Sotchi 2014 : I can’t wait !

En hockey sur glace, les Jeux Olympiques sont depuis 1998 la compétition qui désigne le véritable champion du monde, tous les quatre ans. A un mois des JO de Sotchi, les vrais fans de hockey sur glace ne peuvent que piaffer d’impatience en vue de l’intensité du spectacle à venir, des chocs légendaires et l’opposition de styles entre les puissances européennes et nord-américaines. Un niveau de hockey inégalé, des gestes techniques tant offensifs que défensifs d’une virtuosité inimaginable, des artistes et des magiciens à l’œuvre. Sans oublier une équipe de Suisse probablement la plus forte de tous les temps.

Championnats du monde = LNB

N’en déplaise à René Fasel et aux commentateurs de la RTS, les Championnats du monde qui ont lieu chaque année au mois d’avril ne sont qu’une compétition des équipes B, en tout cas en ce qui concerne les grandes puissances, en raison de l’absence d’une majorité des meilleurs joueurs du monde disputant les finales de NHL. Si on compare par exemple l’équipe canadienne présente aux CM 2013 et les joueurs retenus pour les JO de 2014, seuls cinq joueurs (essentiellement secondaires, et qui avaient joué aux CM surtout dans le but de favoriser leur candidature pour l’équipe olympique) sur 25 joueront les deux compétitions, soit :
• Mike Smith (troisième gardien qui ne jouera pas, sauf blessure de Carey Price ou Roberto Luongo)
• Dam Hamhuis, qui sera défenseur sur le troisième ou quatrième bloc
• PK Subban, également pressenti pour être défenseur dans la quatrième triplette de défense, en tout cas au début du tournoi
• Matt Duchene
• Steve Stamkos, dont la présence est loin d’être certaine en raison de blessure.
Vous me direz que c’est mieux que 2010, où seul un (Corey Perry) des 25 champions olympiques à Vancouver avait participé aux Championnats du monde en Allemagne deux mois plus tard. 

7 matchs pour l’or

L’amateur de hockey doit donc attendre quatre longues années pour voir désigner un vrai champion du monde, et comme il n’y a que six grandes puissances (Russie, Canada, Suède, Finlande, USA et Tchéquie) qui se qualifient quasiment toujours pour les quarts de finale, seuls sept matchs comptent en définitive pour déterminer la meilleure équipe au monde : quatre quarts de finale, deux demi-finales et une finale.
7 matchs tous les 4 ans, c’est bien peu. Le premier tour n’est en fait qu’un tour de chauffe, les meilleurs joueurs du monde ayant débarqué le jour avant le début du tournoi directement d’Amérique du Nord. Les joueurs profitent donc du tour qualificatif pour apprendre à connaître leurs compagnons de lignes, s’adapter au décalage horaire et à la grande patinoire. Les entraineurs procèdent à des ajustements de lignes et différents essais en power-play, non en vue de gagner les matchs à tout prix, mais surtout dans la perspective du tour éliminatoire. Le but est de trouver la fameuse «chemistry» si cruciale dans la lutte pour le titre. Ainsi, les grandes équipes veulent entrer dans le rythme du tournoi tout en gardant des forces, et dans cette mesure évoluent à 4 lignes indépendamment du score, sans sur-utiliser leurs joueurs clés. A ce titre, il faut relativiser les exploits de la Suisse au premier tour, même si la victoire contre le Canada à Turin en 2006 était véritablement historique, vu l’effectif en face. 

Pour la petite histoire, sur les 7 matchs cruciaux, la RTS n’en montre traditionnellement que 5, car ils ne jugent pas nécessaire de montrer les quatre quarts de finale, Massimo Lorenzi et ses prédécesseurs  estimant que de toute façon il y a déjà bien assez de hockey sur glace à la télévision, avec déjà la retransmission de la Coupe Spengler, faut quand même pas pousser le bouchon. C’est ainsi qu’on a raté par exemple le quart Russie – Canada à Turin en 2006, ce qui reviendrait au foot à ne pas retransmettre en direct un Brésil – Espagne en quart de finale de la Coupe du Monde. Heureusement que bien souvent la RSI est là pour nous sauver, car eux depuis 30 ans retransmettent un maximum de matchs, commentant parfois depuis Lugano lorsqu’il n’y a pas de commentateur sur place, contrairement à notre RTS de fonctionnaires.
Autre frustration, la possibilité que les plus belles parties peuvent se terminer en queue de poisson par des séries de penalties. Les tirs aux buts ne font pas partie du hockey sur glace. Les penalties sont peut-être plus compréhensibles, bien que tellement cruels, au foot, où la notion de but en or n’existe pas. Mais au hockey, la seule manière de départager deux équipes pour les compétitions ultimes, qui plus est pour le titre de meilleure équipe de la galaxie, c’est le but en prolongation, peu importe le temps qu’il faut pour le marquer. En finale en tout cas, il ne devrait pas avoir d’autre issue possible. Le but victorieux de Crosby en 2010 en est l’illustration, un des plus beaux moments de l’histoire du hockey sur glace.  
Cependant, je ne vais pas me plaindre, car pendant les 30 premières années de ma vie, soit jusqu’en 1998, on ne voyait jamais les meilleurs joueurs jouer l’un contre l’autre, les hockeyeurs de NHL étant absents aux JO. Imaginez-vous la Coupe du Monde de football durant tout le XXème siècle avec uniquement des joueurs universitaires de seconde zone venant du Brésil et de l’Argentine, ça gâche quand même un peu le plaisir. Et comme les Summit Series, Canada Cup et World Cup étaient totalement absents des écrans européens, ce n’est qu’en 1998 que nous avons pu voir, pour la première fois en direct, tous les meilleurs joueurs de la planète s’affronter.

L’or ou rien pour les Russes

Canada (2010, 2002), Suède (2006), Tchéquie (1998). Trois nations au palmarès depuis que les JO ont intégré les meilleurs joueurs de la planète. Les USA, avec deux belles médailles d’argent, ne sont pas loin. Le grand absent de marque est la Russie, qui n’a jamais plus remporté l’or une fois que tous les meilleurs joueurs se rendaient aux JO. Un vide immense.
De plus, les Russes sont conscients qu’en dépit de leur palmarès hallucinant de victoires aux Championnats du monde et aux Jeux Olympiques dans la deuxième moitié du XXème siècle, contre des équipes B d’Amérique du Nord il est vrai, la réalité est qu’ils se sont fait dominés lors des quelques rares rendez-vous (9 compétitions) où ils se sont affrontés aux joueurs professionnels canadiens de la NHL. Défaite à la Summit Series de 1972, à la Canada Cup 1976, 1984, 1987 et 1991, et à la Coupe du monde de hockey 1996 et 2004. Leurs seuls titres furent la Summit Series 1974 et la Canada Cup 1981. Ainsi, la dernière fois que les Russes (et l’URSS) ont remporté un tournoi mondial où les tous les meilleurs joueurs du monde étaient présents, c’était avec le superbloc légendaire de Kasatonov, Fetisov derrière, et la KLM devant (Krutov, Larionov et Makarov). 5 joueurs surdoués qui ont joué ensemble dès leur plus jeune âge tous les jours pendant près de 15 ans, tant au CSKA Moscou qu’en équipe nationale (ce qui ne se produira plus jamais) – un jeu collectif qui restera probablement inégalé dans l’histoire du hockey, et même dans tous les sports d’équipe confondus.
La pression sur les Russes à Sotchi sera donc immense. Sauront-ils la gérer, eux qui ne se distinguent pas forcément par leur force mentale, en tout cas pas depuis la chute du rideau de fer au début des années 90 ? Avec comme toujours le soutien inébranlable de la RTS (cela fait 30 ans que Willemin, Rossé, Ducarroz et Bastardoz accrochent fidèlement le drapeau soviétique/russe dans leur cabine de commentateur), ils tenteront de suivre l’exemple des joueurs aux drapeaux d’érable en 2010, qui avaient réussi à ne pas crouler sous la pression énorme de tout le Canada, l’or étant le seul résultat acceptable. Malchin ou Ovechkin pourront-ils faire la différence comme Crosby, Toews et Nash l’avaient faite à Vancouver ? C’est probablement le rendez-vous le plus important pour la Sbornaja depuis la mythique Summit Series de 1972.

Power-play et gardien

Hormis les enjeux énormes de l’or olympique, l’intensité du tournoi est décuplée par le fait que pour être championne, une équipe doit donc remporter en définitive trois «Game 7» en 5 jours. Tout se joue très rapidement, à un niveau stratosphérique, dès le premier shift. Contrairement aux matchs habituels, les grandes équipes ont une telle profondeur qu’ils disposent de 4 premières lignes, ce qui complique les décisions tactiques. Cela réduit également le temps de glace des stars, leur donnant moins de temps pour faire la différence, tâche rendue plus difficile par le fait qu’ils sont souvent opposés aux spécialistes défensifs de l’équipe adverse. Les gestes extraordinaires se succèdent, et tout va tellement vite que souvent ce n’est qu’en regardant les ralentis qu’on peut percevoir la qualité d’une déviation, d’une sortie de zone ou d’un arrêt. Tout finit par se jouer sur d’infimes détails, ce qui rend le tournoi encore plus passionnant.
Dans ce contexte, le power-play est souvent déterminant. Ce qui fait que l’arbitrage est d’une importance capitale. Comme la ligne de jeu entre la NHL et le hockey international n’est pas la même, et que la qualité des zébrés au niveau de l’IIHF est également très inégal, l’arbitrage constitue un paramètre quelque peu aléatoire. Raison pour laquelle tant à Vancouver qu’à Sotchi, pour des finales Canada – USA, les équipes avaient demandé des arbitres… canadiens. Inimaginable dans n’importe quel autre sport.
Autre facteur souvent décisif : le gardien. Dominik Hasek avait porté l’équipe tchèque à la victoire en 1998. Un gardien en état de grâce fait souvent pencher la balance et peut même permettre, sur un match, qu’un petit puisse battre un grand. Ce qui fait que la Suisse ou la Slovaquie peuvent également rêver. Vu la forme actuelle de Jonas Hiller, tout est possible pour l’équipe au maillot à croix blanche. On espère vibrer autant qu’aux CM 2013.

Ne pas rater une seconde

Pour le titre suprême, 7 matchs tous les 4 ans, il va falloir les déguster avec plaisir et ne pas rater une seconde. Alors prenez congé le mercredi 19 février (les quarts), l’après-midi du vendredi 21 février (les demis) et n’acceptez aucune invitation le dimanche 23 février à 13h (finale). Tous ceux qui se souviennent du niveau extraordinaire et de la vitesse du hockey produit aux JO (en particulier le Canada – Russie 7 à 3 en 2010, le but en or de Crosby en prolongations de la finale, ou la finale incroyable de Salt Lake en 2002) ont en déjà la chair de poule.
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images 

Écrit par Andy Tschander

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2 Commentaires

  1. Bon article and I can’t wait even more now.
    Une honte la retransmission du hockey à la RTS tant pour les JO, la CM et même les matchs de la LNA suisse.
    Heuresement on a plus besoin de compter sur eux (ils sont très frustrants) car les matchs sont montrés sur des sites en ligne avec une bonne qualité et de biens meilleurs commentaires ! J’ai bien aimer tes critiques véridiques concernant la RTS et leurs commentateurs, bien dit.

    Au paragraphe « L’or ou rien pour les Russes », tu as oublié de mentionner que la Finlande est la nation la plus titrée aux JOs depuis l’intégration des joueurs NHL. C’est avec a hardworking team qui est solidaire et un bon gardien qu’ils ont toujours pu créer leurs bonnes opportunités et bons résultats. Cette année avec une équipe moins forte, ils seront toujours présents néanmoins avec cette même attitude.

    Tu as bien raison, on va essayer de regarder le plus de minutes et de matchs possibles pour ce beau spectacle hockeystique et surtout ne rater aucun match des 7 derniers matchs, des 8 derniers je dirais avec le match pour le bronze qui compte pas mal dans les esprits aux JOs. J’ai tellement hâte !

  2. Soit la RTS n’est pas parfaite, mais qui changerait contre France télévision ?

    Bien sur la NHL reste la référence mais pourquoi donc tant de de stars de la NHL ont débarqué en Suisse durant le lock out ?

    Nous sommes un tout petit pays mais la Bern Arena est la patinoire qui accueille le plus de spectateurs en moyenne en dehors de la NHL.

    Les championnats du monde sont la ligue B oui, absolument ; comme l’Europa League est la ligue B de la Champions League… Que dirait-on si un club suisse accédait à la finale de l’Europa League ???

    Bref nous avons l’un des championnat prépondérent sur la planète (la KHL c’est fonctionne avec l’argent des oligarches alors que les fans d’Ambri ont mis la main à la poche pour sauver leur équipe)…

    Que demande le peuple ? Les joueurs de NHl qui arrive ici sont hallucinés par le niveau et l’ambiance, mais il est est vrai que la RTS solde les retransmissions à Swisscom…

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