Plus qu’un match

Cet article commence par une devinette : il s’agit de trouver un club sportif dont le nom vient d’un quartier débutant par la lettre S et se terminant par la lettre E, situé dans une ville commençant par GE, jouant ses matches dans un lieu dont les lettres initiales sont VE et qui n’a pas gagné de titre national depuis des décennies.

Tu me diras, facile, c’est Genève-Servette et les Vernets. Faux. J’en ai pas terminé avec la définition : le club en question termine toujours sa saison après le 15 mars, bénéficie d’un incroyable engouement populaire, jouant tous ses matches à guichets fermés ou presque dans une enceinte ultramoderne où la bière est excellente. Du coup, Genève ça ne colle plus du tout. C’était Schalke 04 et sa phénoménale Veltins-Arena qu’il fallait trouver.A chaque fois que je me rends dans l’arène de Gelsenkirchen, je scrute le ciel tout au long du trajet, à l’affût du moindre nuage, en espérant qu’une averse impromptue entraînera la fermeture du toit amovible et transformera le stade en patinoire géante. Mais vendredi, il n’y avait aucun espoir, il faisait un temps magnifique sur la Ruhr, pas le moindre nuage à l’horizon, ni même une once de smog ; pourtant, ce ne sont pas les usines et les cheminées fumantes qui manquent dans cette bucolique ville de Gelsenkirchen. Malgré l’ouverture du toit, l’ambiance est énorme dans la Veltins-Arena pour la venue du VfL Wolfsburg. Je l’ai déjà dit à maintes reprises mais je le répète encore une fois : la Ruhr, c’est vraiment la Mecque du football (l’une des chansons de S04 affirme que Mahomet n’avait rien compris au foot mais qu’il avait inventé le blanc et le bleu…).

Dix jours après Wembley, Diego Benaglio découvre donc un autre temple du football mondial, un peu moins connu, mais où les fans des Knappen (mineurs) mettent une toute autre ambiance que les banquiers de la City à Londres. Le gardien suisse avait été le héros du match de Coupe opposant les deux mêmes équipes deux semaines auparavant, rencontre qui s’était conclue par la victoire de Wolfsburg aux penalties alors que Schalke avait largement dominé les débats. Il y a donc de la revanche dans l’air, surtout que les Königsblaue viennent de passer 7 buts à Stuttgart et Dortmund, les deux équipes qui les avaient privé du titre la saison dernière. Mais Wolfsburg est également en pleine confiance puisque les Wölfe, comme Schalke, ont réalisé un parcours sans faute depuis la reprise de la Bundesliga.
Malgré l’attractivité de l’affiche, la Veltins-Arena n’affiche pas complet, pour la deuxième fois de la saison. Les quelques centaines de places libres sont imputables aux supporters du VfL, incapables de remplir le bloc qui leur était alloué. En 1ère mi-temps, les fans des Wölfe n’auront pas beaucoup l’occasion de s’enflammer car la domination de Schalke 04 est assez nette. Mais les Knappen manquent de précision dans le dernier geste et les tentatives de Kuranyi, Ernst et Westermann passent juste à côté des buts de Benaglio. Le gardien suisse réussit un arrêt réflexe brillant devant Kuranyi (25e) permettant aux Wölfe d’atteindre la pause sur un nul flatteur, le VfL ne s’étant créé qu’une chance de but avant la pause, un tir trop croisé de Dejagah.

Ce résultat nul ne fait pas les affaires de Schalke 04, qui s’est pris à nouveau à rêver de titre après ses brillants succès contre Stuttgart et Dortmund. Les Knappen reprennent leur domination ; idéalement placé, Løvenkrands tire dans les bras de Benaglio. A la 60e, Kuranyi et Løvenkrands arrivent à deux seuls devant le portier de la Nati mais l’international allemand appuie trop sa passe qui part en six mètres sans pouvoir être reprise par son coéquipier. La pression monte sur Wolfsburg, la Veltins-Arena pousse et le verrou du VfL va finir par sauter.
A la 64e, Asamoah se présente seul devant Benaglio, qui sauve comme il peut. Pas de chance pour lui, la balle revient sur l’Uruguayen Sanchez, qui venait d’entrer et qui peut ouvrir le score. Il n’y a rien à reprocher à Benaglio sur ce coup-là ; il sera d’ailleurs le joueur le mieux noté de la rencontre dans le Bild, juste derrière le héros du soir, l’ex-joueur du Mans Grafite. Lorsque la Suisse aura été championne d’Europe grâce aux prouesses de son dernier rempart, Köbi Kuhn pourra offrir une Carlsberg (sans alcool) à Felix Magath, pour le remercier d’avoir extirpé son portier titulaire de l’anonymat du championnat portugais et de ses stades vides pour lui permettre de s’aguerrir dans la ligue la plus populaire du continent. J’ai d’ailleurs croisé des Suisses allemands avec des maillots de Null Vier et des grands drapeaux suisses qui braillaient des chansons à la gloire de Köbi dans les couloirs de la Veltins-Arena, j’ai essayé de m’enquérir du rapport entre Schalke, la Suisse et Köbi mais les supporters en question n’étaient déjà plus trop en état de s’exprimer de manière intelligible. Et le match n’avait pas encore commencé… Gelsenkirchen un vendredi soir, c’est assez festif.

Je pensais, tout comme l’immense majorité des spectateurs de la Veltins-Arena, que Schalke avait fait le plus dur avec cette ouverture du score car le VfL ne donnait pas vraiment l’impression de pouvoir inquiéter Neuer. C’est donc un peu à la stupeur générale que les Wölfe vont égaliser sur un ballon qui traîne dangereusement dans la surface de réparation königsblaue et que Bordon ne parvient pas à dégager, permettant au Brésilien Grafite de marquer d’un extérieur dans le petit filet. Et tout était à refaire pour les Knappen, qui ne se sont jamais remis de cette égalisation.
Les efforts désordonnés et peu convaincants des Königsblaue pour reprendre l’avantage seront réduits à néant à six minutes de la fin, lorsque le gardien Neuer fauche Dzeko, qui se présentait seul. L’arbitre dicte un penalty que transforme impeccablement Grafite. Sans vraiment l’avoir cherchée, le VfL repartait avec la victoire. C’était bien évidemment la consternation dans la Veltins-Arena. Schalke 04 a sans doute perdu plus qu’un match vendredi soir, cette défaite sonnant probablement le glas des espoirs de titre de la troupe de Mirko Slomka. Car, pour prétendre à la consécration, les Knappen n’ont pas le droit d’égarer des points comme cela à la maison contre un Wolfsburg, certes discipliné et réaliste, mais qui n’avait rien d’un foudre de guerre.

Schalke 04 ne pouvait sans doute pas imaginer pire façon de préparer son 1/8e de finale de Champion’s League de mardi contre Porto. A cette occasion, le règlement antédiluvien de l’UEFA interdisant les places debout va ramener la capacité du stade à un peu plus de 50’000 places. C’est dire qu’environ 10’000 fans des Knappen qui sont là à tous les matches de championnat, contre Cottbus, Bielefeld ou Rostock, seront exclus de la fête. Il serait peut-être temps que l’UEFA comprenne que, dans des stades modernes, les places debout présentent moins de risque que des supporters qui se tiennent debout sur des sièges et revoie son règlement.

Schalke 04 – VfL Wolfsburg 1-2 (0-0)

Veltins-Arena : 60’387 spectateurs.
Arbitre : M. Kempter.
Buts : 64e Sanchez (1-0), 73e Grafite (1-1), 84e Grafite (penalty, 1-2).
Schalke : Neuer ; Rafinha, Bordon, Krstajic, Westermann ; Rakitic (87e Zé Roberto), Ernst, Kobiashvili (81e Streit), Løvenkrands (62e Sanchez) ; Kuranyi, Asamoah.
Wolfsburg : Benaglio ; Ricardo Costa (78e Dzeko), Madlung, Simunek, Schäfer ; Gentner, Josue, Marcelinho (83e Riether), Santana (61e Hasebe) ; Dejagah ; Grafite.
Cartons jaunes : Ricardo Costa (40e), Dejagah (62e), Rakitic (73e), Neuer (84e).
Notes : Schalke sans Jones ni Grossmüller (suspendus) ni Pander (convalescent) ; Wolfsburg sans Karimow (blessé).

Écrit par Julien Mouquin