Récit d’un week-end à Londres

Samedi 20 janvier 2007, aéroport de Genève. On ne comptait plus les jours, mais presque les heures, nous voilà enfin prêt à décoller pour Londres Gatwick. La ville la plus «foot» du monde nous attend, on frissonne déjà.

Nous arrivons à notre hôtel de Covent Garden en fin de matinée et il faut faire vite à la réception, car sur le coup de 12h45 aura le lieu le premier gros choc de cette 24ème journée de championnat entre Liverpool et Chelsea. Juste le temps de trouver un pub de la plus pure tradition anglaise et de s’installer avec une pinte à la main que Sky Sports commence les analyses d’avant match. Petr Cech est de retour après sa grave blessure à la tête et gardera la cage des Blues avec une protection de rugbyman à la tête. Devant lui, Mourinho doit se contenter d’une défense centrale composée d’Essien et Paulo Ferreira car Terry (encore blessé) et Ricardo Carvalho (malade) ne sont pas disponibles pour cette rencontre. Il est triste (on ne va pas les plaindre non plus) de constater que le richissime club anglais ne possède pas un troisième, et même un quatrième défenseur axial de métier dans son effectif (j’oublie volontairement Boulahrouz qui n’est que bûcheron de métier) ! Au vu de l’argent dépensé pour les fantômes de Ballack et de Shevchenko, on peut même parler d’aberration. Ajoutons encore l’absence pour suspension de Makélélé et ses neuf poumons pour cause de suspension et on comprend vite que Chelsea va passer un sale début après-midi à Anfield Road, ce d’autant plus que la troupe de Benitez doit se racheter devant son public de deux déconvenues dans les coupes contre Arsenal. La tendance est rapidement confirmée puisque Dirk Kuyt trouve l’ouverture après seulement quatre minutes de jeu et un mauvais placement du duo Essien-Ferreira. Un miracle de Cech face à Riise ne fait que retarder l’échéance du deuxième but qui viendra d’une frappe magnifique de Jermaine Pennant, laissé bien seul par son compagnon de virées nocturnes Ashley Cole. 2-0 après un peu plus d’un quart d’heure de jeu, le match est plié et Chelsea ne se procurera pas la moindre occasion de but. Belle opération pour Liverpool qui revient à cinq points de Chelsea et qui se donne le droit d’espérer encore pour le titre. Il est vrai qu’en recevant Manchester United, Arsenal, Everton et Bolton, les Reds ont un calendrier favorable.

Au coup de sifflet final, le pub se vide rapidement. Nous en profitons pour visiter quelques magasins du centre ville et pour nous reposer un peu avant d’affronter la fièvre du samedi soir. Pendant ce temps, sur les autres terrains de Premier League, quelques surprises sont au rendez-vous. Middlesbrough éclate Bolton par 5 buts à 1 ! Stuart Downing est le grand artisan de cette victoire en distribuant trois passes décisives et en marquant le quatrième but. De son côté, West Ham s’en va récolter un point crucial pour sa survie sur la pelouse de Newcastle, tandis que Watford s’enfonce presque définitivement (dernier avec 12 points) sur la pelouse d’Aston Villa qui gagne enfin (2-0) après onze journées vierges de victoire. Durant notre escapade dans la nuit londonienne, nous croiserons le brave Jimmy Hasselbaink ; le Néerlandais fête copieusement la victoire miraculeuse de son équipe de Charlton sur la pelouse de Portsmouth (0-1) à laquelle il a participé environ une minute… Il est temps d’aller se coucher car une journée mémorable se profile devant nous.
Dans ces moments là, pas besoin de mettre de réveil. Malgré la fatigue, il est presque impossible de dormir. Manchester United, solide leader, débarque à Londres pour affronter Arsenal et tenter de prendre une avance de neuf points sur Chelsea en tête du championnat. Un café, achat de la presse du jour et on saute dans le métro, Piccadily Line, direction station «Arsenal». Il est 11 heures. En sortant du long tunnel, soleil en pleine face, on découvre les restes du mythique Highbury. La Clock End et la North Bank (tribunes derrière les buts) n’existent plus. Le West Stand a perdu son toit tandis que le East Stand résiste. Le chantier est impressionnant et l’émotion est grande. Je n’ai pas vécu Highbury autant que tous les fidèles Anglais, mais les moments que j’y ai passés remontent tous à la surface. C’est magique.
La route qui nous mène au nouveau stade d’Ashburton Grove n’est pas bien longue, juste le temps d’acheter des fanzines et des photos de joueurs sur le chemin, que nous voilà déjà devant le nouveau temple des Gunners. Deux ponts relient la rue de Drayton Park à l’enceinte du stade, plus tu avances et plus tu admires. Un petit tour du stade pour essayer de se rendre un peu mieux compte de ce bijou et départ pour la boutique du club.

Là encore, changement total de dimension par rapport à l’ancienne. Difficile de ne pas y trouver son bonheur et encore plus difficile de garder le porte-monnaie fermé. Bien évidemment, on craquera sur bien des articles et c’est chargés de sacs en plastique à l’effigie du club que nous nous rendons au pub «The Rocket» situé sur Holloway Road, tout près du stade. Je t’apprendrai rien en te disant que le pub est un passage obligatoire pour tout supporter qui se respecte. Dès midi, les Gooners affluent en nombre. La bière coule à flot et les chants ne tardent pas à s’enchaîner au rythme du DVD retraçant les victoires d’Arsenal sur ManU. On aura même droit à un petit concert et la promotion du nouveau CD des Arsenal Away Boyz, reprises de chansons pop connues mais mises à la sauce locale, soit à la gloire de Fabregas, Gallas ou Henry, soit – et surtout – anti-Ashley Cole… Il est temps de partir pour le stade, nos places sont situées au bloc 116, en dessus des supporters de Manchester United.
Sir Alex Ferguson sait que son équipe peut prendre une sérieuse option sur le titre, mais il sait aussi qu’Arsenal n’a pas encore perdu dans son nouveau stade et que la forme des hommes d’Arsène Wenger est remarquable en ce début d’année. Wayne Rooney joue décalé sur le côté gauche et c’est Henrik Larsson qui est à la pointe de l’attaque des Reds Devils. Du côté des Gunners, Gilberto Silva est suspendu, et Ljungberg et Gallas sont toujours blessés. Adebayor commence le match en attaque à côté de Thierry Henry.
L’ambiance est magnifique. Vu notre emplacement, nous entendons bien les supporters visiteurs mais chaque chant pour Arsenal est repris par une bonne partie du stade. C’est parti, on peut commencer à vibrer… La tension est à son comble, un accrochage entre Rooney et Eboué chauffe encore un peu plus les esprits et le match est pauvre en chances de buts au cours de la première période, si ce n’est une tête d’Henry facilement captée par Van der Sar, ou une volée de Rooney et une tête de Larsson bien détournées par Jens Lehmann durant les arrêts de jeu. On notera aussi une action litigieuse entre Henry et Gary Neville qui aurait pu valoir un penalty au capitaine d’Arsenal. Peu après la pause, Hleb laisse filer le dynamique Evra sur le flanc gauche, le Français centre et Wayne Ronney esseulé au second poteau en profite pour placer une tête plongeante, ouvrir le score et marquer son premier but depuis le 9 décembre… Je suis effondré et le vilain Wayne a bien mal choisi l’heure de son réveil. J’avais la conviction avant le match que nous ne pouvions pas perdre, mais à ce moment là je me dis que le match nul serait déjà un bon résultat.

Arsenal pousse mais ne se procure pas de grosses occasions si ce n’est une tentative un peu brouillonne d’Adebayor qui a une nouvelle fois fait un match exemplaire de combativité. ManU semble tenir son os et leurs fans chantent déjà pour un trophée qu’ils pensent avoir à nouveau conquis. A la 83ème minute, le tandem Rosicky-Fabregas lutte avec Scholes et Evra pour l’obtention du cuir, il finira dans les pieds du jeune Espagnol qui décale Rosicky pour un centre, Henry manque sa talonnade et Robin van Persie entré en cours de jeu arrive à toute allure au second poteau pour catapulter le ballon sous la latte de son compatriote et égaliser. Explosion de joie, je prends dans mes bras à peu près tout ce qui bouge, je m’arrache les cordes vocales, Robin je t’aime… Il reste dix minutes, le stade chavire… Cristiano Ronaldo se fait l’auteur d’un dernier ridicule plongeon et reçoit un carton jaune, s’en suit une joute verbale avec Eboué, et une sortie du terrain pour le Portugais, remplacé par Gaby Heinze. Cette action fait encore grimper l’ambiance et semble donner des ailes à Eboué… Dans un ultime effort, l’Ivoirien dépose une merveille de centre sur la tête de Thierry Henry, cette fois ci Titi ne manque pas la cible, Van der Sar est battu… On joue depuis 93 minutes et je me déconnecte complètement de la réalité ! Arsenal – Manchester Utd 2-1 ! C’est dans ces moments que se construit l’histoire d’un stade et la vie d’une équipe. C’est aussi dans ceux-ci que tu trembles et embrasses tous les humains à côté de toi. Enorme. Il n’y a que le foot pour ça. Rien d’autre.
Notre journée n’est pas encore terminée. Une victoire comme celle-ci se fête dignement et nous prenons la direction du pub «The Gunners» situé à côté d’Highbury. Thierry Henry, auteur d’un match discret mais héros du jour, sera chanté comme un Dieu. Les rivalités ne s’oublient pas et le déplacement à Tottenham en League Cup ce mercredi est largement évoqué dans des mots bien crus… Bien entendu, Ashley Cole aura aussi droit à une série de chants bien méritée. 22 heures, il est temps de regagner notre chambre d’hôtel, regarder le résumé du match sur la BBC et de s’endormir avec des rêves plein la tête…

Écrit par David Despont

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