Le Chemin de Traber

Comme c’est bientôt Noël, Carton-Rouge a décidé de vous offrir le plus beau des présents en réhabilitant un homme qui n’a jamais reçu le crédit qu’il mérite : Tim Traber. Nous vous soumettons donc 7 raisons qui font du fer de lance de la 5e ligne lausannoise un héros des temps modernes. Sept, comme le nombre de portes du calendrier de l’Avent qu’il vous reste à ouvrir avant l’apothéose chère à Renaud, la grande bouffe et les p’tits cadeaux.

« Honnêtement, depuis longtemps j’ai arrêté d’écouter ou de lire ce qui se raconte sur moi. Si j’avais continué, je serais moralement détruit. »

Tim Traber dans les colonnes du 24 Heures, 21 janvier 2019.

1. L’explorateur de la Toile, cet Indiana Jones virtuel du troisième millénaire qui ne recule devant rien, même l’entrée des mots-clés « Tim Traber » dans son moteur de recherche favori, risque d’être un peu déçu. En effet, le spécialiste de la coupe minutieuse de zestes sur le banc lausannois n’a droit qu’à une page Wikipédia en allemand en guise de biographie la plus fournie. Si son employeur cultive la Gagne (à peu près un match sur deux, voire nettement moins ces temps), c’est son humilité que le 13e attaquant dont tout coach rêve est forcé de développer. Nous y reviendrons.

2. Cette fameuse page VikRRRipedia nous apprend très rapidement que l’ailier de 188 cm est né de parents suisses (le genre d’info qui fait tout de suite se dresser certaines oreilles ontariennes à Genève en général) il y a bientôt 27 ans à… Quesnel, en Colombie-Britannique. Un départ dans la vie pas forcément facile à porter.

Observer-Réfléchir-Agir (ORA). Tim Traber est passé maître dans deux des trois phases d’une opération de premiers secours.

3. Après avoir écumé les ligues junior et (très) mineures (mentions spéciales pour les Cariboo Cougars et les Quesnel Millionaires) jusqu’en 2014, notre ami Tim a cédé aux sirènes de la pointe sud-ouest du Lac Léman, dans le pays de ses géniteurs. Jusque-là, pas de quoi fouetter un Aigle (quoique). C’est en 2018 que tout s’accélère et que notre ancien locataire habituel des bancs d’infamie de Western Hockey League fait ce que seuls les plus grands peuvent se permettre de faire en toute impunité : passer à l’ennemi juré. Jaromir Jagr (Pittsburgh, Washington, New York, Philadelphie, Boston, New Jersey, rien que ça en termes de rivaux) ou encore Jason Spezza (Ottawa, Toronto) en sont d’excellents exemples récents. On se souvient également de Hnat Domenichelli qui avait passé 5 saisons à Ambrì avant d’être transféré à Lugano où il allait passer les 6 années suivantes et dont il est l’actuel directeur sportif (certains de ses ex-joueurs sont à ramasser à la petite cuillère). Dans un sport plus populaire bien que moins cérébral, on citera Ronaldo (le gros l’original) à Barcelone et au Real ainsi qu’à l’Inter et à l’AC Milan, Zlatan Ibrahimovic (Juventus, Inter, Milan – son ego couvrait la superficie de l’Italie à l’époque), Luis Figo et Luis Enrique (du Barça au Real pour le premier, l’inverse pour le second) entre (énormément d’)autres fieffés kroumirs. L’Histoire retiendra désormais le passage remarqué de Tim Traber des Allobroges du GSHC aux Helvètes du LHC.

Traber sur le plateau de « Danse avec les starlettes luganaises ».

4. Au Lausanne Hockey Club, ce sont de multiples casquettes que le Canado-Suisse accepte avec son salaire que l’on dit mirobolant. En plus de ses rôles habituels de testeur de glace pour ses coéquipiers en débuts de périodes et d’ouvreur-videur à la bande, notre recrue dévouée est aussi community manager (plus qu’)occasionnel du compte Instagram du club vaudois. Entre descente d’avion en mode selfie à Minsk, bataille de boules de neige à Davos, jonglage dans les entrailles de la Vaudoise aréna et autres vidéos d’influenceuses depuis le carré VIP (ah non, ça c’est quand même pas lui), le boute-en-train de Malley fait tout ce qu’il peut pour vendre la marque prilléranne sur le marché international et faire en sorte que rien n’aille de Traber dans les coulisses de son nouveau Tim. Il ne lui manque que les interminables monologues de Séraphin Lampion pour être engagé aux Assurances Mondass. On se contentera de la Vaudoise pour le moment.

« TRABER LA FRAPPE! » Probablement à une époque où David Lemos commentait encore le hockey sur TVRL.

5. Tim Traber est le prototype de ce que les anglophones appellent unsung hero ou also ran. Un mec dont on ne chante pas les louanges, qui a participé à la course, mais qui a échappé aux caméras. Un type qu’on envoie sur la glace uniquement en cas de multiples blessures en attaque, de baston générale ou de fin de partie revancharde dans une rencontre perdue depuis longtemps, mais qui fait son job sans broncher (et sans que grand monde n’y prête une quelconque attention). Même quand ledit job consiste à en faire autant qu’un soldat d’aide à la conduite à la Protection Civile assigné à la surveillance d’une barrière lors d’une manifestation sportive. Thomas Wiesel l’a tweeté, Tim Traber l’a fait. Chapeau.

Daniel Brodin entend sonner les cloches de la messe de Noël avant l’heure.

Ce travail est d’autant plus louable qu’il est accompli au sein d’une équipe qui empile les stars (en tout cas sur le papier) comme Alain Finkielkraut empile les envolées réactionnaires en pensant rarement à l’utilité de gratteurs tels que Benjamin Antonietti ou Etienne Froidevaux. A tort (et à Traber) probablement.

6. Figurez-vous que notre enforcer préféré doit même lutter contre sa propre organisation dans sa tâche ô combien ingrate. Quand il se lance dans un pugilat salvateur pour secouer un tant soit peu ses coéquipiers en perdition, on le suspend immédiatement à l’interne pour la partie suivante, par habitude. Grandiose.

La branlée que Berne aurait prise si Tim « Die Hard » Traber, le John McClane du district régional de Cariboo, n’avait pas été la mauvaise personne au mauvais endroit au mauvais moment.

7. Au moment de placer la touche finale, l’étoile au sommet de notre sapin de Noël trabesque, on pensera également à l’opportunisme absolu de notre numéro 12, l’homme au plus haut ratio de points marqués (18) et surtout de minutes de pénalités (345) par rapport à son temps de jeu effectif en Championnat de Suisse (entre 0 et 4 minutes par match à vue de nez). On sait que le désormais tristement célèbre +/- a été largement discrédité au profit du Corsi et autre PDO récemment, mais on ne peut s’empêcher de citer celui de notre muse du jour : -21. On se demande comment c’est possible, dans un sens ou dans l’autre, en jouant aussi peu et mon dieu surtout pas à 6 contre 5 avec le cadeau bonus des buts dans la cage vide.

Sa 200e apparition sans un seul shift…

On se souvient, l’oeil humide, des 10 minutes de cachot sanctionnant une intervention après la sirène finale dans un duel de playoffs face à Langnau dans lequel Peltonen lui avait accordé une première présence à la 59ème minute. Réussir à être crédité de plus de 200 matches en ligue nationale (pardon, en ligueS nationaleS) en touchant aussi rarement la surface glacée, c’est une performance de haut vol que beaucoup de joueurs à travers le monde doivent lui envier. Pour se féliciter d’avoir résisté à cette ultime opportunité de jeu de mots de bas étage, on va aller s’en jeter un dans l’un des 15 marchés de Noël inoubliables selon un journaliste du Figaro (clairement sous l’emprise du vin chaud), tiens. Peut-être qu’on y croisera Tim, histoire de lui payer un godet pour l’ensemble de son œuvre. Et comme on se sent inclusifs en cette fin d’année à la rédac’, on vous souhaite un Bô Noël à toutes et à tous, chères lectrices et chers lecteurs !

 

Crédits photographiques :
Observer-Réfléchir-Agir (ORA). Tim Traber est passé maître dans deux des trois phases d’une opération de premiers secours : Shev123/CC0/Wikimedia Commons https://commons.m.wikimedia.org/wiki/User:Shev123
Traber sur le plateau de « Danse avec les starlettes luganaises » : Fabien Perissinotto/CC-BY-SA/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Ice_Hockey_by_Fabienp
« TRABER LA FRAPPE! » Probablement à une époque où David Lemos commentait encore le hockey sur TVRL. : Fabien Perissinotto/CC-BY-SA/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Ice_Hockey_by_Fabienp

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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