Hold-up au Westfalenstadion / Le patron de la Ruhr, c’est Schalke !

Le Revierderby appartient à cette catégorie de matchs qui ne laissent personne indifférents et pour lesquels il n’est pas possible de trouver un observateur neutre. Dès lors, dans un constant souci d’objectivité, CartonRouge.ch a dépêché deux envoyés spéciaux, un partisan de chaque équipe, pour le 134e Revierderby entre Dortmund et Schalke 04.

Pour notre retour dans les stades allemands après une longue absence, on avait choisi le meilleur. Le meilleur ? Ben oui, le meilleur stade du monde où devraient se jouer toutes les finales de Coupe d’Europe (selon le journal anglais Times) ou «juste un stade avant que les meilleurs fans du monde n’en fassent une forteresse» (selon l’inscription sur les billets de match), avec la meilleure ambiance d’Europe (toujours selon le Times), la plus grande tribune places debout du continent (selon Wikipédia) ou «juste une tribune avant que les meilleurs fans du monde n’en fassent le mur jaune» (selon les billets) et la meilleure bière des stades allemands (selon CartonRouge.ch). Tu l’as sans doute reconnu, le seul stade qui pouvait se cacher sous ce déluge de dithyrambes, c’est le Westfalenstadion (ou Signal Iduna Park pour son nom officiel mais en aucun cas Signal Arena Stadion, Jézabel Lemonier ferait passer Pascal Droz pour un modèle de rigueur et de précision).Pour que la fête soit complète, encore fallait-il avoir la meilleure affiche possible. Et à Dortmund, le must absolu, c’est le Revierderby contre le rival honni, Schalke 04. Dortmund – Gelsenkirchen, c’est 35 kilomètres de distance, 35 kilomètres d’une rivalité, voire d’une haine, séculaire. Cette rivalité n’empêche toutefois pas les fans des deux camps de profiter côte à côte de l’été indien sur la Ruhr dans les nombreux Biergarten jouxtant le stade. Un stade bien évidemment chauffé à blanc lorsque l’inamovible speaker local Nobby Dickel (double buteur lors de la victoire du BVB en finale de la Coupe d’Allemagne 1989) délivre une énorme composition du Borussia Dortmund (pour le bruit que ça a fait en tous les cas, pas forcément pour le talent des joueurs alignés).

Der Signal Iduna Park ist Königsblau !

La première mi-temps de ce derby à l’extérieur fut à l’avantage des joueurs königsblaue, tout comme le reste du match d’ailleurs, à l’exception des 10 dernières minutes (et de celle du goal inexistant de la 26e sur la latte). Poussés par 8’000 (le CIGM à guichets fermés) supporters bruyants agitant drapeaux et écharpes, les boys de Felix Magath ont littéralement asphyxié un BVB peu à son affaire dans «le match qu’il ne fallait pas perdre», selon un éminent connaisseur de la Bundesliga et actionnaire du club jaune et noir. Ce sont tour à tour Farfan et Altintop qui sont partis à l’assaut du but de l’excellent Roman Weidenfeller. Il faut certes être honnête et citer l’occasion de la 26e : un tir venant de nulle part s’en vient taper la latte, rebondir derrière Neuer et repartir sur la latte. L’autoproclamé «meilleur public du monde» s’est ensuite perdu en insultes et en gestes de frustration, croyant que le cuir avait franchi la ligne de but et que l’arbitre était vendu aux Knappen.
Le match était vieux d’une demi-heure lorsque Jefferson Farfan ajuste le côté gauche du but du Borussia, juste sous le nez du mur jaune (qui fait d’une tribune le meilleur public du monde, autoproclamé). C’est goal, 0-1. Le BVB ne reviendra plus. Dès ce moment, on n’entendra que le 10% du public du Signal Iduna Park : celui habillé en Bleu Royal, sautillant, chantant et espérant que cette année, la malédiction de 1958 soit enfin effacée. Ce but permet non seulement de montrer qui est le patron en «Ruhrgebiet» dans le match qu’il faut gagner et de ramener à une seule petite unité l’équilibre des victoires de chacune des équipes dans le Revierderby (selon wikipedia), mais aussi de placer le BVB à un point de la position peu enviable de relégable. Pour un supporter de la brillante Stadt der tausend Feuer, c’est la cerise sur le gâteau.

Remember Wembley 1966

Le Borussia Dortmund pouvait bien être amer après l’ouverture du score königsblaue car les images ont démontré que le tir dévié de Lucas Barrios à la 26e avait bien franchi la ligne entre les deux rebonds sur la latte et aurait dû être validé. Si seulement le juge de touche avait été russe… Pire, le but de Farfan aurait lui dû être annulé, car entaché d’une faute évidente de l’attaquant péruvien sur Schmelzer. Ajoute à cela deux penaltys oubliés en 2e mi-temps pour des fautes sur Grosskreutz et Santana et tu admettras que le très hautain M. Stark a été le pire acteur de ce 134e Revierderby. Ou le meilleur atout des Knappen, c’est selon. Ceci dit, Dortmund peut aussi s’en prendre au coaching à la Arsène Wenger de son entraîneur Jürgen Klopp : comment celui-ci a-t-il pu sortir son attaquant le plus dangereux, Barrios, et son meneur de jeu, Hajnal, tout en laissant sur le terrain un Zidan peu en réussite et un Schmelzer qui nous a fait regretter la qualité de centre de Philipp Degen ? Dans l’adversité, peut-être eût-il été préférable de mettre tous les atouts de son côté et ce n’est pas vraiment ce qu’à fait l’entraîneur dortmundois.

Schalke 04 successeur de Wolfsburg ?

Après une victoire dans un derby (qui plus est dans LE derby), il est d’usage d’imaginer le futur de façon quelque peu euphorique. Philipp Borns a pronostiqué (à tête reposée) les Knappen en 5e position à la fin du présent championnat. Au vu de la parfaite prestation de samedi soir, et même si elle le fut face à une équipe sans grande ambition, il nous est permis de rêver de ramener le Deutsche Meisterschale tout là haut, dans la Nordkurve de l’Arena Auf Schalke. Si ce n’est pas cette saison, ça sera la suivante. Felix Magath est un gagneur, et son équipe en est capable. Pour les supporters Königsblaue cela serait la délivrance après 51 ans d’attente, pour ceux du Borussia, l’occasion d’inventer une nouvelle chanson contre leur meilleur ennemi.

Bientôt la crise ?

Le BVB connaît son pire début de saison depuis 21 ans. Une victoire dans «die Mutter aller Derbys» aurait permis de tout oublier mais, avec la défaite, la crise guette. Jürgen Klopp avait promis des joueurs «chauds comme de la graisse frite» (je suppose que c’est la version locale de «chaud comme la braise»). Mais ce n’était pas vraiment évident sur le terrain. Si l’on excepte une grosse pression en début de 2e mi-temps, ponctuée d’un but égalisateur d’Hajnal annulé (justement cette fois), le Borussia s’est contenté d’une domination territoriale stérile et guère dangereuse face à un Schalke attentiste et minimaliste. Où était passée cette foi inébranlable qui avait permis au Borussia de priver Schalke «ein Leben lang keine Schale in der Hand» 04 du titre le jour de grâce du 12 mai 2007 (jour de fête nationale à Dortmund depuis lors) ? Où était cette formidable volonté qui avait permis l’an dernier de remonter de 0-3 à 3-3 dans ce même Revierderby ? Incontestablement, l’absence des quatre figures emblématiques du club de ces dernières saisons, pour cause de transfert (Frei, Kringe), maladie (Dede) ou blessure (Kehl) a pesé lourd. Une réaction est attendue rapidement, sinon cette année du centenaire va virer au cauchemar. En tous les cas, cette défaite imméritée a bien gâché la fête parce que franchement un Revierdery perdu, c’est vraiment sinistre, on a même failli entendre les supporters en bleu depuis nos places de la Südwest Tribüne !

Königsblau + Gelb (& Schwarz) = Grün

En français ça donne Bleu + Jaune (&Noir) = Verre. N’y vois pas une quelconque allusion aux élections qui avaient lieu en ce week-end de Revierderby. Contrairement au football, tous ont gagné: le FDP (jaune) et la CDU (noir) appuyés par la CSU bavaroise (bleu) ont permis à Angela Merkel de conserver sa place de chancelière. Si les débats politiques ont probablement contribué à écouler des hectolitres de bière supplémentaires dans les Kneippe de la République durant la campagne, assurément un Revierderby permet aux bistroquets des deux villes de juteux bénéfices. C’est donc tout naturellement en direction du Bierhaus de l’Alter Markt que tes serviteurs se sont dirigé une fois les lumières du Westfalenstadion éteintes, qui pour fêter une victoire amplement méritée, qui pour noyer sa tristesse. Et ce fut fait avec un (premier) verre de DAB !

Borussia Dortmund – Schalke 04 0-1 (0-1)

Signal Iduna Park, 80’552 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Stark (faible).
But : 31e Farfan (0-1).
Borussia Dortmund : Weidenfeller; Owomoyela, Subotic, Santana, Schmelzer; Tinga, Hummels (62e Grosskreutz), Hajnal (75e Rangelov), Sahin; Barrios (62e Valdez), Zidan.
Schalke 04 : Neuer; Höwedes, Zambrano, Bordon; Rafinha (46e Pliatsikas), Moritz, Kenia (58e Sanchez), Schmitz, Westermann; Farfan, Halil Altintop (73e Asamoah).
Carton jaune : 85e Moritz.
Notes : Dortmund sans Kehl ni Blaszczykowski (blessés), Schalke sans Kuranyi (malade), Holtby, Moravek (championnats du monde M-20), Jones, Pander ni Mineiro (blessés).

Écrit par Julien Mouquin et Vincent Keller