Pourquoi la Suisse va gagner l’Euro 2008

Le formidable engouement de la Coupe du Monde 2006 est bel et bien retombé. Il a suffi de quelques matchs amicaux ratés pour qu’un halo de scepticisme et de pessimisme entoure l’équipe de Suisse, à moins de 200 jours de l’ouverture de son Euro. Aujourd’hui, il est de bon ton d’affirmer que la Nati ne franchira même pas le premier tour en juin prochain. Et pourtant, au soir du 29 juin prochain, Alexander Frei va bien soulever le trophée continental. Voici pourquoi.

1) Parce que les matchs amicaux ne veulent rien direDepuis le début de l’ère Köbi Kuhn, l’équipe de Suisse a régulièrement atteint des abîmes de médiocrité lors des matchs amicaux (Canada, Maroc B, Irlande du Nord, Liechtenstein…) ; cela ne l’a pas empêchée de se qualifier pour l’Euro portugais et la Coupe du Monde allemande. On dit que la comparaison avec la France, le Portugal ou l’Allemagne, également en difficulté durant la préparation de leur grand rendez-vous à domicile, n’est pas valable. Entièrement d’accord : les problèmes rencontrés par la Nati sont beaucoup plus compréhensibles, vu son potentiel inférieur aux nations susmentionnées. La Suisse ne peut trouver son salut qu’avec une volonté, une solidarité et une organisation sans faille, qui font forcément défaut dans des matchs amicaux avec une équipe expérimentale. Et, à 80% des ses possibilités, la Suisse se retrouve vite confrontée à ses limites… Mais, le moment venu, la Suisse retrouvera ses qualités. De toute façon, Köbi Kuhn n’est pas un maître tacticien mais un instinctif, qui n’a pas besoin de mois de préparation pour bâtir un système de jeu. Le match du Stade de France, avec une équipe de néophyte, l’atteste. Malgré le flou actuel, la Suisse sera prête le 7 juin prochain, avec un plan de jeu parfaitement assimilé.


Oublions ces échecs en matchs amicaux


2) Parce que ce ne sont pas les attaquants qui gagnent les grandes compétitions

Le manque de solutions offensives est l’une des causes du scepticisme ambiant. Pourtant, les attaquants sont rarement décisifs dans les grandes compétitions d’équipes nationales. Qui se souvient de Stefan Kuntz, attaquant de l’Allemagne championne d’Europe en 1996 ? La France a gagné en 1998 avec Guivarc’h comme centre-avant, sans qu’aucun attaquant tricolore n’inscrive le moindre but en matchs à élimination directe. La Grèce est devenue championne d’Europe en 2004 avec en pointe un réserviste du Werder Brême. Alors qu’en 2006, ce sont les défenseurs Grosso (Australie, Allemagne) et Materazzi (France) qui ont permis à l’Italie de s’extirper des matchs les plus accrochés. Dans ce contexte, avec un Alex Frei revenu à son meilleur niveau et le soutien de Barnetta, Vonlanthen ou Streller, la Suisse paraît suffisamment armée dans ce secteur.

3) Parce que la Suisse est solide derrière

Un Euro, cela se gagne en premier lieu en formant un bloc solide derrière. Cela tombe bien car c’est là que la Suisse est la mieux pourvue. Ce n’est pas un hasard si l’on n’a pas encaissé de goal lors de la dernière Coupe du Monde. Et depuis lors, Senderos et Djourou ont pris de la bouteille, Müller est toujours là, il y a eu l’affirmation d’Eggimann et von Bergen, les révélations Inler, Fernandes et Dzemaili devant la défense : bref, la Suisse paraît défensivement plus forte que jamais. Reste le problème des latéraux. Mais ils ont déjà prouvé qu’ils pouvaient, dans les grandes occasions, rester concentrés et éviter les montées hasardeuses. Comme Drogba ne sera pas là pour donner le tournis à Senderos, l’hypothèse d’une Nati aussi imperméable qu’en Allemagne n’a rien d’utopique. La clé pour être championne d’Europe.


Djourou monte en puissance


4) Parce que la Suisse sera plus fraîche physiquement

La situation n’a jamais été aussi favorable sur le front de nos mercenaires. Lors des qualifications 2004 et 2006, le Suisse a souvent dû aligner d’entrée quatre ou cinq joueurs sur le banc dans leur club ou évoluant en CFA ; il y a un an encore, contre le Brésil, six des onze titulaires de la Nati ne jouaient pas avec leur club. Aujourd’hui, hormis quelques blessés, la grande majorité des internationaux potentiels sont régulièrement alignés en club. D’un autre côté, rares sont ceux qui jouent dans des équipes disputant les Coupes d’Europe ou alors ils n’y sont pas toujours titulaires. Du coup, à l’exception peut-être de Barnetta, la quasi totalité de nos internationaux va entamer l’Euro avec moins de 50, voire même de 40 matchs dans les jambes. Un peu comme la Grèce en 2004. C’est un avantage non négligeable si l’on sait que le temps de récupération entre la fin des compétitions de club et le coup d’envoi de l’Euro sera extrêmement bref. Ajoute à cela que la jeunesse de l’effectif pourrait être un atout et que l’UEFA devrait procéder à des contrôles sanguins, contrairement à la FIFA en 2006. Du coup, certaines équipes qui ont brillé en Allemagne pourraient réaliser des performances physiques un peu moins stupéfiantes. Ou alors s’exposer à quelques mauvaises surprises.

5) Parce que la Suisse bénéficiera du soutien populaire

En Allemagne, la Suisse avait surpris le monde par la ferveur de ses supporters, qui s’étaient affirmés parmi les plus enthousiastes de la compétition. Vu la manière aléatoire dont les billets ont été distribués, la Nati ne bénéficiera sans doute pas d’un soutien aussi monstrueux  qu’à Dortmund contre le Togo, surtout qu’il n’y a pas dans notre pays d’arène du calibre du Westfalenstadion. Mais si l’ASF réserve le quota de billet qui lui est alloué au noyau dur des supporters, ceux-ci pourront entraîner à leur suite les spectateurs plus événementiels. On sait que le supporter suisse a besoin d’un peu de temps pour s’enthousiasmer mais qu’une fois gagné par l’euphorie, il peut se montrer très démonstratif. Il y aura une grosse pression sur la Nati lors des premiers matchs mais, si elle les négocie bien, le pays va s’embraser derrière son équipe et le public réellement se muer en 12e homme. Ce soutien sera d’autant plus conséquent que la plupart des favoris de cet Euro sont des formations dont les supporters se mobilisent assez peu dans les grands rendez-vous. En dehors de l’Allemagne, voire des Pays-Bas ou de la Suède, les Helvètes n’auront pas grande concurrence pour remporter la bataille des gradins.


Le public saura jouer son rôle de 12e homme !


6) Parce que l’équipe croit en elle

Lorsque, en pleine euphorie suivant la qualification pour la Coupe du Monde 2006, Alexander Frei a déclaré que la Suisse allait en Allemagne pour être championne du monde, toute la presse a trouvé ça génial et encensait cette nouvelle génération helvétique, ambitieuse et décomplexée. Aujourd’hui cette même presse raille et persifle les joueurs helvétiques qui déclarent vouloir gagner l’Euro, alors qu’ils alignent les contre-performances. Pourtant, je pense que l’équipe de Suisse doit ignorer les moqueries et ne pas dévier de son objectif. Qu’elle se concentre sur son jeu et laisse persifler les mécréants, il suffira qu’elle gagne le match d’ouverture pour que ceux-ci recommencent à tirer des plans sur la comète en disant «j’ai toujours cru en cette équipe». La Suisse doit partir du principe que son Euro se terminera le 29 juin et pas avant ; entamer la compétition avec la seule perspective de passer le 1er tour serait le meilleur moyen d’aborder les 1/4 de finale en pleine décompression et avec le sentiment du devoir accompli. C’est un luxe que la Nati ne peut pas se permettre.

7) Parce que l’Euro est plus accessible pour un petit pays que le Mondial

Les avis sont unanimes pour dire que l’Euro est plus relevé que la Coupe du Monde, à cause de l’absence d’équipes faibles du style Togo, Jamaïque ou Arabie Saoudite. D’un autre côté, l’Euro a déjà débouché sur des vainqueurs surprise comme le Danemark (1992) ou la Grèce (2004). Depuis l’introduction de la formule à trois matchs de poule puis élimination directe à partir des 1/8ème en 1986, la Coupe du Monde a elle toujours vu les équipes surprise se casser les dents en 1/2 finale au plus tard : Belgique (1986), Bulgarie et Suède (1994), Croatie (1998), Turquie et Corée du Sud (2002).
La demi-finale d’une Coupe du Monde c’est le sixième match de la compétition et les petites équipes commencent à ressentir la fatigue, surtout qu’elles disposent généralement d’un réservoir de joueurs moins fourni que les grandes nations. Ces dernières se préparent physiquement pour être au sommet lors de la phase à élimination directe, quitte à passer le premier tour à la raclette (typiquement l’Italie) puis à monter en puissance au fil des tours. A l’inverse, les nations plus modestes sont obligées d’être au top dès le premier match pour franchir le cap de la phase de groupe et commencent à être physiquement sur la pente descendante lorsqu’arrivent les quarts ou les demi-finales.
Il en va différemment lors d’un Euro qui ne dure que trois semaines (contre plus d’un mois à la Coupe du Monde). Le niveau étant plus relevé, même les grandes équipes sont obligées d’être au sommet de leur condition dès le premier tour, sous peine de grande désillusion. Et le fameux sixième match, si souvent fatal aux petites équipes en Coupe du Monde, correspond, dans un Euro, à la finale, où la vue du trophée au bord du terrain permet d’oublier la fatigue. En plus, avec seulement 4 groupes contre 8 à la Coupe du Monde, l’Euro confronte les favoris dès le premier tour, ce qui conduit immanquablement à quelques éliminations de marque, déblayant le terrain pour les outsiders. Voilà pourquoi une équipe comme la Suisse a plus de chances de gagner un Euro qu’une Coupe du Monde.


Et si c’était notre tour ?


8) Parce que le pays organisateur est toujours favorisé

 
On espère que la Suisse n’a pas épuisé son quota de chance avec le tirage au sort «facile» des qualifs de la Coupe du Monde 2010 (soit dit en passant, la dernière fois que l’on a eu un groupe «facile», après deux campagnes de qualifications victorieuses, c’était pour France 1998 avec Norvège, Finlande, Hongrie et Azerbaïdjan : on sait ce qu’il en est advenu…). Mais en principe, boules chaudes ou pas, le pays organisateur est souvent gâté au tirage au sort. Même lorsque l’hôte d’une grande compétition est un petit pays, c’est rare qu’il reste sur le carreau dès le premier tour. La Suède avait été demi-finaliste de son Euro (1992), les Etats-Unis (1994), le Japon et la Corée du Sud (2002) avaient tous au moins franchi le premier tour de leur Coupe du Monde. Il n’y a guère que la Belgique en 2000 qui avait échoué dès la phase de poule de son Euro, malgré un succès dans le match d’ouverture contre la Suède. Mais par la suite, les Diables Rouges avaient été trahis par les facéties de leur gardien de Wilde. La Suisse éliminée à cause des bourdes de son portier ? Inimaginable. Et puis, on s’aperçoit que le pays hôte est rarement prétérité par les arbitres. Disons que si la Suisse bénéficie d’autant d’erreurs d’arbitrage que le Portugal en 2004, il serait presque indécent qu’elle ne devienne pas championne d’Europe.

9) Parce que l’Ukraine n’est pas là

Cette fois-ci, pas d’Ukrainiens en vue pour venir briser le rêve. Si l’on part de l’idée que le tirage au sort sera favorable, l’Euro, ça va se passer de la manière suivante : on commence par un traditionnel 0-0 contre la Suède au terme d’un match crispant. Ensuite, on joue la Roumanie pour un remake du Silverdome 1994, avec Gygax dans le rôle d’Alain Sutter et Degen dans celui d’Yvan Quentin (à ton avis, lequel est le plus crédible ?). Ensuite, on atomise la Pologne, déjà éliminée, 1-0 sur autogoal et la première place du groupe est dans la poche. En 1/4, on retrouve les Pays-Bas, qui se seront miraculeusement extirpés du groupe de la mort, derrière l’Allemagne mais devant la France et l’Italie qui se seront autodétruites sur le premier match ; ça tombe bien, la Hollande est le seul ténor du foot mondial que la Nati a battu sous l’ère Köbi Kuhn. La demi finale donne l’occasion des retrouvailles tant attendues avec nos amis turcs, que l’on bat 2-0, comme d’habitude. Et cette fois-ci, pas de match retour à jouer hors des frontières du monde civilisé. En finale, c’est l’Espagne, qui est enfin parvenue à tirer parti de son formidable potentiel. Sauf qu’en finale, les Ibères se souviennent qu’ils sont censés être nuls avec leur équipe nationale et, une Arconada plus tard, nous voilà champion d’Europe. Facile, non ?


Hop Suisse !


10) Parce que la Suisse disposera d’un gardien d’exception en juin 2008
 
Sait-on jamais : après tout la Suisse n’a plus pris de but dans une grande compétition depuis 396 minutes de jeu. Bon d’accord, la méthode Coué a ses limites, je crois que je vais m’arrêter là avant de trop m’enfoncer.

Photos copyright www.mediasports.ch – Pascal Muller

Écrit par Julien Mouquin

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