La Pontaise n’est pas Anfield

Si Young-Boys avait parfaitement tenu le choc en Europa League à Anfield trois jours auparavant, il a en revanche dû s’avouer vaincu dans le chaudron magique de la Pontaise. Le Lausanne-Sport, s’il avait tout pour bien faire, a failli tout perdre sur la fin mais a tenu bon et se hisse à la cinquième place du classement.

Les vieux stéréotypes selon lesquels les supporters de football seraient tous des individus décérébrés ne pensant qu’à se saouler et à se battre ont la vie dure, on l’a encore vu cette semaine avec certaines décisions politiques grotesques. Et pourtant, être supporter de football implique des facultés cérébrales au-dessus de la moyenne : imagine, samedi j’étais à Mainz – Dortmund tout de jaune et noir vêtu prêt à m’enflammer aux exploits des joueurs arborant ces couleurs-là. Moins de 24 heures plus tard, je me retrouve à la Pontaise pour Lausanne – YB et cette fois le jaune et noir se trouve être les couleurs de l’adversaire, c’est toute une gymnastique intellectuelle pour ne pas emporter veste, maillot, bonnet, écharpe ou gants (là c’est raté…) de la mauvaise couleur et ne pas se lever pour célébrer un goal de la fausse équipe.    

Le chef d’œuvre de Gabri

En l’occurrence, en début de match, j’avais peu de chances de m’enflammer pour un but bernois car on a surtout vu Salim Khelifi, titularisé après sa bonne entrée contre Thoune. Sur son flanc gauche, le petit ailier béllerin a donné le tournis à une défense bernoise qui avait sans doute les jambes un peu lourdes trois jours après l’exploit réussi à Anfield Road contre Liverpool. Mais c’est de l’autre côté qu’est venue la lumière sur un débordement d’Abdelouahed Chakhsi ponctué d’un centre repris acrobatiquement par Gabri pour une splendide ouverture du score. Rien que cette action valait la peine de braver les frimas de la Pontaise. Et d’ailleurs il ne faisait même pas si froid que ça : on appréhende toujours le dernier match du 1er tour du LS à domicile mais cette fois la fameuse bise des Plaines-du-Loup ne s’était pas invitée et la température, sans être tropicale, était tout à fait supportable. Un match à la Pontaise fin novembre sans manquer de peu de perdre un orteil ou attraper une bronchopneumonie, tout fout le camp !

L’énigme bernoise

C’est en vain que l’on a attendu une réaction bernoise. A part une tête loin du cadre de Nef, YB ne se crée pas la moindre occasion de but avant la pause. Cette équipe bernoise est un peu une énigme : elle aurait manifestement le potentiel pour accrocher le peloton de tête du classement et non végéter dans le deuxième wagon, celui des équipes pas à l’abri d’une mauvaise surprise en cas d’hypothétique sursaut de la lanterne rouge grenat. Les exploits sur la scène européenne montrent d’ailleurs bien que cette équipe d’YB vaut mieux que son classement. On peut se poser dès lors la question du travail de Martin Rueda. On ne veut pas accabler un entraîneur qui a énormément apporté au Lausanne-Sport mais force est de constater que l’ancien joueur de Xamax, s’il est un excellent motivateur capable de préparer son équipe pour des coups ponctuels en Coupe d’Europe ou sur une fin de saison, est beaucoup plus en difficulté dès lors qu’il s’agit de donner une identité de jeu sur la durée. A ce niveau-là, on peut mesurer les progrès accomplis par le LS sous la férule de Laurent Roussey avec un système et un onze de base beaucoup plus stables que la saison dernière, même s’il faut aussi reconnaître que le Français dispose d’un contingent intrinsèquement  largement supérieur à celui de son prédécesseur. Face à cet YB au fond de jeu inexistant, Lausanne mérite largement son avantage à la pause ; l’écart aurait même pu être plus conséquent si les Lausannois avaient mieux négocié trois situations de surnombre mais, à chaque fois, l’appel des attaquants, restés sur la même ligne, n’est pas optimal et la dernière passe déficiente.

Les salutations de Raul Bobadilla

Martin Rueda avait surpris son monde en laissant son attaquant vedette, Raul Bobadilla, l’homme des buts superbes en Europa League, sur le banc. Devant l’inanité offensive de son équipe, il se décide à lancer son Argentin à la 55e. Cinq minutes plus tard, ce dernier était justement expulsé pour un geste revanchard sur Guillaume Katz. Salutations et merci d’être passé dire un petit bonjour au public de la Pontaise ! L’Argentin a du talent, ses buts somptueux contre Udinese et Liverpool l’attestent, mais le mental ne suit pas. C’est d’ailleurs pour cela qu’il ne s’était pas imposé à Mönchengladbach où il avait certes réussi quelques matchs et buts magnifiques (notamment un derby à Köln) mais aussi une flopée de prestations transparentes, des ratés monumentaux et de gestes répréhensibles (on a encore en mémoire son nettoyage de crampon sur Sergio Pinto).
Après une première parade de Wölfli sur une belle frappe de Khelifi, le LS va doubler la mise sur un pénalty assez généreusement accordé par M. Kever. Chris Malonga transforme en deux temps, c’est assez malin de sa part : comme ça, dans la statistique, cela ne comptera pas comme un but marqué sur pénalty.

Une horloge à la Pontaise !

2-0, un homme de plus sur le terrain, l’affaire semblait assez bien emmanchée pour le LS, alors que l’on jouait la 73e minute. Car oui, miracle, il y a à nouveau une horloge permettant de lire le temps de jeu à la Pontaise, grâce d’ailleurs au concours d’un fidèle lecteur de ton site préféré. Du coup, la vénérable Pontaise est parée pour accueillir des matchs jusqu’en 2038, date prévue pour l’inauguration du nouveau stade de 4’000 places combiné foot/athlétisme/piscine/hockey, avec possibilité d’inonder ou de congeler le terrain en fonction des besoins. Cette enceinte futuriste sera implantée sur la place de la Riponne et servira en même temps d’abri pour marginaux, dealers et noctambules attendant leur premier train du matin après la fermeture des discothèques au couvre-feu de 23h. Et du coup, l’interdiction annoncée de l’alcool sera compensée par la vente massive de drogues ; les apparences sont trompeuses mais les pieds nickelés qui administrent la Ville de Lausanne sont en fait des visionnaires de génie trop en avance sur leur temps pour être compris.

Frayeurs

Mais, après avoir galvaudé l’une ou l’autre occasion de 3-0, le LS va se faire une grosse frayeur sur la fin, après l’excellente entrée en jeu de Christian Schneuwly et la sortie de Mickaël Facchinetti qui flirtait dangereusement avec un deuxième avertissement (l’arbitre M. Kever est d’ailleurs sorti sous les applaudissements de la Tribune Nord, c’est assez rare pour être signalé). Les Bernois vont réduire la marque au terme d’une belle combinaison Zarate-Schneuwly-Frey et seront tout près d’égaliser sur un long centre sauvé en catastrophe par Katz, un tir sur le poteau de Schneuwly et une dernière tête bloquée par Favre. Inexistants offensivement durant 80 minutes, les Bernois ont donc été tout près de remonter deux longueurs de retard en infériorité numérique. C’est bien la preuve que ce Lausanne-Sport, malgré des progrès évidents, peut encore faire preuve d’une grande fébrilité. Et, malheureusement, les succès de Servette et Thoune ne permettent toujours pas au LS de se mettre complètement au chaud au classement. Il faudra donc encore ramener quelque chose du déplacement à Lucerne puis une qualification en Coupe à Brühl Saint-Gall pour que le bilan de ce premier tour puisse être considéré comme totalement satisfaisant. Ceci dit, si l’on se souvient où en était le LS il y a encore douze mois, il y a déjà eu une sacrée progression.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Lausanne-Sport – BSC Young Boys 2-1 (1-0)

Pontaise, 7’200 spectateurs.
Arbitres : M. Kever, assisté de MM. Zeder et Sangiovanni.
Buts : 17e Gabri (1-0), 73e Malonga (2-0), 83e Frey (2-1).
Lausanne : Favre; Chakhsi, Katz, Sonnerat, Facchinetti (81e Kamber); Gabri, Rodrigo; Malonga, Tafer (55e Marazzi), Khelifi ; Moussilou (88e Meoli).
YB : Wölfli; Gonzalez, Nef, Ojala, Lecjaks; Zverotic, Farnerud; Vitkieviez (55e Bobadilla), Costanzo (55e Zarate), Nuzzolo (72e C. Schneuwly); Frey.
Cartons jaunes : 16e Katz, 45e + 1 Zverotic, 53e Nef, 66e Facchinetti.
Carton rouge : 60e Bobadilla (geste revanchard).

Écrit par Julien Mouquin

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17 Commentaires

  1. Après la première phrase je m’attendais, pour la suite, à plus de mauvaise foi et de chauvinisme (chaudron magique de la pontaise…. 😉 ), mais l’article est finalement assez juste.

  2. « Bobadilla justement expulsé »…. HAHAHAHAHAHAHAHAHA mon pauvre Mouquin, j’attends de voir ta réaction lorsque l’une de tes idoles espagnoles fera une simulation aussi grossière que celle de Katz. On parie que tu hurleras au scandale?

  3. Katz en rajoute ça c’est clair, mais il y a bel et bien un geste revanchard. Y’a quand même une différence entre plonger pour rien dans les 16 mètres pour obtenir un pénalty, ou se laisser tomber au sol intelligemment parce que ton adversaire est un imbécile.

  4. Si le contingent de Roussey est supérieur à celui de Rueda c’est grâce à Roussey qu’on le doit, car Malonga, Tafer, Guié Guié Gabri et Rodrigo c’est grâce à lui et c’est vraiment autre chose que Muslin, Lyng et autre Steuble…

    Rueda ne manque pas à la Pontaise c’est le moins que l’on puisse dire!!!

    Une 5ème place et une finale de coupe ? Allez Lausanne

  5. À quoi bon dire du mal de Rueda? Aujourd’hui il n’est plus entraîneur du LS. Oui on ne peut que de se réjouir du palier franchi par le club depuis l’arrivée de Roussey, et grâce à lui aussi…
    Rueda a fait passer de grands moments au Lausanne-Sport, il a sans doute tiré le maximum du contingent en Challenge League, l’a ramené dans l’élite du pays et l’y a laissé… Sans parler de l’Europa League. Et le recrutement à cette période était uniquement géré par les dirigeants. Alors merci à lui. On peut lui reprocher certains choix, mais également respecter son travail. Maintenant, Roussey est un entraîneur de plus haut calibre, comme Rueda était sans doute largement meilleur que ses prédécesseurs…

  6. Le fidèle lecteur auquel tu fais allusion, Julien, est en mesure de confirmer que le nouveau panneau des scores installé à la Pontaise devrait pouvoir tenir jusqu’en 2038 sans problème. Et deux matches six points pour le LS depuis qu’il est posé, quand-même, si ça c’est pas un porte bonheur 😉

  7. De Shogun : » Y’a quand même une différence entre plonger pour rien dans les 16 mètres pour obtenir un pénalty, ou se laisser tomber au sol intelligemment parce que ton adversaire est un imbécile. »

    Je suis fan de cette phrase!

  8. Haha David, je me faisais la même réflexion… « plonger pour rien pour obtenir un penalty », ça mérite le prix Champignac 2012, non? C’est beau le sport en tout cas, la simulation et les plongeons dans le vide ont encore de beaux jours devant eux.

  9. @Seb

    Qu’on s’entende, je respecte Rueda, il a fait du bon travail. Pour la promotion, il ne faut pas oublier non-plus l’apport de Celestini durant le premier tour (et l’héritage qu’il a laissé).

    Et quand tu dis que le recrutement était uniquement géré par les dirigeants, c’est faux. Muslin, c’est Rueda, Lyng et Negrao, Rueda a été consulté, par exemple.

    Alors je lui jette pas la pierre, mais il a pas fait tout juste, sans parlé de son non-système de jeux (qui fait mal à YB actuellement).

    On est par contre d’accord sur le fait que Roussey est d’un autre calibre 🙂

  10. @ Alfred: Arf, j’avais oublié à quel point les gens pouvaient pinailler lorsqu’ils se font contredire et qu’ils n’ont ensuite rien à répondre. Mais, je vais te faire plaisir et reformuler « … Tomber alors que l’on n’a pas été touché (et donc tomber à cause ou pour rien) pour obtenir un penalty… »
    Bref, je suppose que tu préférerais que le joueur victime de ce genre de geste, ne fasse rien et reparte la queue entre les jambes ?! A moins que tu ne te situes plutôt dans la position « œil pour œil, dent pour dent » ?!

  11. Que les choses soient claires Shogun, mon but premier était avant tout de signaler à notre ami Mouquin qu’il était en train de faire l’éloge d’un fruit de simulation, alors que quelques secondes plus tard il vient nous présenter Iniesta comme un joueur qui « [passe] trente minutes par match à se rouler par terre en pleurnichant ». J’y dénote une profonde incohérence qui m’a fait hurler de rire.
    Après, tu as l’air offensé par mon message, j’en suis navré, ce n’était pas le but. Dans le foot actuel, je ne vois pas de différence entre « tomber intelligemment » et « tomber pour obtenir un penalty ». Les deux sont sportivement pathétiques, quand bien même son auteur sera traité tel un génie du sport lorsqu’il a la chance de faire partie de l’équipe favorite de celui qui le juge. Mouquin et toi-même semblez dire que Katz est intelligent de tomber comme une femmelette, alors que ce même Mouquin (dans ton cas, je ne sais pas) hurle au scandale lorsqu’un Barcelonais en fait de même. Katz et Iniesta peuvent faire ce qu’ils veulent (en particulier, mettre la queue là où ils veulent pour te reprendre), mais je trouve la différence entre leurs traitements respectifs bien triste, et d’une mauvaise foi indigne de quelqu’un se voulant journaliste, quoique satirique.

  12. 1) rueda ne passera pas l’hiver mais on s’en tape..
    2) yb a un fond de jeu mais qui ne leur sert à rien:on se passe la balle pendant des heures, pour rien..
    3) bobadilla est un très bon joueur, il est juste un peu con mais pas plus que la moyenne…
    4) katz fait comme il a vu faire mille fois à la télé…c’est du mimétisme..qui peu lui en vouloir, à part les moralistes à deux balles?
    5) LS commence à avoir une bonne équipe et un peu de réussite mais ce qui inquiète c’est qu’au cours d’un match, après une bonne période, ils ont des chutes de tension terribles (mauvaises passes, mauvaise relance) assez inexplicables.
    6) kehlifi sera un grand joueur s’il joue aussi avec les autres..
    7) roussey l’a dit: ceux qui font le bonheur de son club aujourd’hui (malonga, tafer et même kehlifi) vont se tirer. C’est le destin d’un club qui vise la 5ème place…
    8) collet est vraiment une pive: dire dans le matin que ca lui coûte (moralement) de payer des primes, c’est d’une connerie stratosphérique.. Je croyais qu’il était déjà au sommet mais à chaque apparition publique il monte plus haut.!

  13. @Alfred : Je ne suis pas du tout offensé par ton message, surtout après tes explications dont je comprends le sens par rapport à J. Mouquin (personnellement, son cirque anti-barça et anti-espagnole m’insupporte). Cela dit, je trouve quand même que la situation entre l’attaquant tombant dans les seize et du joueur se prenant ou ayant failli se prendre un geste qui n’a rien à faire sur un terrain est très différente. Nous ne sommes pas d’accord, pas de problème et sans rancune.

  14. Je signale à Sarko, que Roussey n’a jamais parlé de Tafer et de Khelifi. Tafer a un contrat de 3 ans. Si Collet est au sommet, je ne sais ou situer le professeur Sarko. Quelles connaissances possède ce garçon. Encore une fois je le vois bien président, entraîneur et parfois joueur afin de démontrer ses nombreuses qualités…

  15. L’expulsion de Bobadilla est très sévère, car il ne touche absolument pas le Katz (même s’il fait le geste avec le coude) comme le ralenti de Teleclub le montre, mais bon tout le monde sait qu’en Suissse on a des mauvais arbitres, à quand le professionnalisme?

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