David J. Stern : les gros dossiers (4/4)

Après 30 ans à la tête de la NBA, autant dire une éternité, David J. Stern se retire et cède sa place à son bras droit, Adam Silver. CartonRouge.ch te propose de te souvenir de certaines facettes du pontificat Stern.

Tu t’en doutes certainement, quand on dirige une organisation comme la NBA sur une période aussi longue, on est forcément confronté à des dossiers marquants. Au cours de son «pontificat», David Stern aura vu défiler toutes sortes de dossiers chauds. On peut retenir deux constantes dans sa gestion de ceux-ci : fermeté face à ceux qui menacent la ligue et son image, et esprit d’ouverture lorsque les grandes questions de ce monde ont traversé le prisme du basketball professionnel. Exemples :

Magic et le HIV

On a évoqué précédemment l’importance que la rivalité Magic Johnson – Larry Bird a pu avoir pour la NBA. Alors quand, le 27 octobre 1991, David Stern reçoit un appel de l’agent de Magic, lui annonçant que la star des Lakers a été diagnostiquée porteur du virus HIV, le Commissionner va se retrouver sur une corde raide. Magic prend sa retraite et il va falloir gérer la situation.
Magic Johnson, atteint par le virus du sida et des docteurs qui lui donnent 3 ans à vivre. Nous sommes en 1991 et – évidemment – à cette époque, les connaissances en la matière, surtout dans le grand public, ne sont pas ce qu’elles sont aujourd’hui. A l’époque le sida fait très peur (ce qui me fait peur, perso, c’est qu’aujourd’hui, justement, il ne fait plus assez peur). David Stern, pas spécialiste en la matière, va commencer par étudier le sujet qu’il va devoir traiter. Il rencontre les plus grands spécialistes de l’époque afin de comprendre la maladie, son évolution, sa contagion. Et si, techniquement, Magic n’est plus un joueur NBA, il va rencontrer chaque semaine son agent pour s’enquérir de l’état du néo-retraité.
Stern, fort des connaissances amassées sur la maladie, va pouvoir retenir les sponsors, pour qui Magic, son sourire et sa personnalité solaire étaient des gages de retour sur investissement. Il va également se donner pour mission d’expliquer la maladie au public.

L’explication de Stern sera apparemment très convaincante, puisque les fans NBA votent massivement pour la présence de Magic au All-Star Game 1992. Le joueur est retraité. Il a passé les premiers mois de sa retraite à attendre que son état empire, puis, ses symptômes étant minimes, à s’ennuyer. Apprenant avoir obtenu 658’211 votes pour participer au match des étoiles, il contacte Stern et lui explique se sentir prêt à jouer. Des dents vont grincer.
Les dents qui grinceront le plus fort sont peut-être celles des autres joueurs conviés à l’événement, qui sont terrifiés à l’idée de jouer avec/contre un Magic malade. La réponse de Stern ne se fait pas attendre : il faut éduquer les joueurs. Des docteurs sont envoyés dans chaque équipe pour répondre à toutes leurs interrogations. Stern menace aussi d’ouvrir des actions en justice contre tout membre de la NBA qui discriminerait Magic. Ceux-ci pouvant déboucher sur des tests de dépistage au sein de toute la ligue, idée balayée tant par la NBA que par l’association des joueurs. Il est accepté qu’Earvin Johnson participe à ce match de prestige… Dont il sera nommé meilleur joueur. Stern et Magic se prennent dans les bras à la remise du trophée. D’après le Commissionner, le souvenir le plus chargé d’émotion de son règne.
Sur la lancée, Magic Johnson décide de conserver sa place dans l’effectif de l’équipe US qui fera le voyage aux Jeux Olympiques de Barcelone, LA Dream Team.
Encore une fois, des dents grinceront. Des responsables australiens allant jusqu’à évoquer un boycott de leur sélection. Certains joueurs déclareront volontiers se contenter d’une médaille de bronze, si le prix à payer pour l’or était de se retrouver sur le même parquet que Magic. Rebelote pour Stern, avec des explications, encore des explications, pour convaincre tout le monde qu’il n’y a rien à craindre.
Johnson admet volontiers devoir, non seulement sa médaille olympique, mais peut-être tout ce qui a suivi dans sa vie au Commissionner new-yorkais. Et la manière dont Stern a géré cette crise restera un exemple d’intelligence, d’ouverture et d’efficacité.

Malice at the Palace

19 novembre 2004. Palace of Auburn Hills. Les Detroit Pistons, champions en titre, reçoivent les Indiana Pacers, qu’ils avaient éliminés au cours d’une série de play-off chauffée à blanc en finales de conférence quelques mois plus tôt. Il reste moins d’une minute à jouer et l’issue du match est scellée, les Pacers mènent 97-82 et vont s’imposer au terme d’un match viril.
Puis, Ron Artest (aujourd’hui connu sous le nom de… Metta World Peace), personne instable s’il en est, va faire une grosse faute sur le pivot des Pistons Ben Wallace. Le début d’une succession d’événements qui va mener à la pire baston générale que la NBA ait connue.
Mark Montieth, qui couvrait les Pacers pour Indianapolis Star nous résume à la perfection cette situation et la manière dont elle a dégénérée :
«Si Artest ne fait pas faute sur Wallace, ça n’arrive pas. Si Wallace ne réagit pas de cette manière, ça n’arrive pas. Si les arbitres contrôlent la situation, ça n’arrive pas. Si Artest ne s’allonge pas sur la table des officiels, ça n’arrive pas. Si un fan ne lance pas sa bière sur Artest, ça n’arrive pas.»
Malheureusement, tout ça arrive et la situation devient vite dangereuse. Des joueurs qui se battent avec des fans, un envahissement du terrain, une sécurité qui fait de son mieux mais n’est pas préparée à faire face à ça, des chaises qui volent sur les joueurs quittant le terrain.
Voilà de quoi donner du grain à moudre à ceux qui considèrent que la NBA est un sport de gangsters noirs. Car oui, en 2004, la presse et le regard du public vont brutalement faire un bond de 20 ans en arrière. Un upper-cut géant envoyé à l’image de la ligue entière.
Stern va prendre des mesures drastiques suite à l’humiliation subie par la ligue. 9 joueurs seront suspendus sans salaire pour un total de 146 matchs (un peu moins de 10 millions de dollars en salaires). Puis le Commissionner va établir rapidement les trois grandes leçons à tirer de ce fiasco :
– Les joueurs n’ont rien à faire dans les tribunes, sous aucun prétexte
– Les supporters doivent être tenus responsables de leur comportement et ne peuvent pas tout se permettre sous prétexte qu’ils ont payé un billet
– Les procédures de sécurité et de contrôle de la foule doivent être revues

De grands changements au niveau, notamment, de la vente d’alcool dans les enceintes, de la surveillance du public et la séparation des fans et des joueurs doivent avoir lieu. La NBA a, certes, modifié ses règles à ses sujets, mais, rassurez-vous, pas de manière aussi stupide que ce qu’on voit en Europe avec le foot. La vente d’alcool n’est pas totalement interdite, il n’y a pas de grillages non plus entre fans et sportifs.
Cependant, le Commissionner n’oubliera pas de rappeler que deux des principaux éléments déclencheurs ne sont pas le fait de la personnalité même des joueurs impliqués. Premièrement, il s’attardera à expliquer que la NBA est probablement la ligue qui, au monde, offre les meilleurs conditions aux spectateurs, qui sont au plus près de l’action, ce qui – et l’occurrence est flagrante – peut être un facteur de risque. Secundo, la baston «joueurs – fans», démarre quand un fan blanc (interdit de stade de surcroît) lance sa boisson sur un joueur. N’excusant en aucun cas la réaction d’Artest et des autres qui l’ont suivi. Vrai, mais pas forcément très adroit de la part du boss de la ligue.
Des directives très strictes sont données aux arbitres. Aujourd’hui les «doubles fautes techniques», synonymes d’exclusion immédiate du joueur sanctionné pleuvent au moindre signe d’échauffement. Il est désormais passible de lourdes sanctions, pour un joueur ou un membre du staff, de quitter le banc, quelle que soit la raison.
Les Pacers, sérieux prétendants au titre, verront leurs aspirations douchées par les suspensions et les fans quitter l’enceinte. Ils sont de retour depuis 2 ans, sous l’impulsion de Paul George et Roy Hibbert, mais il aura fallu 7 ans à l’organisation pour s’en remettre.
La ligue s’est aujourd’hui remise, à la faveur des mesures prises par Stern, et, admettons-le, grâce aussi à l’eau qui a coulé sous les ponts depuis.

Ainsi s’achève cette rétrospective des 30 ans de David Stern à la tête de la NBA, qu’il quitte après l’avoir développé sportivement et économiquement, mais aussi après l’avoir brillamment menée lors des tempêtes rencontrées et en faisant, indiscutablement, l’un des spectacles sportifs les plus passionnants et spectaculaires au monde. Merci Mr. Commissionner !

Écrit par Arnaud Antonin

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