Une saison pas trop sale malgré la tache finale

Contrairement à Martina Hingis en son temps, le LHC n’a pas pu s’associer à Zug pour rallier la finale. Bien au contraire, les Vaudois ont été proprement essorés par une véritable machine à gagner (oui, je suis le 725e à faire cette blague et on en avait déjà une sacrée collection quand Ajax a lavé le Real dans ce sport obscur qu’est le football, mais comment résister ?). Il est maintenant l’heure de tirer un bilan d’une saison qui, somme toute, a répondu à ce que l’on pouvait attendre d’une équipe qui jouait encore à se faire peur en LNB il y a 6 ans, quand on comprenait encore la nomenclature de Swiss Hockey, que la vie des supporters ajoulots et chaux-de-fonniers avait un sens et que les Bioulois avaient une carte de fidélité en playouts (*soupir*). Une équipe qui aspire à la Gagne, la vraie, dans un futur pas trop lointain (on espère). Passage en revue des troupes après 62 sorties patins aux pieds.

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Les Edmonton Oilers ont leur McJesus, le Lausanne Hockey Club a son DJ, une divinité à part entière, qui est à la défaite ce que Sandy Jeannin est à la concordance des temps. Le seul, l’unique, le mirifique Dustin Jeffrey. Il suffit que le numéro 15 touche le puck pour que tout un stade guérisse de la grippe finlandaise préconisée par Ville Peltonen et diagnostiquée par l’intelligentsia québécoise de notre coin de pays, ce brave Steve Huard et sa syntaxe en tête, effrayés qu’ils sont que leur fameux neutral zone trap prenne définitivement froid. Comme quoi le casque jaune est plus efficace que le gilet en termes de changement social en Suisse romande. On espère que le directoire de Malley a toujours le numéro du Père Noël du Flon, histoire de renouveler le bail du centre canadien au plus vite et si possible à vie. Pour ceux qui auraient raté cet immense moment de solitude digne des meilleures heures de Michael Scott dans The Office (et tous les autres, le sentiment de malaise absolu ne vous quittera pas au 50e visionnement), vous pouvez le (re)voir ici : https://www.swisshabs.ch/le-pere-noel-offre-un-beau-cadeau-aux-fans-lausannois-sous-forme-de-dustin-jeffrey

La seule chose qui restera alors à faire sera de lui ériger une statue devant la Vaudoise Aréna, probablement juste à côté de celle de Cristobal Huet et de la reproduction en marbre du bon de sortie de Sandro Zangger.

Le futur de Dustin Jeffrey semble plus dégagé que celui de Sandro Zangger.

Les satisfactions

Les renforts (des vrais cette fois). Christoph Bertschy, Joël Vermin (OK, il était déjà là, mais on l’a mieux vu cette fois) et Ronalds Kenins ont fait le job, même si les deux premiers ont été trop souvent sur courant alternatif, surtout quand leur DJ décidait de tirer la prise, comme lors de la série face à Zoug. Le Letton à licence suisse, pour sa part, a d’abord largement confirmé sa réputation de fair weather player en début de saison régulière en suivant avec ses performances individuelles la même courbe que celles, en dents de scie, de son club. Il a par la suite montré que ses trois poumons, son coup de patin et sa hargne pouvaient faire de lui un joueur de playoffs, comme il l’avait déjà prouvé au Ballet Béjart aux ZSC Lions. On fermera les yeux sur son naufrage lors de la dernière rencontre à la Bossard Arena.

Les goalies. Luca Boltshauser aurait clairement été le numéro un s’il n’avait pas été en sucre. Sa blessure est devenue le coup de l’année puisqu’elle a simultanément fait passer Sandro Zurkirchen pour un excellent gardien et convaincu les sceptiques qu’on avait quand même besoin de Tobias Stephan après tout. Reste à savoir si la rumeur qui envoie Zurkirchen remplacer l’étoile de mer scandinave de Davos est fondée, quelle partie du corps de Boltshauser lâchera la saison prochaine et si Zoug avait bien évalué la date de péremption de Stephan.

Robin Leone. On attendait absolument rien de ce joueur et il a montré qu’il avait la trempe d’un membre des deux premiers trios d’attaque. Bravo. Même pas une vanne à faire.

Les départs. La vente de Sandro Zangger au club tessinois dont le dernier titre de champion n’a bientôt plus de témoins oculaires qui ne soient pas pensionnaires d’un EMS et dont le qualificatif Grande est devenu une pièce de musée est probablement le meilleur move du LHC depuis la retraite d’Olivier Keller. Dans le même ordre d’idées, on peut imaginer le soupir de soulagement de Jan Alston lorsqu’il a vérifié que le contrat de Petteri Lindbohm ne portait bien que sur un an. On rappelle que le défenseur défensif et peu réactif finlandais avait débarqué dans la capitale olympique dans l’espoir de décrocher un deal en NHL la saison prochaine. On espère pour lui que la Ligue Magnus avait envoyé des scouts à Malley 2.0, sinon il ne lui restera plus qu’à aller encadrer les jeunes du HC Sierrvette en Swiss League.

DJ à l’époque où Sidney Crosby et Evgeni Malkin lui servaient de faire-valoir.

Les chèvres et autres buses

La DJ dépendance (encore plus que la cocaïne ou une bonne copine d’après certains membres de la Section Ouest). C’est bien simple, notre génie du son a été absent de la playlist 10 fois, et c’est presque toujours la même ritournelle quand il manque à l’appel : 2 victoires, 8 défaites, 15 buts marqués pour 29 encaissés. Il est donc grand temps d’engager au minimum deux autres étrangers dominants pour épauler la star ontarienne, notamment au centre, histoire de gagner au moins un engagement toutes les deux semaines et de pouvoir porter la rondelle en zone offensive en cas d’absence prolongée de l’ancien joueur de Pittsburgh, Dallas et Arizona en NHL. Cory Emmerton fera très bien l’affaire comme intermittent des tribunes oscillant entre les rôles de quatrième et cinquième étranger, mais il faudra trouver (beaucoup) mieux que le très limité Mika Partanen ou le fortement inutile Torrey Mitchell (que vous aviez déjà tous oublié, n’est-ce pas ?) pour jouer les pompiers de service.

Jonas “2CV” Junland. En parlant d’éléments importés de qualité, le cas du suédois barbu est en train de devenir sérieusement rasoir pour tous ses détracteurs (et ils sont bientôt aussi nombreux que les restes de repas coincés dans la pilosité du numéro 45 lausannois). Il fait illusion en saison régulière si on lui laisse une liberté totale (c’est-à-dire ne pas défendre, ne jamais tenter un slapshot, éviter tout contact physique avec l’adversaire et mettre le power play lausannois sur orbite en prenant tout le monde de lenteur), mais celui qui est au patinage de vitesse ce qu’un planeur en bout de course est à l’aviation civile est plus qu’un poil court en ce qui concerne les séries finales au cours desquelles l’intensité est reine. Et comme il semble intouchable aux yeux de son entraîneur (ou est-ce aux yeux de ceux qui paient son salaire que l’on dit mirobolant ?), la saison 2019/20, dernière année de son contrat avec le LHC, risque d’être longue. Pour nous et pour Lukas Frick, le seul défenseur qui semble avoir joué au niveau attendu cette année.

Le capitaine. A l’image de Florian Conz à la fin de sa carrière, un capitaine en quatrième ligne, ça fait un peu chenit. Étienne Froidevaux devrait donc logiquement céder son “C” à un joueur qui fait plus que trois shifts par match. Le hic, c’est que les deux “A ” (assistants, ou alternate captains en anglais, ce qui est un peu plus parlant) sont Joël Genazzi dont les derniers tirs sont toujours en orbite autour de la lune au moment où nous écrivons ces lignes et… Jonas Junland. Aïe. Comme on a encore très peu parlé de Jeffrey dans cet article et qu’il a également porté le “A” en l’absence du sprinter de Linköping, on se permet de le suggérer, à tout hasard.

Le coach. Ou plutôt son inflexibilité absolue. Ville Peltonen a le mérite d’avoir redonné un cadre à ses ouailles qui en avaient bien besoin après le chaos tactique laissé par Dan Ratushny et Yves Sarault et par là même soudé le vestiaire autour de lui et de son sacro-saint système. Par contre, quand on a pris un 7-0 partiel en deux matches et qu’on est mené 4-0 dans le suivant, franchement, une touche de fantaisie ne ferait pas de mal. Espérons que les patins vaudois auront tout de même une option marche avant en septembre prochain.

Le Dieu Jeffrey au AHL All Star Game en 2010.

Les inconnues

Le club de la capitale vaudoise a définitivement adopté la stratégie du savoureux Chris McSorbet au niveau des joueurs étrangers à licence suisse. Cody Almond, Josh Jooris (qui peuvent tous deux jouer au centre et à l’aile) et Victor Oejdemark viendront s’ajouter à Tyler “Ivy League” Moy, diplômé de Harvard et hockeyeur à ses heures perdues. Reste à savoir s’ils seront plutôt du niveau du dernier nommé avant de resigner pour deux ans (10 matches, 8 points) ou après (32 matches, 11 points et quelques couacs). Les plus expérimentés d’entre nous se souviendront, l’œil humide, d’un certain Niko Mikkola qui avait plus scoré en un match que dans le reste de sa carrière lorsqu’il s’était agi de prolonger son entente lausannoise de deux… mois.

Le mental. Oui, vous savez, ce truc assez utile en fin de saison qui fait défaut au LHC depuis 1922. La rédaction vous invite à visiter les archives 2008-2011 de Carton-Rouge à l’aide des sinistres mots-clés “La Chaux-de-Fonds”, “Bienne” et “Viège” (notamment) pour vous en convaincre. Même s’il y a du mieux dans le domaine, on se serait bien passé (et Dustin Jeffrey aussi !) d’une tremblote toute Zurkirchenesque au moment d’expédier Langnau en 5 matches histoire d’affronter la Ferrari zougoise avec autre chose que le réservoir d’essence d’une Smart.

La Champions Hockey League. Allons donc, vous pensiez que j’étais capable de conclure un article sans mentionner le Saint des saints des compétitions internationales, le Cantique des cantiques des grands messes européennes, le Yom Kippour du hockey mondial ? Les néophytes romands auront peut-être un peu plus de mal à enchaîner que lors d’une saison normale après des déplacements à Liberec, Lahti ou Luleå en milieu de semaine. Dans cette optique, l’engagement de cinq étrangers dès le début de la saison et une profondeur de banc supérieure à celle de cette année seront probablement des éléments aussi essentiels que la présence de Tim Traber sur la glace lorsque son équipe est menée de cinq longueurs.

Vainqueur de la Calder Cup en 2014 avec les Texas Stars, le futur homme providentiel de Malley affinait déjà sa Culture de la Gagne.

Il s’agira donc de trouver une alchimie entre ces trois catégories (et le Dieu Jeffrey), en faisant si possible pencher la balance très largement en faveur de la première, histoire de confirmer cette saison qui restera quoi qu’il arrive historique par au minimum une qualification pour les playoffs, même si les fans des Lions – votre serviteur le premier – et leur patience proverbiale se voient déjà en finale des trois compétitions disputées. Si vous avez besoin de calmer un peu votre euphorie pendant l’été, remémorez-vous simplement cette phrase de Mika Partanen, aussi réaliste devant le but que dans ses propos, relayée par nos confrères du 24 Heures à son arrivée : “Je suis venu chercher un titre”. Il paraît que Christian Dubé dit la même chose chaque année du côté de Fribourg.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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