Zoom sur… Le foot anglais a vendu son âme

A l’heure où la Premier League est en train de réfléchir à organiser des matches à l’étranger afin de faire tourner encore mieux sa machine à fric, CartonRouge.ch a le plaisir de republier l’article – et les nombreux commentaires qu’il avait suscités ! – de Gary Romain du 6 juin 2007.


Tout fout le camp, comme dirait l’autre. Avec l’arrêt Bosman, le foot européen s’est retrouvé complètement chamboulé, et pour l’heure, seuls les joueurs y ont trouvé leur compte. Les spécificités nationales qui faisaient le charme des différentes ligues n’y ont pas survécu, la Premier League en premier.

Certes, on pourra toujours avancer que le foot allemand est plus débridé tactiquement, que le physique est moins important en Espagne ou que le Calcio est très tactique (en oubliant volontairement que le foot suisse est tout simplement… nul). Mais la grande victime de cette nouvelle ère est sans conteste le football anglais.
 
Autrefois, le «kick & rush» régnait sur le jeu britannique. Sans voir la couleur des maillots, on savait qu’une équipe anglaise était en lice. Le jeu rapide vers l’avant, fait de duels, de passes en appui, de grands parpaings vers les attaquants et de tacles à la jugulaire… Tout cela nous a fait rêver, le summum de la saison était commenté chaque année sur TSR par son plus grand supporter sous nos latitudes, le seul, le vrai, l’unique et inénarrable Monsieur Jean-Jacques Tillmann, et son acolyte-alcoolique Max Marty.
 
Aujourd’hui que les frontières ont été ouvertes aux quatre vents, le foot de l’île a perdu de son charme. Les clubs vont se servir allègrement dans toute l’Europe et même dans le monde. Au départ, la mode était au pillage des centres de formation français, Arsène Wenger avait lancé une sorte de mode. Tout à coup, des joueurs inconnus dans l’Hexagone débarquaient en Premier League sans qu’on ne sache trop pourquoi. Des Grimandi, des Legwinsky, des Le Tallec, des Alliadière et j’en passe… Ajoutez-y des Jean-Marc Libbra voire même des Gilles Rousset en Ecosse et vous comprendrez comment le n’importe quoi a vite été dépassé…


Arsène Wenger a lancé une mode…

Puis l’exode s’est démocratisé à tout le Vieux-Continent et même plus loin. Des joueurs de n’importe où ont débarqué, surtout sous le prétexte du prix plus abordable. Les internationaux anglais s’arrachaient déjà à prix d’or, malgré une équipe nationale moribonde (et le mot est faible). Vous connaissez le truc du cercle vicieux… Franchement, après l’échec de Juan Sebastian Veron – pourtant au jeu très physique – à Manchester United, qui aurait un jour pensé qu’un club allait oser recruter un de ses collègues argentins ? Pire encore ! L’arrivée massive de joueurs portugais ou espagnols – voire même brésiliens – dans ce championnat pourtant à l’opposé de la culture footballistique de ces contrées. Un gars comme Ivan Campo, je ne dis pas, ça peut être rigolo, mais des Arbeloa, Luis Garcia, Nani, Reyes… Seule l’Italie résiste encore aux sirènes qui font chglingchglingchgling (lisez et imaginez le bruit de piécettes sonnantes et trébuchantes) des portefeuilles débordants des clubs anglo-saxons. L’exception qui confirme la règle étant Gattuso, (dé)formé aux Rangers.
 
Il y a dix ans, qui aurait imaginé un Cristiano Ronaldo ou un Benayoun réussir sous ces latitudes ? Il fut un temps où un Roy Keane ou un Stuart Pearce, pour ne citer qu’eux, lassés par des passements de jambes à répétition, auraient coupé court à ces artifices au moyen d’un tacle bien appuyé entre les deux oreilles. Mais comme dans tous les championnats, des techniciens étrangers ont fait évoluer les mentalités. Bien sûr ça enrichit les palettes tactiques des clubs, ça fait diverger les plans de jeu et ça ajoute du piment aux matches. Quoique…
Si l’article était basé sur d’abstraites conclusions ethnico-tactiques, nul doute que le lecteur ne pourrait que de manière limitée être d’accord avec l’auteur de ces lignes. Mais la perte d’identité du football anglais ne s’arrête pas à ces basses considérations. L’afflux mondial de devises venues des trois quarts de la planète a presque définitivement achevé le championnat du pays qui a inventé ce jeu. Le précurseur en la matière était sans doute Al-Fayed, qui a été le premier magnat richissime à se payer un club de foot comme «danseuse». Il a ouvert la porte au grand n’importe quoi.


Roman Abramovitch a pourri le foot anglais
 

Le fond a été touché depuis la reprise de Chelsea (club historiquement médiocre s’il en est) de Roman Abramovitch, homme d’«affaires» (sic) russe qui a fait fortune plus vite qu’il ne faut pour l’écrire. Ce mégalo a profité de la privatisation massive des ressources russes qui a suivi la chute du Mur de Berlin et des régimes communistes pour se créer un empire, qui fait de lui au jour d’aujourd’hui une des dix plus grosses fortunes britanniques. Ne sachant plus quoi faire de son argent, après s’être acheté une femme blonde, un yacht de 159,50 mètres et des propriétés aux quatre coins de la planète, il a décidé de s’offrir un (enfin officiellement un, le CSKA Moscou et l’équipe russe lui appartiennent pour beaucoup également) club de foot, histoire de faire bien et de se la péter auprès de ses petits camarades de la jet-set.
 
Puis, il a décidé de faire comme nous le ferions au Monopoly ou dans un jeu de management de foot sur PC (après avoir triché et s’être octroyé un budget de transfert de 999’999’999 £ivres)… Il s’est payé José Mourinho, l’entraîneur le plus prometteur et récent vainqueur de la Ligue des Champions avec Porto, il a payé des sommes folles, complètement hors marché, pour arracher les individualités qui plaisaient à son coach. Ça a bien tourné une, deux années, puis c’est devenu la folie et ce à tous les niveaux quand ses adversaires au classement ont craqué eux aussi. Chelsea a signé deux des meilleurs joueurs du monde (Ballack et Shevchenko) qui sont venus s’ajouter, au mépris de tout équilibre, à un effectif déjà pléthorique. Et cette folie a contaminé tout le monde.
 
West Ham a fait venir deux immenses espoirs argentins on ne sait toujours pas comment (on sait à peu près, mais la justice suivant son cours…), Portsmouth aux mains d’un autre mégalo Russo-Palestino-Irano-Arménien du Nord s’est acheté la moitié des joueurs du championnat, et j’en passe. Non pas que cela me dérange qu’ils claquent leur thune n’importe comment et dans tous les sens, mais il y a un équilibre à respecter que l’UEFA n’est pas capable d’imposer. Demandez à Leeds ce qu’ils en pensent.


Tevez et Mascherano, les deux Argentins
achetés à coups de millions par West Ham

Quand on voit les «Hammers», au fin fond de la Premier League, offrir des sommes astronomiques (11 millions d’euros) pour un joueur tel que Mamadou Niang (humpf…) alors que l’OM, club phare du championnat de France, peine à aligner 7 millions pour arracher ses services… Quand on voit un international espoir de 21 ans comme Youness Kaboul (stoppeur d’Auxerre) partir à Tottenham pour 12 millions d’euros (la même somme que la clause de cession définitive de Cissé à l’OM), on est en droit de se poser des questions quant à la cohérence voire même la santé mentale de certains clubs.
 
De telles sommes dépassent l’entendement, et les stars ne se dirigent plus en priorité vers les réputés championnats espagnols ou italiens, mais vont s’empiler dans des clubs moyens du ventre mou anglais. On parle d’une offre de 60 millions pour Eto’o. Qui aurait imaginé un jour que le style de jeu de Samuel puisse coller avec l’engagement britannique ? Le Camerounais est épais comme un Gebreselassie anorexique, dans le temps, il se serait fait découper ! Tout cela pour terminer sur la perte d’identité des supporters par rapport à leur club. Deux-trois joueurs anglais au maximum par club, comment se sentir proche d’un effectif garni de dix nationalités ?
 
Concernant les fans, certes les stades d’Old Trafford, Emirates Stadium ou Stanford Bridge sont pleins, mais le «supporter moyen» a changé du tout au tout. Il n’y a qu’à voir le changement flagrant d’ambiance dans les stades anglais (Liverpool restant une exception). Les prix exorbitants pour s’offrir un abonnement annuel décourageant le fan de base (exemple : 700 euros à ManU), le public de Premier League a radicalement évolué ces dernières saisons pour devenir une catégorie de privilégiés. Les chants dans les enceintes sont désormais chasse gardée des visiteurs, les derniers supporters acharnés garant de l’esprit que l’on a toujours admiré chez les fans de foot anglais.
 
Les sommes astronomiques en jeu (notamment l’explosion des droits TV), l’équipe nationale au plus bas, les patrons étrangers venus gérer les clubs comme des entreprises, combien de temps tout ceci va mettre pour lasser les «petites gens», fans de base, véritable vache à lait d’un système qui a aujourd’hui complètement explosé et dépassé les instances nationales et internationales ?

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4 Commentaires

  1. Pour Devils :

    Je pense que ces quotas sont simplement inutiles. Un fan supporte un club. Un fan qui supporte UN joueur nest pas un vrai. Je ne sais pas pour toi, fan de Manyoo vu ton pseudo, mais jaurais une question : Vois-tu le drapeau Portugais défilé devant tes yeux lorsque C.GRonaldo marque ? A mon avis non.

    fin bref, tout ça pour dire quon sen tape de la nationalité après tout, « Le passeport ce nest pas qui tu es, cest doù tu viens ! » (merci Arsène).

  2. Pour Kas

    Effectivement je ne vois pas de drapeau défilé quand Ronaldo marque et non je ne suis pas fan de UN joueur mais du club de Manyoo comme tu lécris.
    Je suis daccord avec toi sur le fait quon sen tape de la nationalité mais simplement je regrette les équipes avec une fortes connotations locales qui renforcent le lien supporters-joueurs et qui font la fierté de toute une région.

    Je sais, tout ça cest un peu ringard et nostalgique dans le foot moderne….

  3. Vive le foot écossais!

    Là-bas, pas vraiment de tactique ni de technique mais de lengagement à tout va! Les effectifs sont majoritairement écossais (excepté les lithuaniens des Hearts) et les billets de match ne coute rien 5£ pour un étudiant à Tynecastle (excepté contre le Old Firm).

    Mais faut pas sattendre à autres choses que des tacles et des dégagements, cest beau le foot…

    Et surtout lambiance et fantastique!

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