3 mars 2004, Derbysieg !

Ce jour-là, le 3 mars 2004, restera dans les mémoires pour tout supporter des clubs zurichois. Que ce soit pour ceux qui en rient encore ou ceux qui n’ont toujours pas compris ce qui leur est arrivé. C’était un mercredi bien frais du début du mois de mars. Mais pas un mercredi comme les autres, car ce soir-là, du côté du Hardturm, on retrouve notre ennemi de toujours pour un derby de la ville GC – FCZ.

L’enjeu était de taille : une place en finale de la Coupe de Suisse, puisque ce derby n’était autre qu’une demi-finale de ladite compétition. Inutile de vous dire que, ce matin-là, je n’avais pas eu de mal à me lever pour aller travailler et que la journée avait été très longue, même en quittant le bureau à 15h30 pour se rendre au plus vite dans notre magnifique et regretté Hardturm.C’est donc dès 15h31 que s’ouvrent les premières bières et que la poignée de Romands fans des Sauterelles que nous sommes prend la route. En effet, à cette époque, à la suite d’une initiative d’un fan de la Riviera, GC vit naître la Zone-Romande qui permit aux Romands de se regrouper et s’organiser pour les déplacements sur les bords de la Limmat. Ce derby était l’occasion pour le groupe de poser sa bâche pour la première fois de son existence. On était superstitieux, puisque l’on s’était rencontré la première fois à Neuchâtel pour le quart de finale qui nous avait propulsés à ce derby sans trembler.

Arrivés autour du Hardturm, on sent l’euphorie générale et une très très grosse attente puisque les deux clubs sont à la rue en championnat et le titre est déjà promis au FCB ; la Coupe reste donc la seule chose pour sauver la saison d’un côté comme de l’autre. Before sous la tente, bières, baby-foot et ça y est, le début du match arrive.
La rencontre ne pouvait pas plus mal commencer puisqu’après 5 minutes on prend le premier sur un vieux tir merdique de la starlette Gygax qui est dévié et prend à contre-pied notre parrain Fabrice Borer. Puis, avant même le quart d’heure, on se met un autogoal d’anthologie ; à ce moment-là, t’as envie de mourir, tu comprends pourquoi t’as la défense la plus pourrie de la LNA et tu te dis déjà que le retour va être très long et qu’il ne faudra pas que tes collègues te causent au bureau demain. En même temps, avec un type comme Castillo qui tient ta charnière centrale, lui qui est aussi raffiné que Brélaz montant dans les anciennes rames du LEB, même avec des jeunes prometteurs comme Lichtsteiner et Ziegler, t’as pas trop le beau. Mais putain ce que c’était un guerrier, c’était bon. Inutile de vous dire que le secteur visiteurs à ce moment-là est en euphorie totale, ça craque, ça chante, ça chambre et, putain, des ambiances comme ça, même quand c’est contre toi à domicile, t’es obligé de dire «respect».

Puis, sur un sursaut d’orgueil, on réduit le score par celui qui allait devenir le plus grand traître du club, l’ami Petric, une spécialité chez celui qui a aussi trahi Dortmund et la Nati ; on se remet à y croire mais, à peine le temps de donner de la voix, que le FCZ nous replante un goal, juste avant la mi-temps. On est assommés et c’est un joli feu d’artifice qui explose en face. C’est la pause et même la bière est amère. Les plus négatifs seraient presque motivés pour rentrer, mais maintenant qu’on est là… faisons-nous mal jusqu’au bout. Au retour des vestiaires, GC attaque contre l’estrade Ost, on se chargera donc de chambrer le gardien adverse Taini, ça nous occupera… On pousse et voilà que la soirée portes ouvertes continue, on enfile le 2-3, l’espoir renait et on repart dans du pétage de voix comme lors du 1-2. Mais comme lors du 1-2, on n’a pas le temps de savourer qu’on prend non pas un mais deux (!) goals coup sur coup : 2-5 et il reste moins de 30 minutes à jouer. Cette fois, il n’y a plus de secteur visiteurs, c’est le chaos total, le buteur du FCZ est pendu au grillage à embrasser les mecs qui ont pris d’assaut ledit grillage, communion à l’ancienne, les joueurs aimaient encore leur club. Et toi t’es là, impuissant, avec des larmes de rage que tu essaies de dissimuler mais t’as vraiment envie de t’enterrer car en plus il fait froid, t’es à 2h de route de ton lit et demain faut aller bosser.
Les pessimistes de la mi-temps en rajoutent et il s’en faut de peu pour qu’on débâche et qu’on parte. Puis plus rien, on passe la 80ème, moins de 10 minutes à jouer, on perd 2-5 à domicile par l’ennemi juré, ils vont aller en finale et le font savoir, les «FINALE ! FINALE !» résonnent encore dans ma tête. Une superbe volée d’Eduardo nous remet à 3-5 à la 83ème, cool on aura l’air moins cons devant le Télétext demain matin. Puis, à la 89ème, Eduardo encore devance une sortie aux fraises du pourtant grand Taini et met le 4-5, l’euphorie monte d’un cran mais c’est la 90ème et on ne peut pas croire qu’un exploit soit encore possible. Et pourtant…. Sur un ballon relâché par Taini dans les arrêts de jeu, Mladen Petric surgit et glisse la balle au fond, alors là c’est… indescriptible. Même le barbelé en haut du grillage ne nous arrêtera pas. Le moment est tellement magique que c’est difficile d’y mettre des mots. On a l’impression que l’on vient de gagner la Ligue des Champions et encore, pas sûr que ce soit si bon. Mais on l’a fait : 5-5, on arrache les prolongations après avoir été menés 2-5 à sept minutes de la fin ! Le secteur visiteurs  a pris une baffe et cette fois les 11’200 spectateurs sont en ébullition. J’ai une pensée émue pour tous les mecs qui ont préféré le canapé au stade à cause du froid.

Les prolongations commencent et le FCZ est à genou, complètement dépassé et assommé par ce qui leur arrive. C’est là que notre mythique, magique, sublime et incroyable RICHARD NUNEZ décide de mettre son premier goal du match, 6-5 ça y est, on est devant ! On a plus de voix, les mains ensanglantée par les barbelés et jamais les «FINALE» n’auront résonné aussi fort. Cette fois les copines de la Südkurve sont au fond du trou, je ne peux même pas imaginer. On aurait presque de la peine pour eux, mais c’est tellement bon. Même une lesbienne dans un couvent ne doit pas jouir comme nous ce soir-là. Les prolongations touchent à leur fin et ça y est, on est en finale !!! Incroyable exploit de l’équipe. Et même si ce FCZ était plus un Georges Bastl en fin de carrière qu’un Roger Federer au sommet de son art, ça restera le match le plus incroyable qu’il m’ait été donné de voir. Et imagine que notre entraîneur s’appelait Alain Geiger ce soir-là, alors que le FCZ avait Lucien Favre sur son banc : si tu compares la suite de leur carrière d’entraîneur, ça situe à quel point cette soirée avait été miraculeuse. C’est pour vivre ce genre d’émotions que se taper 4h de route pour suivre son équipe, même un mercredi soir glacial, vaut tous les sacrifices du monde. C’était d’autant plus beau que cet exploit s’est finalement avéré inutile. Mais même la défaite en finale face au FC Wil, qui d’ailleurs coulera cette année en LNB, est anecdotique. Car, ce soir-là, on a privé d’un trophée le FCZ ; en effet, il n’y a que nous pour faire ce genre d’exploit et se vautrer ensuite contre le FC Wil en finale, le FCZ n’aurait pas fait ce genre de cadeau aux St-Gallois.
Voilà, c’est mes grands débuts sur CartonRouge.ch et je vous souhaite à tous d’avoir la chance de vivre ce genre de match une fois dans votre vie. DERBYSIEG, AHOU !

Grasshopper Club Zurich – FC Zurich 6-5 ap. prol. (1-3, 5-5)

Hardturm, 11’200 spectateurs.
Arbitre : Urs Meier.
Buts : 6e Gygax (0-1), 12e Ziegler (autogoal, 0-2), 37e Petric (1-2), 44e Gygax (1-3), 57e Eduardo (2-3), 61e Gygax (2-4), 61e Cesar (2-5), 83e Eduardo (3-5), 89e Eduardo  (4-5), 90e Petric (5-5), 95e Nunez (6-5).
GC : Borer; Lichtsteiner (75e Da Silva), Castillo, Denicola, Ziegler (65e Alfred); Cabanas (81e Mitreski), Tararache, Spycher; Eduardo, Petric, Nuñez, Entraîneur : Alain Geiger.
FCZ : Taini; Dal Santo, Nef, Filipescu, Chihab; Schneider, Dzemaili, Petrosyan (90e Yasar), Di Jorio (18e Da Sousa); Gygax, Keita (74e Pallas), Entraîneur : Lucien Favre.

Écrit par Jolezurichois

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6 Commentaires

  1. Très belle description. c’était un grand moment dans l’histoire du football suisse.

    Pour ma part je n’ai jamais compris ses Grasshoppers.. plus de supporter à l’extérieur du canton qu’à l’intérieur.

  2. Très très chouette article, Jo ! Je te félicite de t’être lancé ! (tu t’es décidé après le 5ème Jägermeister samedi ?) 🙂

    Et elle est tout à fait délicieuse, ta comparaison de Castillo avec Brélaz dans le LEB !

    Sinon, de vous imaginer, les supporters de GC, sur l’égalisation à la dernière minute, ça devait être monstrueusement fabuleux ! C’est pour des moments comme ça qu’on aime tellement le foot !

  3. Merci Jo!

    Ce fut également le plus moment de football qu’il m’ait été donné de voir..

    Ce résultat a pour l’anecdote donné son nom à un bar en ville de Zurich, le sächs foif..

    Que du rêve cette année!

    Ahu!!!!!

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