Le groupe A nous fait rêver

Présenté comme le plus rébarbatif du tournoi, le groupe A s’avère extrêmement attractif. Par l’incroyable ferveur qu’il suscite, en particulier des fans polonais, mais aussi par la qualité des matchs, avec un excellent Russie – Tchéquie et un épatant Pologne – Russie disputé sur un rythme échevelé. En prime, les quatre équipes peuvent encore se qualifier ou être éliminées lors de la dernière journée. Vivement samedi !

RésuméCe groupe A avait été joyeusement vilipendé par tous ceux dont l’horizon footballistique ne s’élève pas plus haut que quelques grosses cylindrées d’Europe occidentale. Pourtant, il nous a déjà offert quelques beaux matchs et promet un suspense haletant jusqu’au bout. Après la superbe démonstration russe contre les Tchèques, le match Pologne – Russie a également offert un spectacle magnifique, dans une ambiance qui avait l’air exceptionnelle (c’est vraiment nul le foot à la télé, on aurait tellement aimé être là-bas). Certes, il y a eu pas mal de déchet mais la rencontre a été d’une intensité folle et a offert une belle opposition de style entre la générosité polonaise et la maîtrise technique russe.
Les Bialo Czerwoni enflamment le début de match mais se heurtent à un énorme Vyacheslav Malafeev dans le but russe, notamment sur un coup franc repris par Boenisch. Moins inspirés que contre la Tchéquie, un peu suffisants, les Russes font preuve d’une maîtrise technique supérieure et possèdent davantage le ballon mais ne sont guère dangereux. Ils ont pourtant la chance de concrétiser leur première occasion, un coup franc d’Andrey Arshavin repris par l’inévitable Alan Dzagoev. On pensait que la Pologne avait laissé passer sa chance mais le capitaine Jakub Blaszczykowski égalise d’une frappe somptueuse. Dans la dernière demi-heure, les deux formations ont l’opportunité d’arracher la victoire mais le score ne bougera plus. Le décompte des occasions de but est largement en faveur des Polonais, la supériorité technique et la possession de balle pour les Russes, le nul est équitable et fait finalement les affaires des deux équipes. La Russie n’a besoin que d’un point contre la Grèce pour se qualifier, ça paraît possible ; les Polonais passeront en cas de victoire contre la Tchéquie, ce qui paraît là aussi envisageable si les Bialo Czerwoni n’ont pas laissé trop de forces dans les deux premiers matchs. 
L’homme du match
Vyacheslav Malafeev a dégoûté les attaquants polonais. Un réflexe étourdissant devant Boenisch, un arrêt photo sur le corner suivant, deux sorties déterminantes devant Lewandowski, le gardien du Zénith Saint-Pétersbourg a longtemps tiré un rideau de fer devant son but. Il a fallu la frappe d’anthologie de Kuba pour qu’il s’incline et, sur ce but-là, il est difficile de lui reprocher quoi que ce soit.  
La buse du match
Aleksandr Kerzakhov. L’attaquant du Zénith Saint-Pétersbourg avait beaucoup vendangé contre la République tchèque, il s’est créé moins d’occasions contre la Pologne mais s’est montré toujours aussi maladroit et peu lucide dans le dernier geste. Pour l’instant, il est clairement un ton en-dessous des Arshavin, Dzagoev et autres Shirokov qui composent avec lui le bloc offensif de la Sbornaja.
Le tournant du match
Le réflexe de Malafeev devant Boenisch en début de match. Si elle s’était rapidement retrouvée menée au score, cette Russie au mental pas forcément d’acier aurait sans doute passé une soirée difficile dans l’ambiance surchauffée du Stade National de Varsovie.
Le geste technique du match
L’égalisation polonaise évidemment, incontestablement le plus beau but du tournoi jusque-là : une ouverture lumineuse de Lukasz Piszczek suivie d’un crochet du pied droit et d’une frappe somptueuse du pied gauche de Jakub Blaszczykowski. La capitaine polonais avait marqué un but similaire à peu près du même endroit avec Dortmund contre le Bayern en août 2008 sauf qu’à l’époque il avait fait l’impasse sur son pied gauche pour frapper de l’extérieur du droit. Depuis, il a manifestement progressé avec son mauvais pied. Alors qu’il se morfondait sur le banc dortmundois dans l’ombre du prodige Götze l’automne dernier, Kuba est sur un nuage depuis le début de l’année : il a profité de la blessure de Götzinho pour conquérir une place de titulaire et d’élément clé dans le doublé du BVB avant de devenir le capitaine héros de tout un peuple en Pologne.

Le geste pourri du match
Le geste d’humeur de Ludovic Obraniak à sa sortie du terrain dans les arrêts de jeu, alors qu’il s’apprêtait à tirer un coup franc. En regard de la solidarité et de l’immense débauche d’énergie de cette équipe polonaise, cette réaction d’enfant gâté n’était franchement pas dans l’esprit. On voit qu’il a été formé en France, la patrie qui a engendré les glorieux de Knysna et Samir Nasri… On aurait bien aimé que la Pologne marque sur le coup franc et il s’en est d’ailleurs pas fallu de beaucoup.
Les anecdotes
Grâce au deuxième tour exceptionnel réussi avec leur club, les huit joueurs du Borussia Dortmund engagés dans cet Euro sont toujours invaincus en match officiel en 2012. Et mettent un point d’honneur à préserver cette formidable invincibilité : Piszczek passeur et Lewandowski buteur contre la Grèce, Hummels énorme contre le Portugal, Perisic passeur contre l’Irlande, Piszczek passeur et Kuba buteur contre la Russie. Lequel craquera en premier ? Hummels et compagnie contre la Hollande ? Perisic contre l’Italie ou l’Espagne ? Kuba & co contre la Tchéquie ? Espérons qu’il faudra attendre un hypothétique Allemagne – Pologne en quart de finale !
Les Polonais n’avaient plus débuté une Coupe du Monde ou un Euro par deux matchs sans défaite depuis le Mexique en 1986 (nul contre le Maroc et victoire contre le Portugal). A l’époque ils avaient enchaîné par deux défaites 0-3 contre l’Angleterre et 0-4 contre le Brésil…
Le match vu par un Polonais
Tout le monde nous voyait éliminés après deux matchs mais on est toujours invaincus et on peut raisonnablement espérer une qualification pour les quarts de finale. Cela mérite bien une cuite au Kuba libre en l’honneur de notre capitaine (à condition de pouvoir remplacer le rhum par la vodka).
Le match vu par un Russe
Cela ne faisait aucun doute que l’on allait mater les Tchèques comme en 1968 à Prague. Par contre, avec ces satanés Polonais, c’est toujours la même chose, c’est toujours là que débute la sédition qui finira par causer notre perte.
Le match vu par Lech Walesa
«Le Bon Dieu nous a donné les Russes comme voisins, on est condamnés à faire avec.»
«Nous ne pouvons nous opposer à la violence que si nous y renonçons.»
 
(n.d.l.r.: Si ce Pologne – Russie n’a pas débouché sur le bain de sang espéré par certains médias occidentaux en mal de sensationnalisme et à l’affût du moindre prétexte pour dénigrer cet Euro hors des sentiers battus, il semble néanmoins que tous les supporters russes et polonais n’aient pas complètement intégré ces deux assertions).

Écrit par Julien Mouquin

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1 Commentaire

  1. D’accord avec toi sur le match et le groupe en général. A un détail près : l’ouverture lumineuse sur le but de Kuba est l’oeuvre du « vilain » Obraniak et non de Piszczek ! Désolé pour toi ! Son geste en fin de match est effectivement pourri, mais pour le reste, il éclaire le jeu polonais et joue juste. Sans lui, Kuba et Lewandowski seraient sans doute sevrés de bon ballons.

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