Difficile baptême du feu pour Mario Eggimann

Il n’y a pas qu’en Suisse où le football a repris ses droits ce week-end : le coup d’envoi de la saison a également été donné samedi en Allemagne. Il ne s’agissait toutefois pas du championnat mais de la Premiere-Ligapokal Viertelfinale Doubleheader. Pendant que tu reprends ton souffle, je t’explique calmement de quoi il retourne : la Premiere-Ligapokal désigne en fait la Coupe de la ligue allemande (Premiere étant le nom de la chaîne de TV détentrice des droits pour la Bundesliga).

Cette compétition, qui n’offre aucune place européenne, s’apparente en fait davantage à une Super Coupe qu’aux Coupes de la Ligue française ou anglaise. Elle réunit, sur une semaine et deux week-ends, six équipes : le champion en titre (VfB Stuttgart), le vainqueur de la Coupe (1. FC Nürnberg), le champion de 2e Bundesliga (SC Karlsruhe) et les trois autres formations les mieux classées du dernier championnat (Schalke 04, Werder Brême et Bayern Munich). Le champion et le tenant de la Coupe sont directement qualifiés pour les demi-finales alors que les quatre autres formations doivent disputer des quarts de finale (Viertelfinale, soit Schalke – Karlsruhe et Werder – Bayern), qui se jouaient tous deux samedi, l’un après l’autre (Doubleheader), dans la somptueuse LTU-Arena de Düsseldorf.Je pense que Fabian Salvi ne s’offusquera pas si j’affirme que Düsseldorf possède le plus beau stade d’Europe pour une équipe de troisième division. Car l’équipe locale, le Fortuna 1895, finaliste de la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe en 1979 (défaite 4-3 après prolongations contre Barcelone) stagne en Regionalliga Nord. Ce qui est fort dommage car son stade, ultra moderne avec toit amovible et plus de 50’000 places assises, mériterait au moins la 2e Bundesliga et des derbies contre les éternels rivaux du 1. FC Köln et du Borussia Mönchengladbach. En plus, ce magnifique stade n’a même pas été retenu pour la dernière Coupe du Monde (comme le Borussia Park voisin de Mönchengladbach) : ce n’est pas la qualité de l’infrastructure qui était en cause mais bien des motifs politiques et géographiques. Avec les stades de Dortmund, Gelsenkirchen et Cologne, la région était déjà largement représentée et il fallait que ce soit la Coupe du Monde de toute l’Allemagne et pas seulement celle de Rhénanie du Nord-Westphalie : à lui tout seul, le grand Land allemand pourrait organiser un Euro avec des stades plus grands que la Suisse et l’Autriche réunies (Dortmund, Gelsenkirchen, Cologne, Mönchengladbach, Düsseldorf, Duisburg, Bochum, Bielefeld, Leverkusen…) !

Le hors d’oeuvre de ce double quart de finale oppose le vice champion d’Allemagne Schalke 04 au néo-promu et vainqueur de la 2e Bundesliga, Karlsruher SC. Le match est bien entendu « ausverkauft ». Ausverkauft, ça veut dire guichets fermés et c’est le terme qui suit généralement l’annonce du nombre de spectateurs lors d’une rencontre de football en Allemagne. Les billets valent pour les deux matches, ce qui donne une ambiance assez spéciale, avec les supporters de quatre équipes se côtoyant dans le stade.
La partie débute sur un coup de théâtre : après cinq minutes de jeu, l’arbitre dicte un penalty pour le KSC sur un contact viril mais apparemment correct entre Krstajic et Kapllani. Pourtant, l’homme au sifflet vient de la bucolique cité d’Essen, on aurait pu penser qu’il serait plus sensible que cela aux vertus du Kampffussball. En fait, on soupçonne le trio arbitral d’avoir, à l’instar des nombreux fans de Schalke 04, abusé de bières lors du court trajet entre la Ruhr et Düsseldorf car l’un des juges de touche a passé tout le match 50 centimètres à l’intérieur du terrain, comme s’il voyait deux lignes de touche. Les supporters de Karlsruhe sont conscients de la faveur faite à leur équipe puisque, dès la décision de l’arbitre connue, ils entonnent en choeur l’hymne du penalty cadeau : la reprise de «Seven Nation Army» de White Stripes, d’abord chantée par les fans de l’AS Roma, puis reprise par tout un pays pour célébrer les stupéfiants résultats de la Squadra Azzura lors de la Coupe du Monde 2006. Mais il y a une justice en cet après-midi ensoleillé à Düsseldorf : le jeune gardien Manuel Neuer détourne le penalty tiré par le Hongrois Hajnal (ex-Schalke). La Südtribüne, où nous nous trouvons, au milieu des supporters de Schalke 04, exulte. Cela doit être un sentiment étrange pour un fan königsblaue de se retrouver dans une Südtribüne parce qu’en Allemagne, lorsque l’on parle de Südtribüne, on pense d’abord à celle du Westfalenstadion, l’endroit le plus inhospitalier au monde pour un supporter des Knappen.
Après ce début de partie mouvementé, Schalke réagit avec une volée de Løvenkrands (dont j’arbore fièrement le maillot) bloquée par Miller (9e) et trois coups francs de Pander : le premier a trouvé la tête de Bordon (arrêt réflexe de Miller, 13e), le deuxième la reprise de Krstajic (juste au dessus, 30e) et le troisième a été tiré directement (nouvelle parade de Miller, 34e).

Nous suivons avec une attention particulière les performances de nos compatriotes Mario Eggimann pour le KSC et Ivan Rakitic pour S04 (même s’il a choisi de jouer pour la Croatie, il a toujours un passeport helvétique). L’ex-Bâlois a réussi quelques belles choses mais a eu tendance à vouloir en faire un peu trop et a gaspillé bêtement pas mal de ballons. Je ne suis pas certain qu’il soit assez mûr pour assumer la lourde succession du Brésilien Lincoln (parti à Galatasaray) dont il a déjà hérité du numéro. L’entraîneur Mirko Slomka avait d’ailleurs laissé entendre que son équipe jouerait sans meneur de jeu cette saison. Pourtant, Rakitic a bien évolué en dix, très haut dans le terrain, juste derrière le centre-avant Altintop, alors que les Knappen jouaient avec deux ailiers mais sans demis de couloir. A revoir lorsque Slomka disposera de tout son effectif et notamment du buteur vedette Kevin Kuranyi, suspendu contre Karlsruhe.
Capitaine et pilier de la défense du KSC, Mario Eggimann est, dans l’ensemble, à créditer d’un bon match, puisque l’arrière-garde qu’il dirige avec autorité n’a jamais été mise hors de position dans le jeu par le 4-3-3 des vice champions d’Allemagne. Hélas, pour son baptême du feu au plus haut niveau du foot allemand, l’ex-Argovien est devenu le héros malheureux du match en commettant une grosse bévue à la 35e, une passe en retrait trop molle vers son gardien : le Danois Løvenkrands a senti le coup, il est devancé de justesse par le tacle du portier Miller mais Halil Altintop a bien suivi et n’a plus qu’à marquer dans le but vide. Une bourde comme il s’en produit souvent en Bundesliga mais qui s’avérera lourde de conséquence puisqu’il s’agira de l’unique réussite du match.

Karlsruhe s’est pourtant créé deux énormes double occasions d’égaliser avant la pause : à la 43e, Hajnal rate seul devant Neuer, avant que son centre ne trouve Eggimann, dont la reprise est déviée juste à côté du poteau ; dans la minute suivante, Krstajic supplée son gardien sur un essai de Iashvili, alors que la reprise de Carnell est malencontreusement contrée par son coéquipier Kapllani. Incontestablement, le score de 1-0 à la pause est flatteur pour Schalke 04.
Il ne se passera pour ainsi dire rien en 2e mi-temps, un tir de Freis stoppé par Neuer et c’est tout (80e). On s’ennuie ferme, les bières (Warsteiner ou Frankenheim Alt) ne sont pas terribles, l’ambiance s’est assoupie avec le match et il n’y a guère que les avions, qui passent en rase motte au-dessus de la tribune pour nous distraire un peu (pas étonnant pour un stade portant un nom de compagnie aérienne). On espère juste qu’il ne viendra jamais à l’idée d’Oussama Ben Laden de détourner l’un de ces aéroplanes de quelques centaines de mètres pour les crasher sur un stade qui doit être rempli d’infidèles, vu la consommation frénétique de bière qui y règne. Peu habitués à une telle affluence, les préposés aux buvettes sont d’ailleurs vite dépassés par les événements et commander une bière ou une Currywurst se transforme en parcours du combattant, ce qui ne suffira toutefois pas pour nous amener à plus de sobriété.
Peu inspiré, Schalke se contente de gérer son maigre avantage et finit même par provoquer le courroux de son pourtant très indulgent public. Les Knappen assurent toutefois l’essentiel et se qualifient pour les demi-finales où ils iront jouer mardi sur le terrain du club ami du 1. FC Nürnberg. Au lendemain de ce peu glorieux succès contre Karlsruhe, l’équipe de Schalke 04 a été accueillie par plus de 100’000 supporters autour de sa Veltins-Arena pour la Saisoneröffnungsfeier. A trois semaines du coup d’envoi de la Bundesliga, le fantastique stade de Gelsenkirchen affiche déjà complet pour tous les matches du championnat !

Quant au néo-promu Karlsruhe, il n’a de loin pas démérité et n’aurait rien volé en entraînant les Knappen dans une séance de tirs aux buts. Tout heureux de se  retrouver dans la cour des grands, les festifs supporters du KSC n’ont cessé de chanter «Nie mehr zweite Liga». A mon avis, ce n’est pas gagné d’avance. Si l’équipe tient la route, elle manque de percussion offensive. Orphelin de son compère de la saison dernière Giovanni Federico (parti cet été à Dortmund), le buteur albanais Edmond Kapllani a paru bien esseulé à la pointe de l’attaque. S’ils veulent éviter de faire un simple aller-retour en 1ère Bundesliga, les dirigeants du SC Karlsruhe seraient bien inspirés d’étoffer quelque peu le compartiment offensif. Quant à notre compatriote Mario Eggimann, malgré son erreur sur ce premier match, on est persuadé qu’il a toutes les qualités pour s’imposer en Bundesliga et venir frapper à la porte de notre équipe nationale.

Schalke 04 – Kalrsruher SC 1-0 (1-0)

LTU-Arena : 51’300 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Seemann.
But : 35e Halil Altintop (1-0).
Schalke : Neuer ; Boenisch, Bordon, Krstajic, Pander ; Ernst, Rakitic (64e Azaouagh), Kobiashvili ; Asamoah (77e Bajramovic), Halil Altintop (85e Jones), Løvenkrands.
Karlsruhe : Miller ; Görlitz, Eggimann, Franz, Eichner ; Iashvili (61e Timm), Mutzel (79e Freis), Aduobe (70e Staffeldt), Carnell ; Hajnal ; Kapllani.
Cartons jaunes : 33e Rakitic, 51e Hajnal.
Notes : Schalke sans Özil, Höwedes ni Fährmann (avec l’équipe d’Allemagne des M-19 pour les championnats d’Europe en Autriche), Varela ni Rodriguez (encore en vacances après la Copa America), Rafinha (blessé) ni Kuranyi (suspendu). Karlsruhe sans Porcello ni Dick (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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1 Commentaire

  1. Merci Julien pour ce magnifique reportage.

    Je suis malgré tout assez confiant pour le KSC, lincroyable Massimiliano Porcello nétait pas là et Iaschwili va monter en puissance…mais cest clair quil manque de qualité dans cette équipe pour linstant, notamment en phase offensive.

    Excellent article, merci.

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