Cent ans d’amour authentique

Cent ans jour pour jour après sa fondation, le Borussia Dortmund a une nouvelle fois démontré qu’il n’était pas tout à fait un club comme les autres. Malgré une température de -16°, nous étions plus de 80’000 supporters pour célébrer un anniversaire que l’on n’oubliera pas de sitôt, même si le match en lui-même n’a pas atteint des sommets.

C’est l’histoire d’une bande de jeunes qui boit des bières dans un bar, le genre de truc que l’on  a tous fait des milliers de fois dans notre vie (ou alors ton existence doit être un peu triste). Sauf que cette bande de jeunes-là va donner naissance à ce qui deviendra un siècle plus tard l’un des clubs de football les plus populaires de la planète. On était le 19 décembre 1909, dans une brasserie de la Borsigplatz, une modeste place des quartiers nord de la ville de Dortmund. Faute d’inspiration pour baptiser le club en création, il a été décidé de lui donner le nom de la bière qui se trouvait sur les tables, la Borussia (Prusse en latin). Une légende était née, celle du Borussia Dortmund, ou, plus familièrement, BVB (Ballspielverein Borussia ou Borussia vom Borsigplatz). Cent ans d’une histoire tourmentée, faite de succès mais aussi de désillusions qui ont nourris une ferveur jamais démentie, plus tard, la bande de jeunes des débuts était devenue, selon l’un des slogans du centenaire, «juste une bande de jeunes, jusqu’à ce qu’ils n’entrent dans l’histoire comme pères fondateurs» et la Borsigplatz «juste une place, jusqu’à ce que les meilleurs fans du monde n’en fassent un lieu de culte.»

Bière ou granita ?

Les hasards du calendrier ont fait que, cent ans jour pour jour après sa fondation, le Borussia Dortmund avait droit à un match de Bundesliga à domicile. C’était l’occasion de clore en beauté cette année du centenaire par une pleine journée de festivités, du culte du matin à la Party de la soirée. Mais le point d’orgue, c’était bien sûr le match du samedi après-midi. La vague de froid qui s’est abattue sur la Ruhr (-16° !) va encore ajouter au caractère mythique de cette journée : si l’on voulait éviter de se retrouver avec une granita dans les mains, il fallait boire très rapidement sa bière (note, cela n’a finalement pas beaucoup changé des habitudes). Un de nos bars favoris se trouve même dans l’impossibilité de servir de la bière, celle-ci ayant gelé dans les fûts. Mais il en fallait beaucoup plus pour refroidir l’ardeur du public dortmundois. Pour ce match historique, on avait bien sûr sonné le rappel des anciennes gloires du club mais, outre l’inamovible speaker Nobby «juste un attaquant jusqu’à ce que les meilleurs fans du monde n’en fassent un héros» Dickel, seuls deux d’entre eux auront les honneurs du micro avant le coup d’envoi, Ottmar «juste un prof de math jusqu’à ce qu’il n’écrive l’histoire avec les meilleurs fans du monde» Hitzfeld et Stéphane Chapuisat, qui n’a pas eu droit au billet à son effigie mais a été follement acclamé.

Barrios, qui d’autre ?

Le match débute par un somptueux tifo, présenté, évidemment, comme le plus grand du monde. Après une telle mise en scène, il fallait encore que l’équipe du BVB parvienne à éviter la peau de banane Freiburg, un adversaire modeste mais réputé difficile à manier et plutôt à l’aise à l’extérieur. Pour s’éviter toute frayeur inutile, il valait mieux marquer rapidement. Ce qui n’a pas trop tardé, malgré deux premières occasions manquées par Grosskreutz et Owomoyela. Logiquement, le but est tombé à la 19e, pour ce 19 décembre historique : j’avais un peu critiqué la qualité de centre de Marcel Schmelzer après le Revierderby contre Schalke mais là le champion d’Europe M-21 dépose la balle du 1-0 sur la tête de Lucas Barrios, qui n’a pas l’habitude de rater ce genre d’occasions. Signant ainsi son 9e but en 10 matches : je prends le pari, l’Argentin finira meilleur buteur de cette Bundesliga 2009-2010.

Merci Freiburg !

Avec cette ouverture du score, l’essentiel était acquis et, vu le contexte et les conditions de jeu, on n’en demandait pas plus. Le BVB a donc, malgré quelques sueurs froides (c’est le cas de le dire) en fin de match, tranquillement géré son avantage face à des Breisgauer qui n’ont pas démontré beaucoup de velléités de venir gâcher la fête jaune et noire, comme s’ils étaient venus davantage pour profiter des réjouissances et de l’ambiance que pour grappiller des points. A cet niveau-là, ils ont été servis car le spectacle est surtout venu des tribunes, avec des chants ininterrompus et un public debout toute la 2e mi-temps. Pour être franc, aussi un peu parce qu’il fallait bien se réchauffer mais les frissons n’étaient pas dus qu’au froid.

La meilleure équipe d’Allemagne

Accessoirement, les statistiques ne plaidaient guère en faveur d’une égalisation fribourgeoise : Dortmund n’a jamais perdu un match avec la charnière centrale Subotic – Hummels et n’a plus encaissé de but à domicile depuis le Revierderby fin septembre, soit 510 minutes d’invincibilité au Westfalenstadion, un record dans l’histoire du club (qui plus est avec l’inénarrable Weidenfeller dans les buts). Après la 7e journée et la défaite contre Schalke, le BVB pointait au 15e rang, avec 11 longueurs de retard sur la tête du classement et une seule d’avance sur la relégation, faisant planer le spectre d’un centenaire qui tourne au cauchemar du côté du Westfalenstadion. Depuis lors, le BVB n’a plus perdu en championnat et s’est montré la meilleure équipe de Bundesliga sur les 10 dernières rondes du 1er tour, terminant dans le quintette de tête à Noël pour la première fois depuis 2003, avec 5 unités de retard sur le leader Leverkusen.

Cent ans d’amour authentique

Après avoir flirté avec la disparition pure et simple il y a quelques saisons, le Borussia Dortmund paraît donc reparti pour cent nouvelles années de légende, dont la première page s’est écrite en ce samedi après-midi glacial : après les feux d’artifice d’usage et une demi-heure après le coup de sifflet final, il y avait encore 80’000 fans qui chantaient dans un Westfalenstadion transi par le froid et l’émotion. Démontrant que la devise du centenaire «Danke für 100 Jahre echte Liebe – Merci pour 100 ans d’amour authentique» était davantage qu’un simple slogan publicitaire mais bien l’expression d’une ferveur à nulle autre pareille.

Borussia Dortmund – SC Freiburg 1-0 (1-0)

Signal Iduna Park, 80’100 spectateurs.
Arbitre : M. Sippel.
But : 19e Barrios (1-0).
Dortmund : Weidenfeller ; Owomoyela (74e Dede), Subotic, Hummels, Schmelzer ; Bender, Sahin ; Blaszczykowski (78e Valdez), Zidan (90e Santana), Grosskreutz ; Barrios.
Freiburg : Pouplin ; Du-Ri Cha, Butscher, Bastians, Mendy ; Abdessadki, Caligiuri, Banovic (67e Flum), Makiadi (84e Bechmann) ; Reisinger, Idrissou (74e Jäger).
Carton jaune : 40e Banovic.
Notes : Dortmund sans Kehl, Tinga, Feulner, Hajnal, Le Tallec, Rangelov ni Öztekin (tous blessés), Freiburg sans Krmas, Barth, Salz ni Toprak (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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13 Commentaires

  1. J’ai presque les frissons quand je lis tes articles!lol

    1ère résolution pour 2010: monter un week-end à Dortmund pour voir enfin de mes yeux « les meilleurs fans du monde »!

  2. Je propose que l’Office du Tourisme de Dortmund engage Julien Mouquin !

    Moi aussi, j’ai envie de découvrir ce stade, cette ambiance et ces 3èmes mi-temps !

  3. Oui de très bon articles, qui donnent envie c’est sûr….mais….pour ce qui est de les promouvoir à chaques articles « meilleurs fans du monde » mouais.
    J’admets la ferveur du public pour un club qui se morfond dans le ventre mou du championnat depuis de nombreuses années.
    J’admire l’histoire du club qui sent bon le prolétaire et le foot authentique.
    Néanmoins « les meilleurs fans du monde » n’ont pas réussi à conserver le nom historique de leur stade mythique. Fucking disgrace dirait l’autre.
    Quand on pense aux fanatiques des clubs comme Boca Jr, Pana, Besiktas, LFC … je pense qu’il n’est pas crédible d’élir les fans de Dortmund « meilleurs fans du monde » ça reste ton avis.

  4. Ben non, les « meilleurs fans du monde » sont ceux du LHC au CIG de Malley.

    Ca, même les tchauxdfonniers sont d’accord avec.

    Cordialement
    ES

  5. Les meilleurs fans du monde sont ceux qui suivent leur petite equipe locale, sans fanfare, sans besoin de stades gigantesques, de masses de gens dans les tribunes, de se faire mousser avec des faits de legendes et qui peuvent se rendre au stade en marchant dans les rues de leur ville natale.

    Autrement, c’est juste un choix de marque attrayante, comme de faire BMW sa marque de bagnole preferee…

  6. Quel article et quelle fête! J’imagine qu’en plus, le retour de blessure de Dede et son entrée à la 74e minute n’ont rien dû gâcher 😉
    Mach bitte weiter Julien!

  7. @1890

    Oui c’est juste mais….. désolé si y a encore des gamins qui habitent dans le quartier de la Boca et qui suivent leur équipe de coeur, désolé si des gamins rouquins venant de Salford sont fans de MAnUTD depuis la naissance, tout le monde n’est pas né à la rue du village.
    RIP FC Baulmes

  8. Un plaisir à lire, ce papier. Même si moi, ce week-end là, j’étais à Hambourg pour me plonger dans une autre ambiance de feu, celle du derby HSV-Werder. Et malgré une température tout aussi polaire que celle du Westfalenstadion.

    Sinon je pensais que le BVB avait été fondé par des curés… d’ailleurs à la télé allemande, j’ai vu qu’on célébrait des messes pour le centenaire. Julien, tu pourrais éclairer ma lanterne? Ou mon cierge plutôt…;-)

  9. C’est vrai qu’un fan de foot DOIT faire le pélerinage une fois. Mais comment faire si tous les matchs sont « oversold » ?
    Et pas d’ac’ avec ton pari de meilleur buteur pour Barrios. Il lui faut trop d’occasions pour concrétiser… Juste pour embêter : ce sera Gomez

  10. @Blue Raph:
    J’allais pas rentrer dans tous les détails mais le BVB est en fait une sorte de dissidence d’une association paroissiale de jeunesse catholique, qui s’appelait plus ou moins « sodalité adolescente de la communauté de la Trinité ».
    C’est à la suite d’une assemblée paroissiale houleuse où aucun consensus n’a pu être dégagé sur la création d’un club de foot, notamment parce que certains religieux s’y opposaient, que 18 « rebelles » se sont retrouvés au restaurant « Zum Wildschütz » à la Borsigplatz pour fonder le club. Donc, le Borussia Dortmund a été créé par des laïques mais qui étaient tous membres d’une association paroissiale.
    Voilà, j’espère avoir répondu à ta question.
    Vivement BVB – HSV !

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