Paranormal !

On a vécu une flopée d’événements hors du commun samedi au Parc Saint-Jacques : une entrée sans file d’attente dans la Muttenzerkurve, cinq buts de la Nati dans le même match, un triplé d’Eren Derdiyok en équipe nationale, une victoire suisse contre l’Allemagne et même une combinaison sur coup franc qui a fonctionné.

Dès l’arrivée au stade, une heure avant le coup d’envoi, on s’est rendu compte que cette soirée n’allait pas être tout à fait comme les autres : on n’attend pas une seule seconde à l’entrée de la Muttenzerkurve, vu que le service de sécurité renonce à toute fouille. Cela change des 45 minutes de queue habituelles du Parc Saint-Jacques. Le début de match lui est conforme aux prévisions : l’Allemagne domine et se crée une multitude de corners, tous tirés en mode Bayern Munich, donc pas dangereux, malgré l’absence de joueurs bavarois (on y reviendra).

Insolite

Mais dès la 20ème minute de jeu, on bascule définitivement dans l’insolite. Sur deux pertes de balle de Götze et Khedira à mi-terrain, le contre fuse et le duo des futurs ex-Leverkusener Tranquillo Barnetta à la passe – Eren Derdiyok à la conclusion donne deux longueurs d’avance à la Nati. La suite ne sera qu’une longue et vaine course poursuite allemande. A trois reprises, la Nationalmannschaft reviendra à une longueur mais à chaque fois la Nati reprendra quasi instantanément ses deux buts d’avance. D’abord sur un coup franc de l’inévitable Barnetta repris par le non moins inévitable (samedi soir du moins) Derdiyok, puis sur une ouverture de Gökhan Inler pour Stephan Lichtsteiner et enfin sur une magnifique combinaison Inler – Ziegler sur coup franc qui profite à Admir Mehmedi. Deux buts helvétiques sur balles arrêtées… Et dire que dans les qualifications pour l’Euro 2012, on avait été d’une nullité abyssale dans ce secteur de jeu.

Une génération de perdants ?

La Suisse n’avait plus battu l’Allemagne depuis 56 ans. Et n’avait plus inscrit 5 buts dans le même match depuis septembre 2004. Je me souviens très bien de cette partie, c’était déjà à Saint-Jacques, il y faisait aussi chaud que samedi et il y avait aussi eu un côté paranormal puisqu’Alexandre Rey avait inscrit un triplé pour une victoire 6-0. Mais en face c’était les Iles Féroé et pas la grande Allemagne. Il convient donc de s’arrêter quelques instants sur la débâcle de la Nationalmannschaft. En début d’année, après une splendide Coupe du Monde 2010, des qualifications pour l’Euro magistrales et deux démonstrations éblouissantes en amical contre le Brésil et la Hollande, les Allemands, en particulier la presse de boulevard, étaient convaincus de leur succès à l’Euro 2012.

Depuis, le doute s’est installé. Non pas à cause de la défaite anecdotique contre la France en février avec une équipe expérimentale mais bien en raison du triple échec du Bayern Munich, dont les joueurs forment l’ossature de l’équipe nationale, en Bundesliga, en Coupe d’Allemagne et en Ligue des Champions. Pour les Lahm, Schweinsteiger et compagnie, cela commence à faire beaucoup d’échecs et cela inquiète nos voisins germaniques. A Bâle, le problème ne se posait pas puisque l’Allemagne se présentait sans sa légion bavaroise, soit sept à huit titulaires potentiels (Neuer, Boateng, Badstuber, Lahm, Schweinsteiger, Kroos, Müller et Gomez). L’objectif à Bâle était d’engranger de la confiance contre un adversaire modeste et d’obtenir quelques réponses sur les postes encore vacants. C’est raté.  

Au boulot, Jögi !

L’entraîneur Jögi Löw avait réservé deux surprises dans sa composition d’équipe : la titularisation dans les buts de Marc-André ter Stegen, récemment élu meilleur gardien de Bundesliga mais seulement numéro quatre de la hiérarchie en équipe nationale derrière Neuer, Wiese et Zieler. Insensible à la pression en championnat, le jeune gardien de Mönchengladbach s’est malheureusement un peu troué pour sa première sélection, avec une responsabilité engagée sur trois buts suisses. A seulement 20 ans, il aura d’autres occasions de se racheter. L’autre surprise, c’était le positionnement de Mario Götze en demi défensif ; on a eu la confirmation que ce n’est définitivement pas sa place. Sinon, la défense a été catastrophique : pas d’automatisme, des erreurs de placement, un marquage défectueux… Désormais, il n’y a plus de jaloux, c’est 5-5 : les défenseurs du Bayern en ont ramassé cinq en finale de Coupe d’Allemagne contre Dortmund, les défenseurs pas du Bayern en ont ramassé cinq en amical contre la Suisse. Cette défense allemande est donc un vaste chantier. Quelle charnière centrale ? Hummels – Badstuber ? Boateng – Badstuber ? Mertesacker – Badstuber ? Beckenbauer – Augenthaler ? Quels latéraux ? Lahm – Schmelzer ? Boateng – Lahm ? Höwedes – Lahm ? Reuter – Brehme ?

Statiques

Offensivement, le tableau n’est guère plus encourageant. Les Madrilènes Khedira et Özil ont paru bien cramé sous le cagnard bâlois. Schürrle et Podolski n’ont rien amené sur les côtés. Et, pour la place d’attaquant de pointe, Klose, toujours présent dans les grands rendez-vous mais revenant d’une longue blessure, n’a pas marqué des points dans son duel avec Gomez, très prolifique cette saison mais jamais là dans les matchs importants. D’ailleurs, les trois buts allemands ne proviennent pas d’actions de jeu bien amenées : un coup franc d’Özil repris par Hummels, une frappe vicieuse de Schürrle sur laquelle Bengalio n’a pas bonne mine et un tir de Draxler renvoyé par Benaglio sur Reus. La grande force de cette équipe allemande, ce qui lui avait permis de déclasser l’Angleterre de Rooney et l’Argentine de Messi en 2010, c’est la vitesse et le mouvement. Or, samedi à Bâle, à part quelques séquences en début de 2e mi-temps sous l’impulsion de Marco Reus, le moins mauvais des Allemands, la Nationalmannschaft a jouée arrêtée, statique. On n’enterrera toutefois pas cette équipe germanique : un mauvais match contre la Suisse est souvent synonyme de grande joie quelques semaines plus tard, l’Italie en 2006 et l’Espagne en 2010 en savent quelque chose. Reste que l’Allemagne est arrivée à Bâle avec les doutes nés des défaites du Bayern contre Dortmund et Chelsea, elle ne les a pas dissipés, loin s’en faut.

Quatre ans trop tard

La Suisse en revanche, elle, s’est rassurée. Inscrire cinq buts malgré l’absence de Shaqiri, on ne s’y attendait pas vraiment. Du coup, je fais même un article sur la Nati sans réclamer à hauts cris les retours d’Alex Frei et Marco Streller, même si mon opinion à ce sujet n’a pas changé. Après des qualifications pour l’Euro 2012 marquées par une rare indigence offensive, cette fête de tir est en tous les cas idéale pour la confiance. Toutefois, sur la route de la Coupe du Monde 2014, on ne trouvera pas des adversaires laissant autant d’espaces que les Allemands. En ce sens, le match de mercredi contre la Roumanie sera plus proche de ce qui attend la Nati contre les défenses renforcées slovènes, norvégiennes ou albanaises. Ottmar Hitzfeld n’a pas eu beaucoup de succès avec la Nati jusque-là mais il nous a au moins permis de battre nos deux bêtes noires historiques, l’Espagne et l’Allemagne. Reste à confirmer contre des adversaires plus modestes.

Malgré les trois buts encaissés, défensivement la Suisse est à créditer d’un bon match en ayant quasiment jamais été mise hors de position par le plus gros potentiel offensif de la planète. Et l’apport offensif des latéraux a été intéressant. Le seul perdant de la soirée côté suisse, c’est Diego Benaglio, dont la place va être de plus en plus menacée par Yann Sommer avec ce genre de performances.  En fait, cette victoire intervient juste quatre ans trop tard. Plutôt que le 0-4 de l’époque, on aurait adoré gagner 5-3 contre les Allemands en 2008, lorsque l’on était dans l’attente fébrile et impatiente de notre Euro à domicile. Là, c’est sûr que les perspectives qu’ouvrent cette victoire à court terme ne sont pas aussi enthousiasmantes qu’elles l’auraient été en 2008.

Et la neige ?

Tu te demandes sûrement de quel côté je me trouvais dans un match Suisse – Allemagne. On ne renie pas ses origines : du côté suisse bien sûr, avec le maillot de la Nati. Mais comme on ne renie pas non plus un club qui nous fait vivre sur un nuage depuis deux ans, je me suis quand même autorisé la casquette Fussballhauptstadt du BVB à Berlin. Les absents ont donc eu tort (quelle affluence misérable). Car cela faisait longtemps que l’on n’avait pas quitté le Parc Saint-Jacques aussi satisfaits d’un match de la Nati. Satisfaits mais un peu craintifs aussi car j’ai déjà les pneus d’été et, après autant d’événements improbables dans une même soirée, je m’attendais à trouver la neige en sortant du tunnel du Belchen. Eh bien non, c’était définitivement un samedi paranormal.

Suisse – Allemagne 5-3 (2-1)


Parc Saint-Jacques,
27’381 spectateurs.

Arbitre : M. Gautier.

Buts : 21e Derdiyok (1-0), 23e Derdiyok (2-0), 45e Hummels (2-1), 50e Derdiyok (3-1), 64e Schürrle (3-2), 67e Lichtsteiner (4-2), 72e Reus (4-3), 76e Mehmedi (5-3).

Suisse : Benaglio ; Lichtsteiner, von Bergen, Senderos, Ziegler ; Fernandes (92e Djourou), Inler; Mehmedi, Xhaka (90e Wiss), Barnetta (78e Stocker); Derdiyok.

Allemagne : ter Stegen; Höwedes (78e S. Bender), Mertesacker, Hummels, Schmelzer; Khedira (46e Gündogan), Götze (78e L. Bender); Schürrle, Özil (46e Reus), Podolski (62e Draxler); Klose (78e Cacau).

Cartons jaunes : 66e Inler, 75e Hummels.

Écrit par Julien Mouquin

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9 Commentaires

  1. Moi ca fait très longtemps que j’avais pas eu autant de plaisr à regarder un match de notre Nati,vraiment superbe!Pourvu que ca dure comme ca toute la campagne 2014 que je me réjouis de suivre dès septembre

  2. Typique du genre de matchs qui ne servent a rien et qui ne prouvent pas grand chose.
    La Suisse devrait cesser d’etre les champions du monde des matchs amicaux en foot et en hockey…..et commencer a gagner les matchs qui comptent….
    on les attend au contour, et plus d’excuses cette fois-ci…

  3. Excuse moi CC, mais niveau match amicaux, tant en hockey qu’en foot, c’était pas la joie avant hier soir: La Suisse qui enchaîne 2 défaite « de justesse » contre le Canada en hockey, les matchs nuls soporifiques à répétition de la Nati…
    Bref ça fait beaucoup de bien, une victoire comme ça, même en amical, et même sans Euro au mois de juin (heureusement que y’a Roland Garros, cela dit en passant…).

  4. Moi aussi beaucoup de plaisir à voir évoluer la Suisse hier. La première saison pleine depuis longtemps de Senderos a fait le plus grand bien au Genevois. Fernandes, enfin placé dans son rôle de prédilection a aussi marqué des points, sur la lancée de sa bonne année à Udine. Bref, des bons points qui permettront sûrement de mettre la Nati dans de bonnes dispositions pour aller au Brésil.

    Et puis, Mertesacker…

  5. Cette equipe a du talent, c’est clair, simplement encore tres jeune, donc capable du meilleur (Allemagne/Angleterre) comme du pire (Galles). Je suis confiant pour la suite.

    Cha fait plaisir 5 buts contre les allemands!

  6. Je reviens pour dire encore quelque chose
    J’ai regardé encore une fois le match(merci come back tv) tellement je l’avais apprécié,eh ben moi je trouve que c’est un des plus beaux match que je n’ai jamais vu de la Suisse,en tout cas cette équipe est petri de grands joueurs talentueux(il me semble qu’il n’y a jamais eu autant de mercenaires suisse dans des bons clubs étrangers qu’à notre époque là maintenant).J’espere vraiment que ce match réference pourra enfin prendre conscience à cette équipe que c’est une très bonne équipe respectable et que les résultats vont suivre en conséquence par la suite!!Quel match wow!!En mettre 5 à l’Allemagne et désolé mais l’Allemagne n’était pas l’Allemagne B(alors là je rejoins l’analyse de Ryf concernant ceci).Juste dommage que ce match n’etait pas un quart de l’Euro 12 mais enfin c’est pas grave.Gageons qu’ils nous feront rever et exploser de joie en 2014:)Si les mayas le veulent bien…./:

  7. J’étais présent à st-Jacques… Et bien pour un match amical, 8 buts ça fait vraiment plaisir. En plus le stade est bien foutu, j’étais à 10m d’une tireuse à bière…

    Bon match des Suisses, grandes inquiétudes pour les Allemands…

    Bordel, les mecs jouent leurs places à l’Euro et ne produisent rien…

    Sinon, coté Suisse, Senderos est toujours aussi inquiétant techniquement (prière de ne pas lui faire une passe dans les pieds) et Benaglio ben… Voilà quoi.

    Lischteiner, c’est la classe supérieure, Fernandes a du courir au moins 20km, impossible de prendre la balle à Inler.. Beaucoup de positif donc! Très satisfait de mon petit voyage…

    Sinon, ben c’est un match amical et donc… « C’est toujours plus beau quand c’est inutile.. »

  8. comme d’hab, un super article, merci Julien
    et comme c’était le soirée des surprises, j’ai renoncé à venir à cause de mes parents qui fêtaient leurs 40ans de marriage et j’ai enchainé avec une toute aussi improbable victoire de mon club, le FC Granges-Marnand qui a « écrasé » le FC Grandson 2-1 avec un pénalty arrêté dans le money time.
    Et si il n’a pas neigé, ce fut tout de même bien arrosé…

    Pour revenir au match de la Suisse, j’ai une crainte…
    derdyiok réussira t’il a rééditer son exploit ou ce hat-trick légitimera t’il sa place de titulaire pour enchainer les performances médiocres dont il a le secret ???

    je ne serais pas contre un retour du tandem balois, n’en déplaise aux pisse-froid d’outre-sarine qui ne faisaient que de les conspuer au lieu d’encourager la Nati lors de mes dernières sorties à St-Jacques

  9. « Tu te demandes sûrement de quel côté je me trouvais dans un match Suisse – Allemagne. »

    Non. On s’en fout royalement….

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