Le contribuable neuchâtelois, encore plus «pigeon» que Bulat ? (1/2)

Comme vous le savez certainement, l’ami Bulat que l’on avait, a remporté haut la main (je n’ai pas dit «haut les mains» comme auraient pu le comprendre ses gardes du corps) le titre de Pigeon d’Or 2011. Malheureusement, les événements de ces dernières semaines ont empêché la rédaction de CartonRouge.ch de lui remettre ce trophée en mains propres (ou sales puisque cela ne semble pas avoir d’importance pour le Tchétchène le plus connu de Suisse…).

Dans l’attente hypothétique d’une photo souvenir avec le vainqueur de la récompense la plus recherchée de Suisse romande, je me suis mis à tergiverser voire même à réfléchir (ceci étant systématiquement interdit à Cartonrouge.ch, ma punition sera d’assister dorénavant aux matchs du LS lors de ce printemps,  à l’extérieur uniquement…) ; en l’absence de but(s) à mes week-ends – il paraîtrait, en effet, que Neuchâtel Xamax soit interdit de stades de Super League pour un bon bout de temps – j’ai donc eu un peu plus de temps qu’à l’accoutumée pour me demander si éventuellement, au bout du compte, la faillite de mon club de cœur n’aurait pas d’autres conséquences que de rendre inconsolable le dernier carré des fidèles supporters xamaxiens au si bel accent neuchâtelois… Après avoir péniblement relu de nombreux articles de la presse régionale, il semblerait qu’en plus des anciens dirigeants de Neuchâtel Xamax, un certain nombre de politiciens locaux et/ou (pseudo) organisateurs de manifestations sportives nous – Neuchâtelois – prennent un peu pour des «pigeons» depuis de nombreuses années. Et si la récente faillite du club local a évidemment des implications financières sur tous les contribuables neuchâtelois, cela fait longtemps que ceux-ci contribuent, par l’impôt, à avoir l’incroyable privilège de recevoir, à Neuchâtel, les spectaculaires équipes de football de Thoune et Bellinzone, un dimanche glacial de novembre sous un sublime stratus…

Tout ce que je vais vous raconter dans cet article en deux parties est basé sur des déclarations publiques et publiées dans des médias reconnus ; seule l’absence de mémoire collective permet à leurs auteurs de continuer à faire comme si de rien n’était ; comme si le stade de la Maladière était un cadeau du ciel entretenu gratuitement par des pom-pom girls en rouge et noir ; comme si  la faillite du principal locataire de ce stade n’aura d’impacts que sur les derniers proches de Neuchâtel Xamax.

Un stade pas si gratuit que cela

Commençons par nous souvenir d’un passé pas si éloigné que cela. Il paraît que Neuchâtel, ville de province d’environ 30’000 habitants qui en grande majorité ne sont plus intéressés par le club de football local depuis le milieu des années 1990, possède depuis 2007 un stade de football ultra-moderne de 12’000 places assises.  Très enthousiastes, la plupart des politiciens locaux ont salué le fameux «partenariat- public-privé» (PPP pour les intimes, souvent à droite sur l’échiquier politique)  qui permet à Neuchâtel de posséder une infrastructure peu commune ; celle-ci a coûté d’ailleurs environ 300 millions de francs à HRS et à Coop ; les citoyens de cette ville n’ont même pas dû utiliser leurs «points Supercard» pour en payer une partie… Vraiment ?
La planification des investissements de la ville de Neuchâtel 2006-2009 prévoyait  800’000 francs pour équiper l’intérieur du nouveau stade et des salles de gym. Toutefois, le Conseil général de la ville de Neuchâtel, le 4 octobre 2006, acceptait par 31 voix contre 1 un crédit de 1,8 million pour équiper le stade de football de la Maladière ; ceci sans compter, vraisemblablement, divers aménagements routiers et piétonniers dans tout le quartier autour du stade. Rien n’est gratuit dans ce bas monde, entends-je souvent autour de moi ; en voici un nouvel exemple.
En parlant d’aménagement du stade, tout Neuchâtel se souvient également de «l’affaire des mâts» qui vient, peut-être, de s’achever avec des contribuables qui passeront une nouvelle fois à la caisse. Pour rappel en 2007, une centaine de riverains se sont opposés aux mâts de la Maladière, construits 8 mètres trop hauts. En 2010, les opposants ont fini par demander des compensations si les mâts étaient maintenus. Parmi ces mesures, la pose d’une enveloppe antibruit au nord du stade, le renforcement des éclairages au niveau du toit pour limiter l’utilisation des mâts et la végétalisation de l’esplanade à l’est : coût à la charge des contribuables de la ville, 135’000 francs ! Comme aux Oscars, faut-il dire «merci» à tous ceux qui ont contribués à la réussite du projet ?

En 2003, un conseiller communal de la ville de Neuchâtel, devenu Conseiller fédéral entre temps, laissait entendre à l’agglomération neuchâteloise qu’un développement de sa seule ligne de tram en direction de ce nouveau complexe aurait lieu: «La Maladière va booster le Littorail (ndlr : pour les lecteurs non-neuchâtelois, il s’agit du surnom de la ligne de tram) !», disait-il en juin 2003. Une misérable ligne de bus aux arrêts bricolés et à l’horaire restreint a finalement été créée… Celle-ci est presque exclusivement financée par les citoyens de la ville et du canton ; même si elle ne sert pas seulement à transporter des spectateurs et des utilisateurs du stade, les collectivités publiques déboursent quand même 936’000 francs par année (chiffres de 2006) !
Avant d’aménager le stade et ses alentours, les pouvoirs publics neuchâtelois avaient déjà mis la main au porte-monnaie. Afin de permettre à Neuchâtel Xamax d’obtenir sa licence en vue de l’exercice 2003-2004, la ville a transféré 75’000 francs de créances restantes dans le cadre de la convention de contre-prestations existante. Le canton de Neuchâtel a abandonné une créance de 300’000 francs et a mis à disposition (gratuitement ?) certains de ses collaborateurs pour faire avancer le «dossier Maladière». A quoi aurait servi une si belle infrastructure sans un club de haut niveau qui y joue ?…

Un seul locataire principal qui avait de la peine à accepter son loyer et des coûts d’exploitation sous estimés

Ainsi donc Neuchâtel Xamax était le seul locataire de ce stade ; fait souvent oublié, cela semblait ne pas avoir été prévu de cette façon ! En février 2007, Etienne Dagon (médaillé olympique de natation, ancien employé du service des sports de la ville de Neuchâtel) annonçait que le FC Serrières, vaillante équipe de 1ère ligue, jouerait sur le gazon artificiel de la Maladière. Or, sauf pour accéder à la 1ère ligue en fin de saison dernière, ce club de banlieue n’a jamais utilisé régulièrement ce stade. Si cela avait été le cas, un loyer supplémentaire n’aurait-il pas été bon à prendre ? Le FC Serrières aurait-il payé ce qu’il aurait dû en faisant moins de «théâtre» que le club dirigé jusqu’à il y a peu par Bernasconi et ensuite Chagaev ? La réponse est dans la question…
Un loyer de 600’000 francs a été refixé en 2008 après que Bernasconi ait menacé la ville de Neuchâtel de lâcher le club si celle-ci ne faisait pas  «un geste». Celui-ci a correspondu à une diminution de recettes de 80’000 francs sur le budget 2009 de la ville. «Ce geste», c’est également  un abandon des arriérés de loyer sur la saison 2007-2008. Début 2012, une somme de 200’000 francs de loyers non-payés restait en souffrance ; saurons-nous un jour si c’est l’équipe de Chagaev ou celle de Bernasconi qui doit cette somme aux contribuables neuchâtelois ?

Si le loyer xamaxien devait permettre d’exploiter le stade sans que la collectivité ait trop à passer à la caisse, qu’en était-il des coûts d’exploitation de la Maladière ? En 2006, alors que Xamax évoluait en Challenge League, Pascal Sandoz, conseiller communal de l’époque en charge des sports, estimait ces coûts annuels à 760’000 francs. En 2007, rien que l’entretien du stade (neuf…) a coûté 236’000 francs, soit 390% de plus que prévu ! Récemment, la RTS a estimé les coûts d’exploitation à 1 million par année. Certes, il est dur de prévoir l’imprévisible, mais n’a-t-on simplement pas sous-estimé ces coûts pour trouver une majorité politique prête à soutenir la création de cette remarquable infrastructure ?
«La santé financière du complexe dépend du club et de ses résultats» déclarait ce même Pascal Sandoz en 2006 ; il avait vu juste. Suite à la faillite du club, une évaluation récente du manque à gagner par Le Matin se montrerait à 500’000 frs au bas mot, somme correspondante environ aux derniers loyers annuels, payés… Comment compenser cette somme ? Le service des sports de la ville de Neuchâtel va-t-il enfin organiser des manifestations d’envergure dans ce bijou architectural ? Rien n’est moins sûr lorsque l’on se penche sur ce qui a été réalisé jusqu’à présent. Vous le découvrirez la semaine prochaine ainsi que la suite des conséquences financières de la faillite de Neuchâtel Xamax. Chers lecteurs, chers contribuables neuchâtelois, n’oubliez pas de fêter l’indépendance neuchâteloise en ce 1er mars 2012, et si vous ne l’avez pas encore fait, de remplir votre déclaration d’impôts…
La semaine prochaine sur CartonRouge.ch : «Des événements pour financer l’exploitation de la Maladière : que des promesses ?» et «Une faillite déjà payée par tous les contribuables neuchâtelois ?»
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

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