsque deux ans plus tard, à la tête de la sélection argentine, il a pris un historique revers 6-1 à l’Hernando Siles. Pour le reste, le stade est un peu à l’image du pays : un peu poussiéreux mais très accueillant.

L’ambiance

À l’instar d’un Bolivien désireux de vous vendre quelque chose, on aimerait exagérer un peu (beaucoup) et vous dire que le stade Hernando Siles est le plus beau du monde et que chaque match est un spectacle joué dans une ambiance survoltée. Mais, comme l’enseignait Fox Mulder, la vérité est ailleurs. Si l’on reproche – à raison – à une grande partie des Lausannois d’être un public événementiel, les Paceños sont là pour démontrer que cette pratique est aussi en vogue sous d’autres latitudes. Mais c’est aussi ça la découverte du football loin de chez nous. Ici, vous ne serez pas au milieu de 50’000 touristes silencieux qui immortalisent le grand stade moderne d’une grande équipe friquée avec leur iPhone en publiant instantanément la photo sur leur profil Facebook pour faire saliver leurs potes fauchés restés à la maison.

L’affluence et l’ambiance varient nettement en fonction du match. Vous pouvez vous sentir comme à la Maladière sous le règne de Bulat Ier ou alors vous retrouver au milieu de 30’000 fans bouillonnants, mais dans tous les cas vous aurez au moins goûté à quelque chose d’authentique, festif et coloré. Des trois clubs résidents, le maillot céleste du Club Bolívar est le plus supporté, suivi d’assez près par les jaune-et-noir du The Strongest (aussi nommé El Tigre). En revanche, les rouge-et-bleu de La Paz FC semblent susciter assez peu d’intérêt. Mais même lorsque l’affluence ne bat pas des records vous pourrez toujours compter sur la hinchada pour mettre l’ambiance. La Curva Norte est occupée par les supporters du Club Bolívar, alors que la Curva Sur est le territoire des fans du Tigre. Et lorsque ces deux clubs s’affrontent, l’ambiance est vraiment survoltée et les passions se déchaînent.

Les chocs

Comme nous venons de le souligner, le match auquel on vous souhaite d’assister lors de votre passage à La Paz, c’est le Clásico del fútbol boliviano. Depuis l’avènement du football professionnel en Bolivie en 1977, on compte 17 titres pour le Club Bolívar et 7 pour The Strongest. Lorsque le derby paceño approche, c’est tout le pays qui en parle mais pour vraiment comprendre l’ambiance lors de ce match, rien de tel qu’une vidéo : The Strongest – Club Bolívar. Malheureusement, je n’ai pas pu assister à cette rencontre lors de mon passage à La Paz mais les amis boliviens rencontrés là-bas me disaient que c’était vraiment une rencontre à part. En planifiant bien votre voyage à travers les Andes, vous avez tout de même de bonnes probabilités d’être plus chanceux que moi et de tomber sur le Clásico puisqu’il se joue au moins quatre fois par an.

Les billets

Un abonnement pour la saison 2012 du Club Bolivar (www.clubbolivar.com) coûtant l’équivalent de 40 francs pour les virages et de 200 francs pour les meilleures places en tribune, vous n’aurez pas besoin de financer votre excursion footballistique en vendant votre couteau rouge à croix blanche ou organisant un trafic de cocaïne entre la Bolivie et la Suisse. Faites comme tout le monde, prenez votre billet à la caisse du stade. Et même si vous avez l’immense chance de tomber à La Paz lors du Clásico, ne vous faites pas de souci, il y aura toujours une place pour vous : l’affluence est certes celle des grands jours, mais du côté du Hernando Siles, on affiche difficilement sold-out. Et après tout, demandez ces informations à la réception de votre auberge, il faut aussi que Pablo ou Juan se méritent votre pourboire de type sympa !

La troisième mi-temps

La Paz n’est pas Bioley-Orjulaz mais une ville de plus d’un million d’habitants, des bars et des boîtes en veux-tu en voilà ! Et vu la différence du coût de la vie entre la Bolivie et nos contrées helvétiques, autant se faire plaisir en choisissant ce qu’il y a de mieux. Il y en a vraiment pour tous les goûts et, vu que vous ne ferez sûrement pas un aller-retour à La Paz juste pour le Clásico et boire une Paceña (la bière locale), n’importe quel Guide du Routard ou Lonely Planet saura vous orienter mieux que mes lointains souvenirs ! Mangez un bon steak d’alpaca, c’est bien meilleur que les cuy (cochons d’Inde, eh oui), spécialité andine. Buvez et faites la fête, mais restez néanmoins encore suffisamment sobre pour éviter de vous aventurer n’importe où : les Boliviens sont des gens très tranquilles, mais vous êtes tout de même un gringo en vacances dans un pays où beaucoup de personnes ne gagnent pas en un an ce que certains dépensent en une soirée au D! Club ou à la Ruche.
Parmi tout ce que cette ville a à vous offrir, je me permets de vous conseiller une visite du marché de la sorcellerie où amulettes porte-bonheur et fœtus de lamas se côtoient. Si vous êtes d’humeur sportive, rien de tel que de vous rendre dans une agence qui organise la descente des Yungas en moutain-bike. Longue d’une soixantaine de kilomètres, cette route non asphaltée – aussi appelée El Camino de la Muerte – part de La Cumbre à 4’700 mètres d’altitude pour arriver à Coroico, dans le bassin amazonien, 3’600 mètres plus bas. Circulation à gauche, paysages à couper le souffle, ravins, poussière et croisements avec des camions d’une autre ère : un vrai régal pour le voyageur avide d’émotions et l’impression, l’espace d’une journée, d’être Michael Douglas dans «À la Poursuite du diamant vert».

L’anecdote

En ce dimanche 29 septembre 2002, après avoir dévalé sans trembler la Route de la mort le jour précédent et avant de reprendre mon périple de backpacker en direction du magnifique Salar de Uyuni, l’envie me démangeait de me goûter aux joies du football local. Réveil difficile suite à une nuit quelque peu arrosée, je demande à un chauffeur de taxi de m’emmener au stade, sans même savoir quelle était l’affiche. Arrivé devant l’enceinte 5 minutes après le coup d’envoi, j’entends déjà le public hurler pour un goal au moment de faire mon billet. En prenant place en tribune – jouons les riches parfois – je m’aperçois que le tableau d’affichage indique déjà un score de 2-0 pour les locaux.

Le match ? The Strongest reçoit Blooming, club de la ville de Santa Cruz de la Selva. Le stade n’est de loin pas plein mais la hinchada des noir-et-jaune fait son job : tambours, chœurs et banderoles de couleur mettent de l’ambiance. Peut-être est-ce le fait d’évoluer à 3’600 mètres d’altitude, peut-être est-ce simplement le style de jeu latino-américain, ou peut-être un peu des deux, mais lorsqu’une faute est sifflée à mi-terrain, la victime parvient à se rouler jusqu’aux 16 mètres. Le temps que les soigneurs aident notre miraculé à se relever, on a tout loisir de se rendre à la buvette pour déguster un hamburger. Et si vos chaussures sont encore sales à cause de vos exploits cyclistes de la veille ne vous inquiétez pas: il y a même un gosse qui passe dans les gradins pour vous cirer les pompes ! Score final ? 5-0 pour The Strongest, mais surtout le plaisir de m’être acheté le maillot des deux équipes sur un stand à la sortie du match !

Écrit par Mirko Martino

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6 Commentaires

  1. Excellent cet article Mirko, une fois de plus! J’adore! ça donne vraiment envie d’y aller! Du rêve, de l’ambiance, de l’humour, du contenu riche, du soleil, des idées! en tous cas je suis conquis

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