L’instant qui trique: Break Point (1/2)

Les 10 épisodes de la première saison de Break Point, nouveau blockbuster sportif à la sauce Netflix, sont enfin tous dans la boîte ! Il paraît qu’on a affaire au même format que Drive to Survive. On ne saurait vous le confirmer puisqu’on a atteint un état de sommeil profond accompagné de ronflements dignes d’un moteur V6 avant la fin du premier quart d’heure de ce machin tout aussi soporifique que le sport qu’il a apparemment popularisé auprès des 16-35 ans. Le temps d’attention de ces malheureux se porte apparemment bien mieux que ce qu’on veut nous faire croire s’ils ont résisté à ça. Comme de toute évidence on ne fera donc pas de comparaison entre Break Point et son prédécesseur dédié à la F1, on a décidé de le décortiquer en deux parties à travers certains de ses personnages les plus savoureux. En utilisant la même méthode que Netflix pour faire nos choix: une cuillère à soupe de paresse narrative, une noisette de méconnaissance du sujet pour faire bon poids et le reste au doigt mouillé (le tout étant mesuré à la louche).

Ah ! On en oubliait presque l’ingrédient principal: pas même une pincée de suite dans les idées (il devait y avoir au moins un consultant sédunois sur place). C’est parti !

! AVERTISSEMENT ! Cet article contient des SPOILERS et est affreusement long (mais ça c’est un autre problème).

Costeen Hatzi

Treize minutes et on est déjà pas loin du premier AVC. Et il ne lui a pas encore expliqué comment on compte les points dans un jeu…

« Je n’ai jamais vraiment regardé de match de tennis dans ma vie. » Oui, c’est la première réplique de l’influenceuse et décoratrice d’intérieur qui sort avec Nick Kyrgios depuis deux mois et demi au moment du tournage du premier épisode en janvier 2022 à Melbourne. Quelle aubaine pour Netflix ! Costeen, en plus de parfaitement représenter son public cible (non, pas les décoratrices d’intérieur, les jeunes qui ne connaissent rien au tennis pardi) va pouvoir expliquer les règles de ce sport aux béotiens que nous sommes ! Et pas les trucs faciles comme les tableaux, les éliminations et le prize money, ça c’est le job de la journaliste californienne Courtney Nguyen. Non, Costeen s’attaque à la façon de compter les points, ce truc qui ne peut avoir été inventé que par des Anglais ivres morts au vu de sa logique implacable.

Caméo formidable d’Henri Laaksonen pour illustrer la notion de défaite: « Si tu ne gagnes pas de matches, tu ne gagnes pas d’argent. » Non, n’essayez pas de frotter votre écran, c’est le nôtre qui est crade.

Etonnamment, personne ne lui a demandé son avis sur les allégations de violence conjugale émanant d’une de ses ex- auxquelles son amoureux a dû faire face en plein Wimbledon. Bizarre.

Nick Kyrgios

Putain Nick, on avait dit quoi pour le quatrième mur ?

« Ce sera son premier tournoi depuis l’US Open 2021 », nous explique son manager quatre mois plus tard dans l’épisode consacré à la tournée australienne 2022 de son poulain. « C’est un joueur de tennis à temps partiel », renchérit Andy Roddick, consultant de luxe de la série (et fort pertinent par ailleurs). Qui aurait imaginé que ces deux phrases d’introduction allaient résumer la saison 2023 de Nick Kyrgios bien plus que ses exploits en double à Melbourne ou sa finale de Wimbledon l’année précédente qui en font d’ailleurs l’une des stars de cette saison 1 ? Bon, d’accord, à peu près tout le monde. Sauf lui apparemment. Ses derniers mots en fin de dixième et dernier épisode ? « Je viens d’ajouter un immense point d’interrogation à 2023, tenez-vous bien ! » Comment vous dire… ça fait 6 mois que l’année tennistique a commencé et notre ami Nick s’est fait l’auteur en tout et pour tout d’une défaite et d’un abandon, tous deux en… juin. Dans ces conditions, l’immense point d’interrogation est vite répondu, comme dirait quelqu’un que les moins de trois ans ne peuvent pas connaître.

Même quand Nick joue comme un pied, son adversaire boit le calice jusqu’à la lie.

Thanasi Kokkinakis

Vous vous souvenez certainement de celui qui avait été l’objet d’une vanne douteuse en plein match de Stan Wawrinka en 2015. Petit rappel si vous découvrez le tennis grâce à Netflix en 2023: la rencontre montréalaise entre Kyrgios et Wawrinka avait tourné au vinaigre quand les micros de la télévision avaient capté un joli (et tellement gratuit) « Kokkinakis banged your girlfriend. Sorry to tell you that, mate. » Ladite girlfriend était Donna Vekic, 19 ans à l’époque, Stan était numéro 5 mondial et Roger Federer avait encore quatre trois et 8-7 40-15 Grands Chelems à gagner. Une autre époque. Bref, tout ça pour vous dire que 7 ans plus tard, les blagues salaces c’est toujours son truc à l’étrangement bien surnommé « The Kokk »:

Eh oui, le tennis se joue aussi en double, même si on n’en entendra pas beaucoup parler au cours de cette saison 1.

Félix Auger-Aliassime, Matteo Berrettini et Maria Sakkari

Novaxx Djocovid s’est fait refouler à l’immigration, Rafael Nadal joue sur une jambe depuis des mois, Serena Williams, Ashleigh Barty et Roger Federer sont en préretraite, c’est le moment pour les jeunes loups d’empiler les grands titres ! Euh… ah non.

Les responsables du casting ont touché le gros lot sur ce coup. Quiconque tenterait de prendre le train tennistique en marche en cours de saison 2023 après visionnement du documentaire aurait probablement eu plus de chances de localiser le sous-marin Titan dans le temps imparti pour sauver les milliardaires à son bord que d’apercevoir l’un de ces trois-là en deuxième semaine de Grand Chelem. En l’espace d’une saison Netflix, FAA (4 défaites au premier tour et une seule demi-finale en 11 tournois cette année) est passé de tête d’affiche à Roland-Garros à participant lambda au tournoi de Gstaad cet été. C’est vous dire l’ampleur de la chute du Canadien. Un peu plus et il s’engageait comme sparring partner au tournoi féminin de Vidy.

Et ce n’est rien à côté de ce qui est arrivé à Berrettini, entre un forfait avant son premier tour à Wimbledon après avoir contracté le covid alors qu’il avait les points d’une finale à défendre, de multiples blessures, le quasi-quintuplement de son matricule ATP et la rupture avec sa copine Ajla Tomljanovic depuis le tournage des 5 premiers épisodes. On l’y reprendra à signer des contrats juteux avec des plateformes de streaming. Et dire qu’il battait Carlos Alcaraz en 5 sets dans l’épisode 2 dont on pourrait croire qu’il a été tourné au siècle dernier…

En exclusivité mondiale, les premiers indices sur les raisons de la rupture entre Tomljanovic et Berrettini.

Et Maria Sakkari, vous savez qui c’est ? Exactement. Et pourtant c’était bien parti puisque Netflix avait insisté d’emblée sur le pilier principal de son entraînement (ingurgiter des litres de café) et la dimension comique de son personnage (« J’ai pris ma retraite pendant quatre jours » après une défaite mortifiante à Roland-Garros en 2021). La Grecque avait d’ailleurs même atteint la finale d’Indian Wells dans l’épisode qui lui était partiellement consacré (n’est pas Kyrgios qui veut, on ne dédie pas des chapitres entiers à n’importe qui dans cette série). Depuis ? Zéro titre, deux finales en 15 mois et une maigre collection de deux troisièmes tours, deux deuxièmes tours et un premier tour dans les tournois majeurs. Et pourtant elle n’a perdu que deux rangs (WTA 8) par rapport à celui qu’elle occupait au moment de son apparition dans le troisième épisode. Notre niveau (incroyablement) standard en mathématiques nous empêche de vous expliquer cette anomalie. On croit par contre avoir localisé un facteur aggravant en termes de communication avec son staff. Selon son coach, « si elle commence à paniquer, je suis la personne sur laquelle elle va concentrer sa frustration. Je ne parle pas grec, mais elle va commencer à me parler grec. » Pratique…

Même avec ce genre de dose, on ne pense pas être capable de regarder Drive to Survive. Ne nous parlez même pas de Full Swing et Tour de France: Unchained.

Ajla Tomljanovic

L’Australienne d’origine croate élevée aux Etats-Unis, qui avait été « castée » principalement en tant que petite amie de Matteo Berrettini et cousine de la petite amie de Félix Auger-Aliassime (voilà qui ne s’invente pas) à l’origine, a fini par complètement leur voler la vedette. Ouch. Ajla c’est ce patineur de vitesse un peu lent (un de ses compatriotes d’ailleurs) qui finit par devenir champion olympique après une chute collective, et ce malgré une claque subie d’entrée d’épisode 2 au premier tour de l’Open d’Australie face à Paula Badosa (4-6 0-6). On apprend toutefois assez vite que la native de Zagreb a également été engagée pour ses talents de philosophe de comptoir. Oui, figurez-vous qu’elle nous apprend que le tennis est particulièrement brutal car soit on gagne le tournoi, soit on perd chaque semaine. Même Maria Sharapova, autre consultante de première classe, vient à son secours en ajoutant qu’au tennis, « on perd bien plus qu’on ne gagne ». Euh mais c’est surtout factuellement complètement faux, non ? Un petit coup d’oeil au ratio victoires-défaites en carrière des différents protagonistes suffit: 64% de victoires pour Kyrgios, 60 pour FAA, 61 pour Sakkari, 65 pour Berrettini, 57 pour Tomljanovic. Bon OK, seulement 43% de réussite pour Kokkinakis alors que le pauvre Laaksonen en est à 40% avec un superbe 16% en double. Et l’auteure de cette dernière citation ? Oh un minable 79% de victoires et 36 titres dont 5 du Grand Chelem et un Masters. Un petit stage à la Vaudoise aréna cet automne semble s’imposer, histoire de vérifier qu’il y a d’autres sports dans lesquels on peut perdre plus d’une fois par semaine si on y met un peu du sien…

Ajla est vexée mais réaliste. Papa lui rappellera par ailleurs qu’on ne peut pas virer quelqu’un qu’on ne paie pas.

Après sa rupture avec le beau Matteo (sa nouvelle pote Chris Evert pense comme nous, ceci ne peut être une coïncidence), Ajla se met soudain à gagner. Tellement soudainement que même son père, en charge de la logistique, n’y croyait pas. Le voilà donc sur Booking dès la sortie du court gagnante de sa fille au troisième tour de Wimbledon, histoire de lui trouver un autre hôtel puisqu’il n’avait pas planifié un aussi long séjour dans le sud-ouest londonien…

Ajustement tactique important maintenant que la qualification pour les quarts est dans le Cornet.

« Il n’y a rien de mieux qu’un Grand Chelem à New York », nous explique Ajla dès son arrivée dans la fameuse pomme de taille passablement élevée. On ne sait pas si c’est parce que Netflix lui a fait lire cette phrase dans l’euphorie du moment où elle a mis fin à la carrière de Serena Williams ou si elle était encore vexée d’avoir pris une branlée face à Elena Rybakina à Wimbledon, mais vous verrez, cette thématique du GOAT des tournois va rapidement devenir l’un des principaux ressorts comiques (de répétition) de la série. Le temps de remercier son pote Auger-Aliassime « et ses trois autres supporters » via FaceTime, et on est parti pour la quatrième et dernière levée du Grand Chelem. Si Ajla Tomljanovic n’avait que son autodérision et trois supporters au début de la série, il y a fort à parier que l’éviction précoce des deux candidats qui justifiaient sa présence au départ (et celle plus tardive de l’auto-proclamée grande dame du tennis, quel régal) lui ont garanti un totem d’immunité pour la prochaine saison. C’était notre première vanne de téléréalité, soyez indulgents (et soyez assurés qu’à la fin, il ne restera qu’elle).

Euh ou pas… Figurez-vous qu’Ajla Tomljanovic s’est blessée au genou en décembre et n’a pas rejoué depuis. Elle a d’ores et déjà déclaré forfait pour Wimbledon qui débute le 3 juillet. Non, franchement, on se réjouit de l’épisode de 50 minutes qui résumera sa saison 2023 en direct de la cafétéria d’un hôpital des antipodes.

Le public cible du nouveau docu de Netflix est vraiment partout !

Taylor Fritz

« C’est dur d’être heureux en tennis car chaque semaine tout le monde perd. Sauf une personne. Vous vous habituez à perdre. » Bon, là ça y est, on est dans une vidéo de promotion de l’abonnement saison au Lausanne Hockey Club. Nous sommes à Indian Wells, « probablement le meilleur tournoi du circuit », selon Roddick. Mieux que l’US Open donc ? Quoi qu’il en soit, le jeune Taylor, pas encore riche, joue sa première finale en Masters 1000 dans un tournoi auquel il avait l’habitude d’assister enfant. Contre le monstre Rafa Nadal, vainqueur de 20 matches consécutifs dont l’Open d’Australie et icône du circuit s’il en est. Fritz est tellement impressionné qu’il se tord la cheville à l’entraînement et en fait des caisses en couvrant tout le champ lexical de la douleur infinie sur la table de massage, les caméras de Netflix (et un médecin) à son chevet. Le toubib lui annonce dans le plus grand des calmes qu’il pourrait avoir une petite fracture (euh les gars, on peut pas faire de radios pour vérifier ça dans le désert californien ?) et qu’il pourrait faire une injection d’anti-douleurs et jouer quand même, au risque d’aggraver la blessure. Son clan dans son ensemble lui intime l’ordre de ne pas jouer. Logiquement, TF se présente donc sur le court. Contre toute attente, notre grabataire l’emporte en 2 sets, quelle belle histoire ! Ouais, ce serait vraiment joli si c’était tout à fait vrai… Certes, on mentionne rapidement un souci podal pour l’Espagnol (un os qui se nécrose c’est quand même un chouïa sérieux) et on passe complètement sur le fait que l’histoire principale de cette finale dans la vraie vie était le fait que l’Effroyable Hulk de Manacor (au pied) était en fait largement diminué par des problèmes respiratoires. Mais bon, c’était la fin de l’épisode, on n’avait pas le temps.

Le transport spécial pour handicapés vers le central.

Comme Netflix est vraiment sympa (et un brin chauvin), seule une poignée de secondes sera accordée à l’Acte II entre Fritz et un Nadal au seuil de la mort à Wimbledon, s’achevant sur une défaite de l’Américain dont la magnitude s’élève à 8,5 sur l’échelle de Wimbledon 2019 en termes d’humiliation. Tant mieux pour lui et surtout pour nous. On n’avait aucune envie de revivre ça.

Sur ce traumatisme évité de justesse, on vous donne rendez-vous dans quelques jours pour la deuxième partie (oui, se taper 10x 50 minutes ça peut vite prendre une plombe, un peu de patience) !

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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