Ces lendemains qui déchantent…

La sixième défaire consécutive du Hertha Berlin en Bundesliga aura été celle de trop pour Lucien Favre. Le match catastrophique livré dimanche à Sinsheim aura mis fin à l’aventure du Vaudois dans la capitale, une aventure qui s’apparentait à un conte de fée il y a encore quelques mois.

Ces lendemains qui déchantent pour…

le soussigné en premier lieu. Quand ton équipe perd le Revierderby, il ne reste qu’une chose à faire : boire suffisamment pour oublier le résultat du match. J’ai failli y arriver mais, en rentrant, je suis tombé sur des fans lucernois du BVB au bar de l’hôtel et il a bien fallu refaire le match et l’histoire du club. Je suis donc un peu convalescent pour ce Hoffenheim – Hertha BSC. Et puis, c’est jamais trop plaisant de passer en 24 heures d’un stade historique comme le Westfalenstadion, où chaque millimètre cube de béton suinte la passion et la ferveur, à une Arena flambant neuve, certes fonctionnelle (sauf pour la sortie des parkings, quelle gabegie !) mais sans âme. De passer d’un choc entre deux des publics les plus fervents du continent à un duel entre les fans opportunistes de l’artificiel Hoffenheim et le très volatile public berlinois (respect tout de même aux 300 Berlinois qui avaient fait le déplacement de Sinsheim malgré la crise actuelle de leur équipe). On ne va pas être trop méchants avec les supporters d’Hoffenheim, ils ont tout de même acheté des écharpes et appris à les faire tournoyer. Les prochaines étapes, ce sera d’être plus que douze à chanter et d’apprendre les règles du foot, mais là il y a encore du travail. Si tu vas voir du foot en Allemagne pour l’ambiance, il y a deux adresses à éviter absolument : Hoffenheim et le Bayern.

Ces lendemains qui déchantent pour…

les supporters de presque toute l’Allemagne, qui détestent Hoffenheim. Du coup, le début de saison raté des Kraichgauer (3 matchs / 2 points) avait suscité bien des espoirs. Et si Hoffenheim luttait contre la relégation, voire même quittait cette Bundesliga où il n’a rien strictement rien à y faire ? Malheureusement, 1899 s’est repris et a retrouvé la verve offensive qui en avait fait le champion d’automne l’an passé. Le jouet du milliardaire Dietmar Hopp reste sur trois succès consécutifs avant d’accueillir le Hertha. Cette confiance retrouvée va transparaître sur le terrain : Hoffenheim est directement parti à l’abordage et, après moins de cinq minutes, le match était plié.

Ces lendemains qui déchantent pour…

Vedad Ibisevic. La drôle d’histoire de ce Bosniaque, indésirable au PSG, remplaçant à Dijon, puis auteur de 18 buts en 17 matchs avec Hoffenheim l’an dernier, a fait le tour de l’Europe. Ibisevic avait été freiné dans son élan par une blessure qui lui avait fait manquer tout le 2e tour. De retour au jeu, le Bosniaque était à la recherche de son état de grâce de l’automne dernier, puisque, lors des 6 premières journées de championnat, il n’avait pas trouvé le chemin des filets. C’est désormais chose faite et, grâce à la faiblesse de la défense berlinoise, plutôt trois fois qu’une : une volée croisée après 46 secondes, une tête sur un corner de Salihovic à la 4e, une autre tête sur un centre de Beck à la 21e et c’était le parfait hat-trick. Vedad Ibisevic parachèvera son œuvre en se laissant joyeusement tomber pour obtenir le penalty du 5-1. Le buteur est de retour !

Ces lendemains qui déchantent pour…

Demba Ba. Auteur d’une saison 2008-2009 éblouissante, l’attaquant franco-sénégalais d’Hoffenheim avait émis le désir d’aller remplacer Mario Gomez à Stuttgart. Mais ses dirigeants ont refusé de le libérer et il a dû rester en Kraichgau. Ces velléités de départ n’ont pas plu aux supporters d’Hoffenheim qui, en début de saison, sifflaient leur attaquant vedette. Ce qui est tout de même assez cocasse : comment les fans d’un club bâti artificiellement en allant chercher des mercenaires à coup de millions peuvent-ils reprocher à un joueur de négocier un contrat plus lucratif ailleurs ? Demba Ba a remarqué quelques buts, du coup il est redevenu l’idole du très versatile public d’Hoffenheim. Dimanche, il a marqué un but juste après la pause, sévèrement annulé pour une faute d’Obasi sur le gardien Ochs. Ce qui a donné l’occasion à l’ambiance de dépasser les 2 décibels et demi pour la seule fois du match. Enfin, une fois que les Footix locaux eurent compris ce qui se passait, soit une bonne minute après la décision de M. Sippel, la gestuelle de l’arbitre n’étant manifestement pas encore assimilée du côté de Sinsheim. Cela rappelle tellement les Vernets il y a quelques années…

Ces lendemains qui déchantent pour…

le Hertha Berlin. Dans la course au titre jusqu’à l’ultime journée la saison passée, l’Alte Dame a enregistré samedi sa sixième défaite consécutive en Bundesliga et squatte la place fétiche du HC Fribourg-Gottéron, la dernière. Le départ non compensé de trois joueurs majeurs, le Croate Simunic, clé de voute du système défensif, et les attaquants vedettes Pantelic et Voronin explique en partie cette dégringolade. L’insolente réussite dont avait bénéficié le Hertha l’an dernier a disparu, remplacée par la poisse qui colle aux basques des mal-classés. Un exemple parmi d’autres : après son mauvais début de saison, l’Alte Dame engage l’ancien joueur de Dortmund Florian Kringe. Pas une superstar mais un battant dont la combativité aurait fait du bien au Hertha. Las, huit minutes après ses débuts sous le maillot berlinois, l’ancienne idole de la Südtribüne s’est fracturé le pied et sera absent au moins huit semaines.

Ceci dit, la malchance ne saurait expliquer la piètre prestation berlinoise de dimanche. La parfaite organisation défensive de la saison dernière n’est plus qu’un lointain souvenir et les Bengtsson (23 ans), Pejcinovic (21 ans) ou Hartmann (18 ans) ont paru bien tendres sur chaque offensive adverse, alors que le capitaine Friedrich n’est plus que l’ombre du joueur impérial de 2008-2009.  Le tableau n’est guère plus réjouissant en attaque : le but berlinois est survenu sur un exploit personnel de l’ancien Zurichois Raffael, qui a éliminé quatre adversaires pour obtenir un coup franc qu’il a lui-même superbement transformé. Sinon, le Hertha n’a élaboré qu’une action de tout le match mais Nicu a tiré sur Hildebrand (52e).

Ces lendemains qui déchantent pour…

Lucien Favre bien sûr. Faiseur de miracle l’an passé, le Vaudois a été limogé après la défaite à Sinsheim. La position du Vaudois était déjà fragilisée depuis l’éviction en mai dernier du manager Dieter Hoeness et son remplacement par l’ancien joueur Michael Preetz, beaucoup plus présent sur le banc et autour de l’équipe que son prédécesseur. Nul doute que cette situation ne devait guère plaire à Lucien Favre. En licenciant son entraîneur à succès, le Hertha a sans doute perdu son meilleur atout. D’un autre côté, le match calamiteux livré à Sinsheim, l’absence de réaction de l’équipe et la résignation du Vaudois sur le banc (un seul changement effectué, un latéral poste pour poste, alors que son équipe était à la rue), rendaient cette issue inéluctable. Un peu comme pour Marcel Koller à Bochum, lui aussi viré après y avoir accompli des prodiges durant quatre saisons avec des moyens dérisoires.

J’avais assisté au premier match de Lucien Favre en Bundesliga en août 2007, c’était à Francfort, j’aurai malheureusement aussi vu le dernier (au Hertha du moins). Entre les deux, l’entraîneur de Saint-Barthélemy a fait rêver la capitale en obtenant facilement le maintien la 1ère saison, puis en flirtant avec le titre la 2e avec une équipe de seconde zone. Cette fin abrupte laisse un goût d’inachevé car on a l’impression qu’en affaiblissant l’équipe, on n’a pas vraiment donné les moyens à Lucien Favre de poursuivre son travail à la tête du Hertha. Et tout ce qui avait été patiemment construit en deux ans a volé en éclat avec la spirale négative des dernières semaines.

Ces lendemains qui déchantent pour…

la capitale. Le problème du Hertha, c’est que c’est un club qui n’a guère plus de moyens et d’histoire que Bochum ou Mainz. Sauf que le Hertha n’est pas basé à Mainz ou Bochum mais à Berlin, la capitale fédérale avec 5 millions d’habitants et un stade de 75’000 places. Ce qui suscite des attentes démesurées. L’an passé, certains journaux qui pronostiquaient la relégation du Hertha en début de saison ont ensuite reproché à Lucien Favre d’avoir manqué la qualification en Ligue des Champions en fin de championnat ! Lulu a tenté de construire quelque chose sur du long terme, ça a marché dans un premier temps mais quelques grains de sable ont enrayé la mécanique et l’Alte Dame s’est retrouvée à une place somme toute plus conforme à la valeur intrinsèque de l’effectif et au budget du club que la 4e place de l’an dernier. Ce qui fait que l’on n’est pas trop optimistes pour l’avenir du Hertha.

Ces lendemains qui déchantent pour…

la bière. On voit que ça faisait longtemps que je n’ai pas été en Allemagne, j’ai perdu les automatismes. Je découvre un nouveau stade et j’ai failli oublier l’appréciation sur la bière locale. Sauf qu’en l’occurrence il n’y a pas de bière locale à découvrir puisque c’est la très passepartout Bitburger qui est servie dans les buvettes de la Rhein-Arena-Neckar. Non pas qu’elle ne soit pas bonne mais on préfère tout de même quand ce sont des bières plus originales. Presque partout en Allemagne, remplacer la bière locale aux buvettes du stade par un grand brasseur national serait un casus belli qui provoquerait une révolution auprès des supporters. Mais comme Hoffenheim n’a ni histoire ni tradition, il a sans doute choisi le brasseur qui lui offrait le plus. En fait, il n’y a rien d’authentique à Hoffenheim, à part l’arrogance et la mégalomanie : dans un immense élan d’humilité, le mécène Dietmar Hopp a consenti à ce que le nouveau stade, contrairement à l’ancien, ne se nomme pas Dietmar-Hopp-Stadion. Par contre, je te laisse deviner comment s’appelle la rue menant à la Rhein-Neckar-Arena : Dietmar-Hopp Strasse !

TSG Hoffenheim 1899 – Hertha BSC Berlin 5-1 (3-1)

Rhein-Neckar-Arena, 29’600 spectateurs.
Arbitre : M. Sippel.
Buts : 1ère Ibisevic (1-0), 4e Ibisevic (2-0), 21e Ibisevic (3-0), 45e + 1 Raffael (3-1), 58e Obasi (4-1), 62e Carlos Eduardo (penalty, 5-1).
Hoffenheim : Hildebrand ; Beck, Simunic (46e Nilsson), Compper, Eichner ; Carlos Eduardo (74e Zuculini), Luiz Gustavo, Salihovic ; Obasi, Ibisevic (67e Maicosuel), Ba.
Hertha BSC : T. Ochs ; Janker (46e Stein), A. Friedrich, Bengtsson, Pejcinovic ; Piszczek, Dardai, Hartmann, Nicu ; Raffael, Ramos.
Cartons jaunes : 45e Beck, 53e Compper, 69e Pejcinovic.

Écrit par Julien Mouquin

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12 Commentaires

  1. Très bel article!
    Et vraiment un grand bravo à Lulu le faiseur de miracle! Et ben tant pis pour Berlin et ses dirigeants qui n’ont pas eu les c… de tenir tête à la presse de boulevard..
    Chapeau Lulu!

  2. Désolé pour Lulu.
    Et condoléances à Julien pour la Bitburger, j’aurais pensé que les Mannheimer auraient tenté de servir de l’Heidelberger Weisse (ou au pire de la Rothaus, même de Freiburg!), mais apparemment ils n’apprendront jamais comment fonctionne le foot en Allemagne.
    Danke noch für den Bericht!

  3. Joli papier.

    Pas de bol pour Lulu qui a été pénalisé à l’interne et n’a probablement pas pu entreprendre les transferts qu’il souhaitait.

    Je suis sûr qu’il rebondira ! Mais par pitié, pas au FC Sion 😉

  4. « deux des publics les plus fervents du continent »

    il faut arrêter là! l’Allemagne n’est ni la Turquie, ni la Croatie, ni la Pologne, ni la Grèce, ni la Serbie… les pays occidentaux n’ont plus de fans chauds.

  5. Assez drole. Favre est entièrement responsable si les choses se passe bien comme l’année dernière, mais n’en a aucune lorsque cela se passe mal. En passant sous silence que Favre a promis en début de saison qu’ils se battraient pour le titre.

    Et pas un mot sur le fait que la situation ne va pas sans réjouir un grand nombre d’Allemand au vu de l’anti-football proposé par Favre tout au long de l’année dernière.

  6. Quelle tristesse. Le beau projet de Lulu restera inachevé, faute de moyens? Ou simplement irréalisable? Quand il a débarqué dans la capitale, tout le monde s’est bien moqué du club. Engager un Suisse. Puis il a vite conquis le public. Et il a redonné une âme à un club qui n’avait jusqu’alors pas eu d’histoire, il a rempli le magnifique stade.
    La première fois que j’y suis allé, c’était apr curiosité. Puis j’ai été conquis par ce public, cette ferveur naissante. Pour al première fois, dans tous les quartiers de la ville, on voyait des jeunes arborant fièrement l’écharpe bleue.
    Que restera-t-il de tout cela?
    Nur nach Hause gehn wir nicht!

  7. @disdonc

    Se permettre une remarque pareille le jour du décès d’un supporter français à Belgrade, t’es un vrai con! Entres chauds et fervents (fidèles) y a un pas que j’espère nous, peuples occidentaux civilisés, on ne franchira jamais.

    D’ailleurs en parlant de mort, un supporter de West Ham est mort aussi hier… Alors continuer à faire des articles en traitant les derniers fans suisse encore présent dans les stades pour un chant injurieux et de croire que toute l’Europe a héradiqué la violence.

    Sinon c’est triste mais tellement évident pour Lulu, une fois que la presse vous a pris en grippe, c’est fini… Mais je ne me fais pas de soucis pour la suite de sa carrière et lui souhaite tout de bon. J’espère juste qu’il finira pas au Qatar pour l’argent…

  8. @bibi
    Lorsque Hoffenheim jouait encore au Carl-Benz-Stadion de Mannheim, ils servaient de l’Eichbaum (qui était pas terrible soit dit en passant). Quant à la Rothaus, j’en ai vu une fois, c’était au Wildparkstadion de Karlsruhe.

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