Dans la Légende

En battant Freiburg 4-0 samedi, le Borussia Dortmund 2011-2012 est devenu la meilleure équipe de l’histoire de la Bundesliga, dépoussiérant les records historiques du grand Bayern Munich de Franz Beckenbauer, Gerd Müller et compagnie. La fête a été à la hauteur de l’exploit colossal réussi par les Pöhler de Jürgen Klopp.

Dimanche 18 septembre 2011, le ciel est gris, je suis tout seul chez moi devant la télévision. J’ai renoncé à la traditionnelle virée du dimanche du Jeûne dans les caves du Comptoir suisse pour suivre les tribulations de mon équipe favorite. Mal m’en a pris : après avoir longtemps mené 0-1 et galvaudé plusieurs balles de break, le Borussia Dortmund s’incline 2-1 à Hanovre dans les dernières minutes. Déjà battu par Hoffenheim et le Hertha Berlin, le BVB ne pointe qu’au 11e rang du classement avec seulement sept points pris en six matchs et huit points de retard sur le leader, l’autoproclamé champion 2011-2012 Bayern Munich. Les festivités du titre de champion d’Allemagne quelques mois auparavant paraissent bien loin et les chances du club dortmundois de conserver son Meisterschale semblent déjà réduites à néant. C’est la déprime.Huit mois, vingt-huit matchs, vingt-trois victoires et cinq résultats nuls, plus tard, le ciel est toujours gris. Mais je suis debout dans une fontaine sans eau de l’Alter Markt au centre-ville de Dortmund, au milieu d’une foule en liesse, en train de célébrer le titre et la meilleure équipe de l’histoire de la Bundesliga. Les Bubis (garnements) de 2011 sont devenus les Pöhler (footballeurs des rues) de 2012 mais l’enthousiasme et la joie de jouer sont toujours les mêmes ; cette équipe du BVB est même plus forte que celle de l’an passé, dont on pensait pourtant que la saison record 2010-2011 (pour le club) ne serait pas égalée de sitôt. Le bonheur est total.

Records en vrac

Au passage, ce BVB 2011-2012 a battu toute une série de records, dont certains paraissaient intouchables, tant ils appartenaient à des époques révolues et à des équipes de légende. Avec 80 buts inscrits, Dortmund bat le record de l’histoire du club du nombre de buts marqués en une saison. Les vingt-huit matchs sans défaite constituent la plus longue série d’invincibilité jamais réalisée dans une même saison de Bundesliga. Les quinze victoires et deux matchs nuls du deuxième tour représentent le meilleur tour jamais réalisé en Buli, un total ahurissant dans un championnat homogène qui répartit les droits TV de manière beaucoup plus égalitaire que d’autres. Mais le record le plus prestigieux de tous, celui qui fait la fierté de tous les fans jaunes et noirs, c’est le plus grand nombre de points jamais réussi dans une saison de Bundesliga, avec 81 points. C’est mieux que les 79 points (convertis avec la victoire à trois points) réussis en 1971-1972 et 1972-1973 par le Bayern Munich et son équipe de légende, formée des joueurs qui seront à la base des trois victoires bavaroises en Coupe des Champions (1974, 1975, 1976), ainsi que des titres de champion d’Europe 1972 et champion du monde 1974 de l’équipe d’Allemagne. Cela situe l’ampleur de l’exploit réalisé par Jürgen Klopp et ses Pöhler. Et le réussir dans une Bundesliga 2011-2012 qui constitue le championnat le plus populaire de l’histoire du football et au détriment d’une équipe qui sera peut-être prochainement sacrée meilleure formation d’Europe et qui avait fait de la reconquête du titre national une priorité absolue cette saison n’en rend l’exploit que plus savoureux.

Un invité bien éduqué

Pour battre ce record, il fallait encore battre Freiburg, révélation du 2e tour. Lanterne rouge à Noël, les Fribourgeois semblaient résigner à la relégation lorsqu’ils ont laissé filer leur buteur Papiss Cissé et plusieurs cadres de l’équipe durant la trêve hivernale. Mais avec un entraîneur sans expérience, Christian Streich, et une équipe composée de jeunes inconnus, pour certains issus de la réserve du club, Freiburg a réussi à obtenir, à force de courage et de volonté, un maintien auquel personne ne croyait. Chapeau bas ! Les Breisgauer débarquent d’ailleurs au Westfalenstadion avec une série de neuf matchs sans défaite. Après avoir déjà été convié au match du centenaire en 2009, Freiburg est l’invité privilégié des fêtes du BVB. Et, en invités bien éduqués, les Fribourgeois savent qu’il serait malvenu de venir gâcher la fête de leur hôte. Ils n’ont donc pas opposé une résistance des plus farouches. Leurs fans ont joyeusement participé à la ola, sont restés longtemps dans le stade pour la remise du Meisterschale et ont joyeusement repris les chants à la gloire du BVB. En contrepartie, les supporters jaunes et noirs ont entonné des «Zweite Liga nie mehr» pour féliciter les Breisgauer pour leur maintien dans une communion totale entre fans des deux camps.

Sans histoire

Il faut dire que le scénario du match s’y prêtait puisque tout a été assez rapidement plié : après moins de quatre minutes, Jakub Blaszczykowski profitait d’une ouverture géniale d’Ilkay Gündogan pour glisser la balle entre les jambes du jeune gardien Daniel Batz, qui avait sans doute rêvé de débuts en Bundesliga plus fastes. Robert Lewandowski, après avoir embarqué gardien et défense d’un crochet inspiré puis en profitant d’un renvoi de Batz après un centre tir de Piszczek, et Jakub Blaszczykowski, d’un lob millimétré, compléteront la fête de tir. Laquelle aurait pu prendre des proportions bien plus considérables si les joueurs dortmundois avaient fait preuve de plus de réussite (Lewandowski a touché deux fois du bois) et de concentration dans le dernier geste. Qu’à cela ne tienne, le Westfalenstadion pouvait célébrer ses héros. 

Comme dans un rêve

Ce week-end, on l’a vécu comme dans un rêve. Les chants dans le car une bonne partie de la nuit précédent le match lors du trajet aller, le match lui-même, la remise du Meisterschale, l’envahissement du terrain, les chants d’après-match dans les Biergarten, dans le métro et sur l’Alter Markt, puis les nombreuses Meisterparty en soirée : ce week-end n’aura été qu’une succession de ces moments magiques dont on souhaiterait qu’ils durent éternellement, on a plusieurs fois cherché le bouton qui nous aurait permis de figer à tout jamais le temps sur l’un ou l’autre de ces instants de pure félicité. La seule fausse note, c’est l’envahissement prématuré du terrain qui a privé les joueurs du tour d’honneur initialement prévu mais l’enthousiasme des fans était tel que rien ni personne ne pouvait le contenir. En 2011, longtemps blessé, le capitaine Sebastian Kehl avait laissé à celui qui avait porté le brassard durant la majeure partie de la saison, le gardien Roman Weidenfeller, l’honneur de soulever le Meisterschale. Cette saison en revanche, le capitaine emblématique du BVB a pu lui-même aller recevoir le fameux bouclier des mains du président de la ligue et du club, Reinhard Rauball. En attendant, peut-être, de brandir un autre trophée prestigieux, la Coupe d’Allemagne, samedi prochain à Berlin après la finale contre le Bayern Munich. Quoiqu’il advienne à l’Olympiastadion, cette équipe du Borussia Dortmund 2011-2012 restera dans la Légende et laissera des souvenirs pour la vie à tous ceux qui, de près ou de loin, ont eu le privilège de suivre cette saison triomphale. Alors si en plus elle devait réaliser le premier doublé de l’histoire du club, gageons que le défilé en ville dimanche prochain devant des centaines de milliers de fans en liesse constituera un nouveau grand moment de frissons et d’émotions. Un de plus mais on ne s’en lassera jamais.

Borussia Dortmund – SC Freiburg 4-0 (4-0)

Signal Iduna Park, 80’720 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Sippel.
Buts : 4e Blaszczykowski (1-0), 20e Lewandowski (2-0), 27e Lewandowski (3-0), 39e Blaszczykowski (4-0).
Dortmund : Weidenfeller; Piszczek (54e Götze), Subotic, Hummels, Schmelzer; Gündogan, Kehl; Blaszczykowski (81e Barrios), Kagawa (65e Perisic), Grosskreutz ; Lewandowski.
Freiburg : Batz ; Mujdza (82e Hinkel), Ginter, Höhn, Sorg; Guede, Makiadi; Schmid, Rosenthal (31e Flum), Caligiuri; Freis (77e Putsila).
Carton jaune : 32e Makiadi.
Notes : Dortmund sans Koch (convalescent) ni Owomoyela (blessé), Freiburg sans Schuster (blessé).

Écrit par Julien Mouquin

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3 Commentaires

  1. Chapeau le BVB, l’exploit est de taille, en effet. Et merci Julien d’avoir partagé ta passion avec ferveur et talent!

  2. aucun mérite, ils ont pas joués la champions league donc frais comme des gardons pour le championnat;-) je déconne, c’est tout simplement impressionnant et même vu du Darfur cela en jette. Merci de partager ta ferveur pour le BVB.

  3. Même si je ne partage pas toujours le chauvinisme et les points de vue de Julien Mouquin, félicitations du Valais à ce fantastique BVB et à son digne serviteur.

    J’espère que cette belle histoire se concluera par un doublé, ce qui constituerait « die Kirsche auf dem Schwarzwald »

    Viel Glück !

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