L’UEFA fait trembler les formateurs

Dans le but de promouvoir la formation, l’UEFA impose dorénavant aux clubs qui disputent une Coupe d’Europe d’aligner au moins six jeunes «formés» au club. Verra-t-on ainsi plus d’Anglais dans des clubs britanniques ou un nombre plus conséquent d’Italiens dans les contingents transalpins ? Rien n’est moins sûr, les gros ont de toute façon déjà trouvé la parade.

Parmi les 25 individualités qu’un club qualifie pour la saison européenne, il doit au minimum y coucher les noms de six joueurs formés en son sein. Mais contrairement au bon sens, ce footballeur peut venir de n’importe quelle contrée, pourvu qu’il ait passé au moins trois ans (ou 36 mois selon le règlement, allez comprendre la différence), de manière consécutive ou non, dans cette même équipe entre 15 et 21 ans.Du coup, nombreux sont les clubs à s’être adaptés et à avoir changé en conséquence leurs manières de fonctionner. Depuis longtemps, les centres de formation suisses, français ou autres sont l’objet d’intenses visionnages par les grands clubs de tout le continent. Mais auparavant, ceux-ci avaient au moins la décence d’attendre que le «gamin» ait du poil au menton ou tout bêtement terminer son cursus scolaire. Dorénavant pas de pitié pour les croissants des formateurs, le chasse au talent est ouverte dès l’âge de 15 ans. Une sorte de néo-pédophilie légale. Tant que les parents – et leurs comptes en banque – sont consentants, il n’y a pas v(i)ol.

Investissement à fond perdu

Alors que le Lausanne-Sport perd ses meilleurs éléments avant même leur première apparition en équipe première, est-il encore rentable d’investir dans la formation ? Un excellent papier de 24 Heures nous renseignait voilà peu sur l’avenir de quatre jeunes Lausannois en partance pour Monaco, Manchester City et Grasshoppers. Mais les conditions d’entraînement ainsi que les perspectives d’avenir sont-elles plus «vertes» ailleurs ?
Les exemples sont légions parmi les «Titans», premiers Suisses à obtenir un titre international en football. Si certains ont réussi une carrière honorable et tenu toutes leurs promesses, nombre d’entre eux sont retournés dans l’anonymat quasi-complet. Qui, à part les physionomistes de LNB, se souviennent en effet des Antic, Dugic, Burki voire Schneuwly, partis pour mieux revenir la queue entre les jambes ou grillés par leur équipe respective, trop prompte à vouloir capitaliser sur cet éphémère succès ?


Schneuwly sous le maillot de YB

Jouer ou le pognon, telle est la question

Alors qu’un Alexandre Pasche a fait le choix d’engranger de l’expérience en évoluant régulièrement en Ligue B malgré des offres mirobolantes, Veseli va pour sa part goûter aux âpres joutes entre réserves anglaises dans le club de Gelson Fernandes, tandis que les jeunes Rochat et Fedele vont apprendre de quels bois se chauffent les défenseurs du SC Balma, de l’EP Manosque et d’Andrézieux avec la CFA de Monaco… Des euros et des livres en plus, mais pour quel résultat au final ?
Combien de Burki pour un Djourou ? Si le défenseur genevois a su faire sa place («Arsène compte sur lui…»), Jonas Elmer s’est royalement planté à Chelsea et on attend avec impatience de voir un des frères Bellon pointer le bout de ses crampons en Premier League avec Aston Villa. Pourquoi, à part l’appât du gain, après tant d’échecs cinglants pour de nombreux espoirs, les parents et les agents des joueurs continuent de disséminer ces talents aux quatre coins de l’Europe ?

La France prend peur

Exemplaire pour tous les autres pays européens, la sacro-sainte «formation à la française» est en péril. Durant les récents Championnats d’Europe des M17 en Turquie, deux des éléments majeurs de la formation tricolore appartenaient d’ores et déjà à Arsenal (Gilles Sunu) et à Chelsea (Gaël Kakuta). Concernant ce dernier, arrivé à Londres en juillet dernier en provenance de Lens, les rumeurs font état d’une prime à la signature d’un million d’euros et d’un salaire mensuel de 30’000 euros par mois… Comment résister à la tentation de se prémunir du besoin ad vitam aeternam avant même ses 20 ans ?
Rennes est d’ailleurs en passe de perdre un des éléments les plus prometteurs de sa formation, Jérémy Hélan. Pourtant, le club de Julian Esteban lance régulièrement des jeunes et a obtenu le titre de meilleur centre de formation de France à plusieurs reprises. Mais le pensionnaire de l’INF Clairefontaine a choisi de s’expatrier à Manchester United, malgré un accord de non-sollicitation signé à 13 ans. Belle marque de reconnaissance pour le premier club à avoir cru en lui.


Esteban, du temps de sa «splendeur» au SFC

Dans ce contexte, vaut-il encore la peine, pour le FC LS par exemple, d’investir une large part de son budget pour «sortir» des joueurs, sachant que cette saison le départ de ses quatre jeunes éléments va lui rapporter à tout casser 300’000 francs ? L’UEFA va devoir plancher sur le sujet afin de ne pas dégoûter les derniers clubs à faire l’effort d’éduquer – tant physiquement qu’intellectuellement – les joueurs. Sous peine de se retrouver avec des générations de Franck Ribéry et de n’entendre que des «à partir de là» dans la majorité des interviews d’après-match.

Photos Pascal Muller, copyright
www.mediasports.ch

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11 Commentaires

  1. Je pense que la tactique de formation tel que le pratique le LS reste la meilleure solution pour les clubs en Suisse…

    Malgré tout, il ne faut pas sétonner que les jeunes partent prématurement vu les ambitions de la première équipe… Je comprends parfaitement les jeunes qui quittent le LS pour Bâle ou GC (GC = meilleur centre de formation de suisse).

    Par contre cest vrai quil est très difficile de comprendre certains joueurs qui préfèrent partir en Angleterre plutôt que de rester en Suisse.. Cest le meilleur moyen denterrer sa carrière…

  2. LASF veut que la Ligue B soit « formatrice », est-il normal que tous ces jeunes donc formés en ligue B puissent partir fournir les gros clubs suisses de leurs futurs joueurs de première équipe pour des misères?
    Adelson Cabral à Bale, Bruce Lalombongo à GC sont tous deux en équipes suisses et probablement des futures titulaires en LNA.
    Maintenant cest 4 des meilleures jeunes qui partent pour une indemnité denviron 70000.- et le LS qui investi tant dans son centre de formation lui doit se contenter daccepter cette situation et de galérer au niveau financier.
    En gros, restez en LNB et donnez vos bons joueurs aux clubs de LNA et faites nous pas chier.

  3. @ LS

    Exact!! Tu ne peux pas forcer comme tu le dis des super talents à moisir dans un club comme le LS (cest du gâchit pour leur carrière). A un moment donné, il faut laisser le joueur passer au niveau supérieur et cest bien normal..

    Cest clair que ça fait mal pour le LS mais à eux de faire les investissements nécessaires pour retrouver lélite et garder leurs jeunes…

    Je précise que je suis vaudois et donc pas un anti-LS primaire qui se réjouit de voir le club perdre ses jeunes…

  4. Cest à la fédération de faire ce quil faut pour protéger les clubs (qui sont à la base des futures « stars » qui joueront en équipe nationale) formateurs. On ne peut rien faire si un joueur décide de partir si mais le club doit être indemnisé à sa juste valeur.

    10000.- pour Ben Khalifa (meilleur buteur des -17 suisse qui se sont qualifiés pour leuro -17, ce qui est enorme) me semble plus que leger. Et je doute que le LS percoive des primes si Ben Khalifa confirme tous les espoirs placés en lui. (p.ex sil signe de GC à un club étranger pour un gros montant).

    Il ne faut pas oublier que le LS est un club phare du football suisse et retrouvera sa place dici quelques années à nen pas douter.

    La question est de savoir si lASF préfère que le LS continue à offrir ses meilleurs jeunes (suisses pour la plupart) aux autres gratuitement ou si cet argent investi dans la formation est sans intérêt et quil serait plus logique dinvestir dans des joueurs étrangers afin de monter une équipe pour retrouver sa place en LNA (Bellinzone par exemple.) ?

  5. « Qui, à part les physionomistes de LNB, se souviennent en effet des Antic, Dugic, Burki voire Schneuwly, partis pour mieux revenir la queue entre les jambes ou grillés par leur équipe respective […] ? »

    Les physionomistes de LNB auront bien du mal à les reconnaître, puisquaucun deux névolue dans cette ligue!

    Pas physionomiste du tout Gary Romain: sur la photo, il sagit de Christian Schneuwly (né en 1988), frère de Marco (génération M17 champions dEurope), dont il est question dans larticle. Marco Schneuwly qui nest dailleurs pas « parti pour mieux revenir la queue entre les jambes ». Les Young boys ne lont pas vraiment grillé non plus, puisquaprès avoir alterné U21 et première équipe à YB, il a été prêté deux saisons à Sion (14m/4g) et Kriens (32/9), avant de revenir cette année à Berne avec succès (30 matchs de championnat).

    Goran Antic a lui aussi connu une évolution normale (Winterthur, Wil, Vaduz en Challenge League) avant de faire le saut avec Aarau (34 matchs/8 goals la première saison – 25/0! la seconde).

    Burki, par contre, est bel et bien rentré par la petite porte en Suisse après une expérience manquée au Bayern, mais a su rebondir, étant désormais depuis deux saisons titulaire indiscutable à Aarau.

    Il ny a finalement que Slavisa Dugic que lon ne risque pas de voir jouer, puisquil sest exilé en Bosnie (Modrica Maksima) sil fait encore du foot. Sa dernière expérience helvétique remonte à 2006 et une pige en 2ème ligue inter.

    Quant à Jonas Elmer, cité aussi, sest-il vraiment « royalement planté à Chelsea »? Revenu en Suisse, le défenseur sest imposé à 19 ans dans lélite (ok, Aarau cest pas Londres, mais des Suisses qui jouent trente matchs par saison à ce niveau, ça coure pas les rues non plus).

    Et puis qui nous dit que le talent dAlexandre Pasche (que je ne connais dailleurs pas du tout) sexprimera mieux contre Gossau, Wohlen que contre les espoirs Toulousains ou ceux de lASSE, de lOGNice ou Montpellier?

    Le choix de partir jeune (disons vers 16-17 ans) à létranger est-il, tant du point de vue footballistique que psychique, forcément néfaste? Il y a sans doute autant de regrets du côté de joueurs qui nont pas fait le pas, que de ceux qui se sont brûlés les ailes hors de nos frontières.

  6. Moi je me souviens de Goran Antic! le match LS-Vaduz de la saison 04-05. 3-1 pr le LS devant 7600 spectateurs…
    comme quoi, le temp passe vite!

  7. Cher kolbak,

    Merci pour ton commentaire.

    Toutes les excuses de la rédac pour la photo du « mauvais » Schneuwly. Gary Romain ny est pour rien, cest le réd en chef qui sest mélangé les pinceaux 😉

    La photo a été modifiée.

    Meilleures salutations sportives et à bientôt sur CartonRouge.ch !

    La rédac

  8. @ LS, tu peux me dire où tu as été chercher la somme de 10000 francs pour le transfert de Ben Khalifa?
    Le problème avec ces jeunes, cest qu’on leur propose des choses quils nont pas ici. Et malheureusement je ne pense pas quil faut mettre la faute seulement sur largent. Que propose le LS aux quatre jeunes qui vont partir à la fin de cette saison… PFFFF rien de bien merveilleux. Par contre pour certains ils ont eu droit à des plans de carrière structurés, des entraînements quotidiens et des entraînements spécifiques donnés par des entraîneurs qui sont des salariés du club! Au LS même lentraîneur de la 1ère nest pas pro!!!!

    Le nerf de la guerre cest largent cest sûr, mais si on peut proposer aux jeunes talent un suivi professionnel, je suis persuadé que certains resteraient, jai bien dis certains, car quand on tinvite un week-end à Monaco, que tu loges dans le plus belle hôtel de la principauté, on ten mets plein la vue et l’on te promet plein de choses, cest difficile de garder les idées claires!!!!

  9. Je suis francais de suisse et cest clair que chez nous cest abusé comme on se fait piller. Kakuta et lexemple parfait, bon encore lui ca va parcquil va percer, mais des mec comme Aliadière et consort ca fait mal pour eux.

  10. Pourquoi il ne vous viendrais pas à lidée que quand un joueur a 17 ans et qu un grand club vient lui proposer de rejoindre son club avec des installations high tech et toutes les infrastructures pour se sentir vraiment professionel et non pas un centre de formation dans une caserne militaire.. comme à lausanne.. cest le coté sportif et une occasion a ne pas raté plutot que largent comme le dit lauteur de larticle et comme on lentend souvent..

  11. jaime bien larticle qui traite assez bien de labsence de protection des clubs formateurs.
    Je nuancerais toutefois sur le « péril » de la formation à la française puisquelle contribue quand même largement à ce système et même quelle en vit au travers du recrutement de jeunes joueurs africains dès leur plus jeune age (adebayor à 15 ans, gueye ? djiba ? diouf à Sochaux ?), ou de ceux des championnats européens de 3ème zone (pjanic à 14 ans à Metz, Keseru à Nantes à 16 ans… ou enfin damérique du sud (Ederson à Nice à 18 ans, Léo lobscur latéral droit brésilien qui a parait-il jouer à lOM il y a quelques saisons).

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