Tour de France : doping story, 9e et 10e étapes

Sorti de prison, je suis frais comme un gardon pour continuer cette expérience insensée. Après avoir tancé mes deux acolytes, il faut reprendre la route et nos esprits pour entamer ces deux étapes, dont la premières s’annonce particulièrement meurtrière avec deux cols hors-catégorie.

Nous nous levons aux aurores pour parfaire la condition d’Henri Broncand. Un petit déjeuner à base de sucres lents et de barres énergétiques, couplé avec un assaisonnement de produits dopants. La testostérone étant à la mode ces temps, nous essayons un cocktail de ce produit à base de sperme de taureau et quelques minutes avant le départ, nous plaçons notre homme dans un caisson pressurisé afin de simuler une altitude de 2000 mètres. De ce fait, nous augmentons naturellement son taux d’hématocrite, qui de toute façon était de déjà 12% supérieure à la limite autorisée selon l’UCI.C’est donc gonflé à bloc que notre homme se lance sur les pentes de l’Iseran. Dribblant les camping-cars de Hollandais en vacances, notre cycliste part sur des basses extrêmement élevées. Malgré la canicule, il décide de descendre de vélo à mi-pente afin d’ajouter un pignon supplémentaire à son dérailleur et ainsi gagner en efficacité. Depuis le départ de «son» Tour, Henri a perdu plus de 5 kilos et pris près de 4 centimètres de tour de mollet. Telle une fusée, il doit freiner dans les épingles à cheveux en montée, la chaleur fait fondre le goudron, sa roue y patine mais il ne se laisse pas déconcentrer et redouble d’effort. Après moins de 20 minutes il a déjà ingurgité la montée de 16 km à 7% de dénivellation en moyenne.

Dopé avec des produits, comme par l’adrénaline de la grosse performance qui se profile, il entame la descente la bave aux lèvres. Les yeux dans le vague, il s’excite et joue de la sonnette installée en toute hâte sur son guidon derrière les touristes qui descendent le col en voiture avec ou sans caravane, à une allure plus que ridicule. Il décide donc de partir en ligne droite. Droit vers la plaine, évitant ici un arbre ou là une tente de camping, ou sautant allègrement par-dessus les ruisseaux et esquivant les moutons.
Bien sûr, quelques chutes ont agrémenté son espèce de schuss sur roue, mais il a rejoint le pied du Télégraphe en moins d’une demi-heure, performance remarquable. En avance sur l’horaire le plus rapide, il choisit de s’arrêter à mi-chemin du Galibier pour une petite baignade impromptue. Le choc thermique fut terrible. Une eau à 13° et un corps dont la température a culminé à 53° à cause de la conjonction de l’effort, des médicaments et de la canicule, ont été à l’origine du premier geyser français. A peine plongé dans le liquide, l’eau s’est mise à bouillonner, tout comme Henri, qui a commencé à voir des pustules pousser sur sa peau. Comme il le craignait, il ne supportait plus l’eau, il n’y était plus habitué. Choqué, il est immédiatement pris en charge par Nadel Spitze-Stich, notre médecin qui diagnostique une hydrocution à effet pervers.
Seule solution pour tirer Broncand de ce mauvais pas: se réalcooliser rapidement. C’est ainsi que nous avons trouvé une utilité à tous les poivrots du bord des routes qui n’ont rien de mieux à faire l’été que de collectionner les casquettes PMU en attendant 36 heures pour voir un peloton leur filer devant les yeux en environ 10 secondes. Ils ont des glacières très fournies. Ces supporters ont tous été très coopératifs, de plus l’idée d’être publiés dans un article de CartonRouge.ch les a motivé, si besoin s’en faisait sentir. Durant toute la montée du Galibier, les gens courraient à côté d’Henri et lui tendaient tout ce qui était frais et alcoolisé dans leurs glacières ou leurs frigos.

 

Un Américain lui fit boire une Bud Light (qu’Henri vomit quelques mètres plus loin), un Polonais l’arrosa de vodka, un Suisse fit tourner une bouteille de blanc, un Anglais dégoupilla une Guinness, un Hollandais offrit la tournée d’Heineken. Tant et si bien qu’après 3 km de montée, son taux d’alcoolémie était revenu à la normale et il put boucler la montée dans des délais respectables. Par contre, la descente s’avéra problématique. Il y avait une série de virages serrés qui, vu l’état d’ébriété d’Henri Broncand, le faisait tituber dans le sens inverse. Après la troisième chute en moins de 2 km, alors qu’il a volé par-dessus un parapet et atterrit dans des ronces, nous décidons de le rapatrier en voiture jusqu’à l’hôtel, il nous semblait plus sain de lui éviter les 36 autres km de descente. C’eût été suicidaire !
Frais comme un gardon le matin suivant, nous nous élançons en direction de Marseille. Nous voulions tenter d’injecter un placebo à notre cycliste, mais quelle ne fut pas notre surprise au saut du lit quand nous avons aperçu qu’Henri et son vélo n’étaient déjà plus là. Nous l’avons cherché deux petites heures et avons finalement décidé de mettre le cap sur la cité phocéenne. Bien nous en a pris, car le champion trônait sur le Vieux-Port un Pastis à la main. Il nous déclara plus tard qu’il ne pouvait plus dormir, qu’il attendait cette étape depuis tellement longtemps et qu’il a décidé, vers 3 heures du matin, de prendre la route pour aller faire l’ouverture de la distillerie d’anis de la région. Eh bien, voici deux étapes rondement menées…

Commentaires Facebook

1 Commentaire

  1. pas mal le coup de la Guinness…
    tu as donné de bien mauvaises idées à un coureur allemand !
    Cest pas dans leur genre de se doper pourtant !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.