Germains vincibles ?

L’Allemagne, l’une des grandes favorites de la compétition, t’est présentée aujourd’hui par Julien Mouquin, notre «Monsieur Bundesliga». Un pays qui, malgré toute sa bonne volonté, devrait se faire éliminer par la Suisse soit en quart, soit en demi-finale… Prochain pays : la Pologne par notre spécialiste des équipes de l’Est, Timothée Guillemin.

1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays En fait, je n’ai pas choisi. Marco, notre rédacteur en chef, m’a appelé et m’a dit «on est en train de répartir les présentations pour l’Euro 2008 et tu es tout indiqué pour écrire celle sur l’équipe d’Allemagne». J’ai accepté mais j’étais un peu interloqué, je ne voyais pas trop pourquoi j’étais si qualifié pour parler de l’Allemagne. Après réflexions, je me suis dit qu’éventuellement le fait d’avoir assisté cette saison aux matchs Karlsruhe – Schalke 04, Bayern – Werder, Eintracht – Hertha, Dortmund – Duisburg, Kaiserslautern – Mönchengladbach, Stuttgart – Leverkusen, Dortmund – Bayern, Dortmund – Francfort, Hertha – Bayern, Hambourg – Hannover 96, Stuttgart – Hertha, Schalke 04 – Wolfsburg, Duisburg – Stuttgart, Karlsruhe – Wolfsburg, Dortmund – Nuremberg, Schalke 04 – Hannover 96, Köln – Hoffenheim et Kaiserslautern – Köln y était peut-être pour quelque chose. Mais ce n’est qu’une supposition, il a parfois des idées étranges Marco.

2) A quoi sert ce pays ?
Si l’on s’en tient à un point de vue strictement footballistique, l’utilité première de l’Allemagne est d’éliminer la France en demi-finale de la Coupe de Monde. Si l’on élargit un peu le champ d’investigation, on pourrait aussi parler de cette magnifique institution que constitue l’absence de limitations de vitesse sur les autoroutes. Mais surtout l’Allemagne, c’est la pays de la Sainte Trinité : Rammstein, l’Oktoberfest et la Bundesliga.

«Ein Prosit, ein Prosit der Gemütlichkeit !»

3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ?
Alors que les autres grandes nations européennes ont connu les pires tourments pour se qualifier, ou sont même restées sur le carreau, l’Allemagne a obtenu son ticket pour l’Euro avec une insolente facilité. Il y a eu un petit couac avec un nul à Chypre mais sinon la Nationalmannschaft s’est promenée dans ces éliminatoires, assurant sa qualification à quatre matchs de la fin ! Les Allemands se sont un peu déconcentrés une fois leur billet acquis, ce qui leur a coûté la première place de leur groupe mais ne les a pas empêché de terminer meilleure attaque des éliminatoires.

4) Pourquoi vont-ils gagner l’Euro ?
L’inoubliable Gary Lineker dirait «parce que le football est un sport qui se joue à onze et où ce sont les Allemands qui gagnent à la fin». Un autre dicton issu de la sagesse populaire affirme que «lorsque l’Allemagne aborde une grande compétition internationale avec une mauvaise équipe, elle va en finale, avec une bonne équipe, elle gagne.» Cela tombe bien, cette année l’Allemagne a une bonne équipe, à mon avis supérieure à celle de 2002, finaliste de la Coupe du Monde, ou celle de 1996, championne d’Europe. Le potentiel offensif est impressionnant avec quatre joueurs capables de marquer à tout moment. Kuranyi, Podolski, Klose et Gomez. Avec Frings, Rolfes, Ballack, Borowski, Hitzlsperger et Schweinsteiger, le milieu de terrain est monstrueux de puissance et de présence physique. Ce n’est peut-être pas très chatoyant mais c’est un rouleau compresseur auquel il sera difficile de résister. Et chaque balle dans les 30 derniers mètres peut finir par une mine dans la lucarne. Ajoute à cela deux latéraux qui peuvent se muer en ailier et le formidable esprit de compétition qui anime toujours la Nationalmannschaft et tu comprendras pourquoi l’Allemagne est régulièrement citée parmi les favoris.

Attention, danger !

5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?
Nos voisins d’outre-Rhin ont été plutôt vernis au tirage au sort, avec un groupe a priori facile au 1er tour et l’assurance d’éviter la Hollande, l’Espagne, l’Italie et la France avant la finale. Certes, lors de la dernière Coupe du Monde, la Nationalmannschaft avait dû attendre la 90e pour battre la Pologne. Le match contre l’Autriche sera un derby, avec ce que cela suppose d’irrationnel. Et l’équipe de Croatie compte dans ses rangs quelques unes de plus fines gâchettes de la Bundesliga (Petric, Olic, Klasnic, Rakitic…). Mais de là à imaginer une élimination allemande au 1er tour… Il faudrait un cataclysme. Les faiblesses des Aigles sont plutôt à chercher en défense : le très contesté Jens Lehmann n’a pas souvent été titulaire avec Arsenal et sa performance en amical contre la Biélorussie n’a rassuré personne (ou peut-être les Autrichiens qui ont entrevu l’espoir de marquer un but dans leur Euro) ; Christoph Metzelder a été longtemps blessé au Real Madrid alors que son compère de l’axe central Per Mertesacker n’a pas souvent rassuré au sein de la défense du Werder Brême. Et les solutions de rechange (Friedrich et Westermann) sont des latéraux de métier.

6) Qui sont les joueurs à surveiller ?
Miroslav Klose sort d’une saison mitigée avec le Bayern mais c’est un homme de grand rendez-vous : meilleur buteur de la Coupe du Monde 2006 et deuxième en 2002. Mario Gomez a tout pour devenir l’un des meilleurs attaquants de la planète et il pourrait le prouver dès cet Euro qu’il aborde avec des réserves, en raison de quelques ennuis de santé en cours de saison. Le constat est aussi valable pour Michael Ballack, qui a fini la saison en trombe avec Chelsea. Pas toujours titulaires au Bayern, Lukas Podolski et Bastian Schweinsteiger seront également frais, tout comme les râtisseurs Torsten Frings et Tim Borowski, longtemps blessés au Werder mais revenus en forme juste à temps. Et je pense que Thomas Hitzlsperger aura l’occasion de démontrer pourquoi il est surnommé «the Hammer».

Joachim Low dispose d’un effectif impressionnant

7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?
Comme exposé ci-dessus, c’est surtout en défense que la Nationalmannschaft devrait faire preuve de fantaisie, et pas forcément dans le bon sens du terme. Toute l’Allemagne va trembler à chaque tir adressé en direction de Lehmann, à chaque relance de Mertesacker et à chaque fois que Metzelder se retrouvera à la course avec un attaquant adverse. L’alignement de la défense germanique risque aussi de prêter à sourire (si tu as vu le dernier match amical contre la Serbie, tu comprends ce que je veux dire). Quant aux deux latéraux, Jansen et Lahm, ils interprètent leur poste tel qu’on le conçoit en Bundesliga, soit dans une optique résolument offensive et, éventuellement, si affinité, un tant soit peu défensive. Comme en plus ils sont tous deux gauchers, Lahm doit migrer sur le côté droit.

8) Une bonne raison de les supporter ?
C’est une réalité qui échappe sans doute totalement à ceux qui ne connaissent le football qu’à travers un écran de TV mais les Allemands ont su faire du foot une immense fête populaire. Alors que sous d’autres cieux, le sport roi est devenu prétexte à des déchaînements de violence ou l’exutoire des passions nationalistes ou communautaristes, à tel point que certains supporters ne sont même plus autorisés à soutenir leur équipe en déplacement, les matchs en Allemagne se déroulent dans une ambiance passionnée mais conviviale. Sans avoir besoin de se soucier de la couleur du maillot que l’on porte ou de devoir patienter une heure avant de quitter le stade. Tous ceux qui ont eu le privilège d’assister à la dernière Coupe du Monde ou à des matchs de Bundesliga ont compris ce que signifiait le terme grande fête du football. Cet état d’esprit joyeux et festif s’est répercuté sur le jeu. Là encore, on est très loin des vieux stéréotypes éculés sur l’Allemagne disciplinée et réaliste. L’allant offensif des équipes de Bundesliga est souvent d’une insouciance qui confine parfois même à l’inconscience. C’est peut-être rédhibitoire sur les résultats en Coupe d’Europe mais c’est spectaculaire et ça remplit les stades. D’ailleurs, lors de la dernière Coupe du Monde, l’équipe d’Allemagne, à défaut d’être la plus efficace, était incontestablement celle qui produisait le plus beau jeu.

La Mannschaft, une équipe tournée vers l’avant

9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?
 
La principale raison de ne pas supporter l’équipe d’Allemagne, c’est qu’il y a de fortes probabilités que sa route croise celle de la Suisse en quart ou en demi-finale. Sinon, on notera que, dans les victoires, nos voisins germains peuvent faire preuve d’une certaine arrogance. Une arrogance à laquelle est généralement liée la rivalité historique avec la Hollande. Du coup, en tant qu’admirateur inconditionnel des Oranje, j’ai toujours une petite retenue à supporter l’équipe d’Allemagne.

10) Bon d’accord, mais sinon ?
 
Lors du dernier Suisse – Allemagne à Bâle en match amical, j’avais prédit que les deux équipes se retrouveraient au Parc Saint-Jacques le 25 juin en demi-finale. J’ai hâte d’y être !

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Écrit par Julien Mouquin