Des hauts et des bas

Retour sur une saison lors de laquelle les Genevois auront à peu près tout connu. Carton Rouge dresse le bilan de l’exercice.

Étrange saison pour Genève-Servette. Un départ supersonique permettait de pointer à la deuxième place début novembre. Suivait la désormais traditionnelle débâcle saisonnière (8 défaites en 9 matches, merci Fribourg) qui rapprochait dangereusement les Grenat de la barre. Tout cela pour terminer par une fin de championnat de milieu de tableau qui leur permettait d’assurer leur place dans les huit. Quant à la série contre Berne, si elle pouvait apparaître décevante sur le moment, on se dit en remettant les choses en perspective que ce n’était finalement pas si mal face à un adversaire redoutable, notamment chez lui. Ainsi, les Aigles sont tout de même responsables de deux-tiers des 9 buts que les Nounours auront généreusement laissés en leur fosse à leurs divers adversaires. Au final, la saison semble bel et bien conforme au standing de l’équipe.
Le problème est que le GSHC semble plafonner dans ce ventre mou. Que faut-il faire pour passer à l’étape supérieure ? Certains suggèrent véhémentement que l’entraîneur Chris McSorley a fait son temps. Peut-être, mais on ne voit pas vraiment quel entraîneur obtient de meilleurs résultats avec les mêmes moyens. Et de toute façon, le boss étant présent à tous les échelons du club, ses opposants ont peu d’espoir.


Un départ supersonique

Si l’on se concentre alors sur l’équipe, le principal point faible fut la défense. Trop d’erreurs et une furieuse tendance à laisser les adversaires se promener à leur guise dans le slot. Avec un gardien qui laisse des rebonds, c’est quasiment rédhibitoire. L’arrivée de Martin Höhener, quoique bienvenue, ne devrait pas révolutionner ce domaine. Il est peut-être enfin temps d’envisager la venue d’un défenseur étranger, d’autant que McSorley a toujours eu la main heureuse dans ce secteur. Mais le boss ne semble pas particulièrement explorer cette voie.
Autre piste : si les étrangers de Genève-Servette ont souvent rendu des fiches moyennes au point de vue statistique, cette année, ils furent productifs et ont même signé le plus grand pourcentage de buts de toute la ligue. Revers de la médaille : les Suisses ne marquent que très peu. Ainsi, seul Bezina a atteint un nombre de réussites à deux chiffres (13). Et c’est bien là qu’il faudra changer quelque chose pour voir plus haut.
Actuellement, les Aigles sont trop faciles à contrer, le danger venant trop des mêmes joueurs. Et les Suisses sont incapables de prendre la relève quand les étrangers sont muselés. Reste à savoir si l’équipe a les moyens d’aller chercher un joueur national capable de faire la différence à court terme.

Les joueurs

Serge Aubin : Le patron. Moins attendu que Law, alors qu’il était pourtant titulaire en NHL, il a facilement conquis le maillot de top scorer. Il défend, mène le jeu, travaille, passe, marque. Il est partout, avec un égal talent. La classe.
Gaëtan Augsburger : A disputé avec Jérôme Bonnet la dernière place sur la quatrième ligne. Il a montré de belles choses, mais est encore un peu tendre pour la LNA. Élément de grand avenir.
Goran Bezina : À l’image de l’équipe, a démarré sur les chapeaux de roues, enquillant les buts et justifiant enfin sa réputation après une saison décevante. Ne s’est plus trop illustré offensivement depuis sa blessure en équipe nationale. Fut en revanche l’un des rares défenseurs fiables tout au long de l’année. Le fait qu’il soit le seul arrière à tenter (de temps en temps) sa chance à la bleue en powerplay ne lui facilite pas la tâche.


Goran Bezina

Jérôme Bonnet : A bien tenu sa place lorsqu’il fut aligné, faisant plus ou moins jeu égal avec Augsburger. Appliqué et parfois intéressant offensivement. Reste à voir dans quelle mesure il pourra encore progresser.
Robin Breitbach : Le mystère. Le joueur qui fait douter tout le monde de sa connaissance du hockey. Son contrat a été prolongé de deux ans. Il est maintenant international allemand. Et pourtant… Un patinage plus qu’approximatif, une relance hautement hasardeuse, des charges trop rares pour qu’il mérite son étiquette de joueur physique, d’autant qu’elles sont généralement irrégulières (par derrière, contre la tête ou loin du puck) ce qui lui a valu 90 minutes de pénalité, «meilleur» score de l’équipe. Difficile de trouver ce qui peut lui valoir tant d’honneurs. On ne saurait pourtant considérer Chris McSorley et Uwe Krupp comme des imbéciles. Il doit donc y avoir quelque chose. Note d’espoir : le Hambourgeois s’est fait l’auteur de performances parfaitement décentes lors des tous derniers matches de saison régulière et des playoffs. Pourvou qué ça doure !
Jan Cadieux : Le joueur parfait pour le système McSorley. Effectue un important travail dans l’ombre et sait appuyer où ça fait mal à l’adversaire. Malgré son mètre septante-deux, il place un nombre important de charge. Pion essentiel sur le fore-check et en infériorité numérique. Tout cela ne semble cependant plus lui laisser autant de place que par le passé pour les tâches offensives.
Thomas Déruns : L’un des quelques joueurs de l’équipe à savoir jouer physique. Charge tout ce qui bouge, et aussi ce qui ne bouge pas. Sa trop grande générosité dans l’effort lui a valu, ainsi qu’à tout le public des Vernets, une grosse frayeur lors de la série contre Berne, atterrissant la tête la première contre la bande suite à une charge esquivée par Éric Landry. S’est illustré en attaque au début de la saison, sans confirmer par la suite. Doit trouver une constance dans ce domaine.
Igor Fedulov : Mauvaise nouvelle pour le Tsar : son presque mythique tir du poignet ne passe maintenant plus, et il n’a plus la vivacité nécessaire pour ses wraparounds chéris. Les dégâts de l’âge. Pour ne rien arranger, sa désormais grande difficulté à scorer facilite la tâche des défenseurs, qui peuvent à loisir anticiper la passe. Mais tout cela ne fait que rendre d’autant plus remarquable le total de points amassés au cours de la saison, de nouveau l’un des meilleurs de l’équipe. Son apport en jeu de puissance est essentiel et son état d’esprit est toujours aussi admirable. Comme à chaque été, on craint cependant que le championnat qui vient ne soit celui de trop, en espérant que la réponse sera la même que d’habitude, tant il mérite de partir sur une note positive.


Igor Fedulov

John Gobbi : Un cœur gros comme ça. Défenseur intransigeant et fiable qui se dépense sans compter à chaque match. Les prouesses offensives de sa première saison genevoise semblent révolues, faute notamment de tenter suffisamment sa chance.
Jakub Horak : Après un début de championnat approximatif, s’est ressaisi dans un rôle de défenseur sans fioritures. Mais a rapidement retrouvé son poste de prédilection : l’infirmerie. Faut-il y voir la raison de son départ pour le pays de Novartis et Roche ?
Olivier Keller : La grosse déception. Auteur d’un solide début de saison, il a totalement sombré avec le reste de l’équipe à la mi-novembre. Ne s’est jamais montré un leader, se fondant au contraire totalement dans les performances de l’équipe. A commis un nombre impressionnant de fautes de débutant pour un joueur si expérimenté.
Kirby Law : Une déception pour ceux qui auront été aveuglés par sa dernière saison en AHL. S’il n’a pas effectué des performances trudelesques, l’ex-Aero s’est montré fidèle à lui-même : travailleur et fiable offensivement. Sa contribution à la récupération en zone d’attaque et à la conservation du puck auront également été très appréciables. Il a par contre eu tendance à disparaître au fil de la saison. On peut lui faire confiance sur les penalties, ce qui n’est pas courant dans l’équipe.
Laurent Meunier : La révélation. Condamné par certains avant même son arrivée, M. Quinze-Poumons a fait preuve d’un abattage absolument incroyable, au point de faire perdre tout espoir à Michal Grošek. Râtisseur de puck hors pair. S’est petit à petit imposé offensivement. Pourrait faire de plus gros dégâts dans ce domaine s’il cadrait de temps en temps.
Gianluca Mona : Une bonne surprise. Comme un peu toute l’équipe, a commencé très fort, éliminant dans l’œuf les espoirs de Tobler. Gardien évoluant au mental, il a connu des difficultés par la suite, mais a parfaitement su se ressaisir, progressant même dans son contrôle des rebonds, son gros point faible. N’a pas gagné de match à lui tout seul, mais n’en a pas perdu non plus. A retrouvé en playoffs la magie de 2003 avec de nouvelles performances de tout premier plan.


Mona : une bonne surprise

Chris Rivera : Dépense une énergie folle à chaque shift pour des tâches ingrates, mais pas toujours efficacement. Rarement dangereux en phase offensive. Il a paru plafonner un peu et doit impérativement passer un pallier. Sans doute en se canalisant un peu, ce qui lui permettrait également de réduire le temps qu’il passe sur le banc.
Philippe Rytz : Bon défenseur, quoique toujours trop indiscipliné. Collectionne les pénalités évitables. Joueur de talent, il peine à poursuivre son développement et a complètement stagné cette saison. Le changement d’air lui fera sans doute du bien.
Paul Savary : A connu une année marquée par les blessures. Lorsqu’il a pu jouer, s’est montré aussi précieux qu’à l’habitude en fore-check et pour conserver le palet grâce à sa rapidité et sa technique de crosse. Il a semblé en légère amélioration en attaque. Mais il reste du chemin.
Sébastien Schilt : Trop juste à ses premières sorties, il a régulièrement progressé pour finir par une série contre Berne tout à fait satisfaisante. Devrait continuer à progresser la saison prochaine. Prend encore trop de pénalités.
Michael Tobler : Tout le monde sait qu’il a du talent. Reste à ce qu’il le prouve. Il n’en a pas eu beaucoup l’occasion cette année, mais a échoué de façon patente lorsque ce fut enfin le cas. A fini dans les tribunes à Lausanne.
Morris Trachsler : Saison relativement anonyme. Il a effectué son travail défensif et a marqué des buts par ci, par là. Mais le Zurichois a semblé moins présent que l’année précédente. Il a par ailleurs connu sa première sélection nationale. Cependant, qui n’est pas sélectionné, de nos jours ? (Hors des Grisons, j’entends.)
Jonathan Mercier : Une chose lui manque encore pour gagner ses galons de pilier de la défense : la constance. Capable de sortir un gros match comme de passer totalement à travers, sans raison apparente. Semble toutefois sur la bonne voie.


Jonathan Mercier
(Toutes les photos copyright Pascal Muller)

Yorick Treille : Comme l’année précédente, il a enfilé les buts comme des perles en début de saison avant de connaître plus de difficultés. Est-ce en raison de sa hanche en compote ou parce qu’il a de la peine à s’illustrer lorsque les défenseurs adverses l’ont à l’œil ? Sans doute un peu des deux. Fut le meilleur joueur en séries avec Meunier et Mona.
 Jamie Wright : Pas du genre à tirer dans les coins, mais plutôt à y extraire des pucks sans relâche. Lorsque son dos l’a laissé tranquille, il fut très constant dans ce domaine. Pour ce qui est de l’attaque, en revanche, c’est un peu une énigme. A raté tout ce qu’il a pu pendant toute la saison à tel point que ses partenaires rechignaient à lui passer le puck en jeu de puissance. Exception : une série de 9 matches entre décembre et janvier lors de laquelle il a inscrit la bagatelle de 13 réussites. Allez comprendre.

N’ont pas assez griffé la glace pour que l’on puisse émettre une appréciation : François Bernheim, Toni Bezina, Kevin Le Moine.

Cas particulier : Michal Grošek
Certains voient dans le départ du colosse de Vyskov une des raisons du relatif échec des Genevois en playoffs. Il est vrai que dans cette équipe quelque part trop sage, son tempérament et son jeu auraient sans doute amené un grain de folie salutaire et donné enfin un peu de fil à retordre aux Bernois, tant il fait partie de ces joueurs capables d’inventer tout seuls un but venu de nulle part, sur un puissant tir de loin ou une pénétration en force.

Mais pouvait-on vraiment compter sur un joueur qui exige une place de titulaire alors que l’équipe tourne bien sans lui et qu’il n’a strictement rien fait de valable lorsqu’il a enfin eu l’occasion de s’exprimer ? Et dire qu’il aurait sans aucun doute eu sa chance s’il avait attendu quelques jours de plus ! Mais patience et Grošek font hélas quatre ou cinq.
Par ailleurs, son parcours tout à fait anonyme en deuxième partie de saison avec Zoug ne parle pas pour lui. En effet, il se signala surtout par un coup vicieux à Noël Guyaz et une pénalité de match récoltée dans la foulée pour s’être moqué de l’arbitre de façon flagrante. Pas vraiment le Grošek qu’on aimerait voir.
Et justement, quand on se penche sur la contribution genevoise du cowboy qui tire plus vite que son ombre, on se rend compte qu’on le regrette plus pour ce qu’il aurait pu apporter que pour ce qu’il a effectivement montré, et que c’est surtout hors glace qu’il aura enrichi la légende du club.
Dommage, vraiment.

Écrit par Yves Grasset

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