Du foot au royaume des sports d’hiver

Pour être tout à fait complet dans sa couverture de cet Euro 2008, CartonRouge.ch se devait d’aller voir comment cela se passait chez nos voisins autrichiens. Nous avons donc profité du match Suède – Espagne pour découvrir l’Euro made in Österreich du côté d’Innsbruck, haut lieu des sports d’hiver. On n’a pas été déçus !

Le réveil est un peu matinal en ce samedi matin mais c’est toujours avec plaisir que l’on sort du lit pour aller voir du foot, même pour aller prendre un train à 7h20 au lendemain d’un magnifique France – Pays-Bas. On s’était promis d’attendre Berne pour ouvrir la première bière mais vu que l’on est entouré de militaires et de supporters, on doit être les seuls à rester au Coca et on finit par craquer aux alentours de Fribourg. On commence à entrer dans le vif du sujet à partir de Zurich : dans un train autrichien reliant Zurich à Vienne en passant par Innsbruck (où se joue Espagne – Suède) et Salzbourg (théâtre de Russie – Grèce), quelle est la langue la plus parlée ? Le français ! Les supporters romands sont en effet très nombreux dans ce train. On n’est manifestement pas les seuls à avoir flairé le bon coup, un samedi dans une ville réputée festive avec un duel entre deux pays présentant des arguments intéressants.


Innsbruck, une ville de sports d’hiver

Hockey, saut à ski, ski alpin, bobsleigh…

Le voyage est plutôt chaotique ; tour à tour, des supporters russes, espagnols et suisses (fribourgeois pour être précis), aussi ivres les uns que les autres, prennent le micro du train en otage et scandent des slogans favorables à leur équipe. Le train est trop chargé pour franchir les 10,249 kilomètres du tunnel de l’Arlberg, il faut faire descendre un certain nombre de supporters. Du coup, le convoi reste bloqué une demi-heure à Feldkich, ancien champion d’Europe de hockey sur glace sous la férule d’un certain Ralph Krüger. D’ailleurs, la suite du voyage évoque bien davantage les sports d’hiver que le ballon rond, si l’on se réfère aux gares traversées et aux panneaux aperçus sur les routes : Sankt Anton am Arlberg, Igls, Garmisch, Innsbruck… Le ciel est bas sur le Tyrol et la neige pas très loin sur les sommets environnants.

Marée jaune

En arrivant à Innsbruck, on s’aperçoit que la ville est envahie par les ressortissants de l’une des nations phares des sports d’hiver, la Suède, qui ne doivent pas être trop dépaysés. 80% de la ville a revêtu un maillot jaune et, dans les 20% de rouge restant, pas mal de maillots suisses. Manifestement, malgré l’élimination, on est toujours fiers de notre équipe. En revanche, il faudra attendre la fin de soirée pour apercevoir le premier maillot autrichien. C’est une constante, lors de toutes les dernières grandes compétitions de football, les supporters du nord de l’Europe (y compris la Suisse) sont systématiquement majoritaires dans les stades et surtout dans les villes par rapport aux nations méditerranéennes, qui sont pourtant plus peuplées et bénéficient généralement de fortes communautés sur place. Je ne vais pas me lancer dans des explications sociologiques du phénomène mais je serai curieux de connaître vos explications sur cette très faible mobilisation de pays où l’on prétend que le foot est une religion…


Le mur jaune

St James am Tirol

La Fan Meile n’est pas très grande mais elle est plutôt conviviale. Les supporters chantent et dansent dans les rues, la bière coule à flot, bref c’est aussi pour ces ambiances là que ces grands événements valent la peine d’être vécu sur place et pas seulement pour celle du stade. Mais on va quand même y aller au stade. On découvre avec satisfaction qu’un stand Jägermeister se dresse fièrement à quelques encablures du Tivoli Neu Stadion. C’est festif l’Autriche ! D’ailleurs, chez nos voisins, la mode est à ces fameuses trompettes que l’on avait découvertes lors de la dernière Coupe du Monde. A Innsbruck, tout le monde avait la sienne. Ces engins demandent un peu de temps pour les apprivoiser mais une fois que tu as pigé la combine ces trucs font un bruit monstrueux.

Ce stade d’Innsbruck ne contient habituellement que 18’000 places et des tribunes provisoires ont été ajoutées pour porter la capacité à 30’000 spectateurs. Le résultat est plutôt réussi et cette enceinte a fière allure avec ses tribunes très relevées derrière les goals. Cela ressemble à St James Park et, pour qui connaît l’antre des Magpies, c’est plutôt un compliment. L’ambiance est magnifique, le jaune est bien sûr majoritaire mais de manière beaucoup moins marquée que dans les rues ; de nombreux Suédois sont venus sans billet et suivront le match sur le grand écran disposé au pied du mythique tremplin du Bergisel.


Le kop espagnol est également impressionnant

L’année de l’Espagne ?

Sur le match, Gary Romain t’a déjà tout dit. Une première mi-temps plutôt pas mal, une deuxième un peu moins bonne, une incroyable mésentente entre Hansson et Mellberg qui offre le but de la victoire à David Villa et l’Espagne dans les arrêts de jeu. Serait-ce enfin l’année de l’Espagne ? Un milieu de terrain d’une remarquable technicité, l’un des meilleurs gardien du monde et deux attaquants capables de marquer à tout moment font de l’Espagne un prétendant à la finale, surtout si l’élimination de la France et l’Italie devait ouvrir son tableau. Mais je ne la vois pas gagner, sa défense n’offre pas toutes les garanties de sécurité et le manque de puissance de l’équipe, en particulier à mi-terrain, pourrait s’avérer rédhibitoire.

La Suède en péril

Un peu minimaliste après la sortie d’Ibrahimovic, la Suède est elle en péril. Ce 2e but encaissé sur le tard n’est pas dramatique, les Vikings pourront se contenter d’un nul contre la Russie pour passer le cap. Mais les Suédois seraient bien inspirés de ne pas spéculer sur un résultat de parité car ils paraissent moins solides défensivement qu’à l’accoutumée et leurs meilleurs atouts sont plutôt offensifs. Et puis il faudra se méfier d’une équipe de Russie qui récupérera son joyau Arshavin, surtout que Guus Hiddink n’a pas pour habitude de se faire éliminer au 1er tour. Vu la ligne éditoriale de notre site, tu t’attendais sans doute à quelques commentaires salaces sur les supportrices suédois, tu n’en auras point. Si l’on va voir Suède – Espagne à Innsbruck, c’est uniquement pour admirer la grâce d’Olof Mellberg, danser sur Anton aus Tyrol et boire du Jägermeister, on ne s’est pas laissé distraire.


Pourtant, il est difficile de ne pas se laisser distraire…

La fête dans les rues

Après le match, nous entamons l’ascension escarpée de la Fan Zone située au pied du tremplin du Bergisel, qui est assez impressionnant. Malheureusement, les supporters suédois ne sont pas restés après le match de leur équipe, on les croise en train de redescendre, et le public est plutôt clairsemé. Il faut dire que l’affiche du match sur écran géant, Grèce – Russie, n’est pas des plus alléchantes (navré, Tim…). Au moins, cette partie nous donne la satisfaction de ne pas avoir été la seule équipe éliminée du tournoi après deux matchs. Et nous, au moins, on a mis un but… La soirée se poursuit dans les rues d’Innsbruck où la fête bat son plein. Bar et discos improvisées dans les rues en plein centre ville, c’est avec grande difficulté que l’on parvient à s’extraire de cette gigantesque fiesta pour aller prendre notre train à 2h40 pour un retour encore plus chaotique qu’à l’aller. En tous les cas, on ne regrettera pas ce déplacement et je te confirme que l’Euro en Autriche, à Innsbruck, du moins, c’est la fête !

Écrit par Julien Mouquin

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16 Commentaires

  1. Allez je vais tenter de donner quelques raison pour expliquer la mobilisation plus forte des supporters nordiques:

    1/Facteur économique
    Les pays du nord sont généralement plus riches que ceux du sud, et leurs habitants plus enclin à dépenser de largent pour suivre leurs équipes.

    2/Facteur climatique/géographique
    Il est peut-être plus facile de senflammer à faire un déplacement de masse pour suivre son équipe, quand on vit dans un endroit pluvieux, ou il ny à pas toujours plétores de distractions que quand on est au chaud, sur la plage les 2 pieds dans leau en train de disséquer les coutures des bikinis

    3/Facteur « clubique »
    Si on excepte les anglais, les allemands et 2 équipes hollandaises, les footeux des pays nordiques on peut-être moins souvent loccasion de vibrer pour leur clubs en ligue des champions / uefa ou même en championnat. Et attendent donc avec bcp plus dimpatience les compétitions déquipes nationales.

    Ils ont peu-être également une beacoup moins grande identification à leur clubs

    Voilà voilà

    Quen pensez-vous?

  2. Je pense que les trois facteurs de Keca12 sont justes…

    Jen rajouterai un quatrième,

    4/ Facteur superstition (ne pas trop se montrer avant davoir au moins atteint le deuxième tour). Les supporters des pays ayant lhabitude daller loin dans la compétition, attendent souvent la deuxième phase avant de se montrer.

    Passer le premier tour est une obligation. Si léquipe ne passe pas ce cap, il ne vaut même pas la peine daller la soutenir… Cest rude mais cest un peu ça.

    De plus, comme le facteur 1 est super important pour les gens de ces pays, si lon doit faire un trajet, on se gardera de le faire pour la finale pour autant quon y arrive… Si lEspagne et lItalie devait se retrouver en finale (Je ne sais pas si cest possible…), je suis prêt à parier que Vienne sera envahie de supporters, pas dinquiétude à avoir.

  3. Deux autres pistes de réflexion

    5/ Facteur géopolitique: certains pays du Sud (Espagne et Italie) présentent un régionalisme exacerbé et dans certains coins on supporte bien davantage léquipe locale que celle du pays (en 90 à Naples la squadra azzura a été conspuée!)

    6/ Facteur « festif »: dans le Sud le foot cest le stade. En angleterre une apres-midi de foot cest des heures au pub ou dans la rue et on rentre en tribune le plus tard possible. En Italie, en France ou en Espagne on rentre beaucoup plus tôt. Il est inimaginalble, sauf éventuellement pour une finale, de faire un déplacement de centaines de km pour se retrouver à la porte de lenceinte à regarder le match sur un écran… pour faire ça on est aussi bien avec des potes dans un bar en bas de chez soi!

  4. 7/Facteur « Finance »se bourrer la tronche en Suède coute 3x plus cher que chez nous.Et Eux sont pas sur de passer le 1er tour donc y viennent en masse dès le début de la compèt.

  5. Il ny a pas que lEuro qui sest déroulé ces derniers jours…

    Il me semble quil y avait la finale de coupe vaudoise ainsi que le match retour en ce qui concerne la promotion en 2ème ligue inter également dans le canton de Vaud…

  6. Il ne faut pas non plus négliger un facteur « linguistico-culturel ». Dans tous les pays du nord, dès le plus jeune âge, on apprend les langues étrangères qui permet de se dépatouiller un peu partout grâce, notamment, à langlais, langue mal maîtrisée en général par les populations latines à cause dun système phonologique (je vous épargne les détails) moins riche. Ajoutons que de tous temps les anglo-saxo-scandinaves ont été de grands voyageurs qui sintègrent assez facilement dans de nouveaux environnements. Chez eux, la mobilité transfrontalière professionnelle nest pas un concept ésotérique. Ils se fondent parfaitement, même pour une brève période, dans un nouveau microcosme.

  7. Ouais Nico, en trois mots tas bien résumé lexcellent article de Julien. La rubrique sur la Suède est impeccable, surtout la dernière phrase. Quant à la photo (donc celle quon a deviné), la rédac a superbement réagi et on devrait prochainement pouvoir cliquer dessus pour un plein écran. On peut toujours rêver !!!

  8. Pour combler tous nos lecteurs fans de Suédoises, nous avons le plaisir de publier la «fameuse» photo en édito ! Là, on ne peut vraiment pas faire plus 😉

    Profitez-en car dès demain matin elle sera remplacée par une photo de Gattuso ou de Ribéry…

    Bonne soirée et bon match !

    La rédac

  9. Excellent article, cela donne trop envie daller voir un match à Innsbruck ! Cela tombe bien puisque jy vais demain 🙂 , je me réjouis vraiment ! Merci cartonrouge !

  10. Merci à la rédac pour cette superbe photo en édito ! (et merci aussi à Julien pour ce magnifique reportage qui fait bien envie)

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