Le douzième homme

Trop souvent galvaudée, l’expression «douzième homme» a trouvé toute sa signification samedi à Dortmund. Largement supérieur en 1ère mi-temps, Leverkusen s’est fait avaler par l’ambiance délirante du Westfalenstadion après la pause, telle une Currywurst pas assez épicée.

Ce Topspiel de la 27e journée de Bundesliga entre Dortmund et Leverkusen promettait beaucoup : le BVB restait sur douze buts marqués lors de ses quatre derniers matchs, alors que le Bayer possède l’attaque la plus prolifique de la ligue. Trois des cinq meilleurs buteurs de la Bundesliga étaient sur le terrain au coup d’envoi, Lucas Barrios côté jaune et noir, Stefan Kiessling et Eren Derdiyok côté rouge. De plus, après la défaite du Bayern Munich plus tôt dans l’après-midi, Leverkusen avait l’occasion de reprendre la tête du classement, alors que Dortmund pouvait revenir, en cas de succès, à cinq longueurs de son adversaire du jour et de la Ligue des Champions. Ajoute à cela le cadre toujours majestueux du Westfalenstadion garni de plus de 80’000 fans et le décor est planté.

Roman Weidenfeller est magique

La première période est à sens unique, à l’avantage des visiteurs. Privé de sa plaque tournante Nuri Sahin, le BVB ne parvient pas à aligner trois passes consécutives et à porter le danger dans le camp adverse, avec notamment un Tamas Hajnal qui a eu de la peine à trouver ses marques dans un rôle beaucoup plus défensif qu’à l’accoutumé. En face en revanche, les Rheinländer dégagent une formidable impression de force tranquille, les combinaisons s’enchaînent, rendant la balle souvent insaisissable pour l’adversaire. Il faudra deux Riesenparade du gardien dortmundois Roman Weidenfeller devant Kiessling qui se présentait seul (11e) et sur un coup de tête de Derdiyok (26e) pour éviter une ouverture du score. En plus, le dernier rempart du BVB a eu la chance du grand gardien qu’il était samedi (ça n’a pas toujours été le cas par le passé), lorsqu’une reprise de Derdiyok a heurté son poteau (42e). Bref, à la pause, on n’en menait pas large dans les travées du Westfalenstadion, on ne voyait pas trop comment ce Borussia privé de ballon et incapable de s’approcher du but adverse, pourrait battre une équipe qui n’avait perdu qu’une seule fois lors des 26 premières journées de championnat. Leverkusen pensait peut-être même avoir fait le plus dur en ayant réussi à défendre dos à la Südtribüne sans avoir été inquiété.

Le Westfalenstadion est magique

Mais il suffira d’une action pour changer radicalement la physionomie de la rencontre, une longue ouverture suivie d’une déviation hasardeuse de Patrick Owomoyela pour Kevin Grosskreutz dont la frappe enroulée est détournée en corner par le portier de Werkself et (très controversé) de l’équipe d’Allemagne, René Adler. Une immense clameur salue cette première offensive dortmundoise : le stade venait de basculer dans une autre dimension, le match de basculer tout court. Les chœurs ne semblaient plus provenir des bouches de nos voisins ou même de l’imposante Südtribüne mais des entrailles même du stade, avec un son qui paraissait occuper tout l’espace pour descendre en direction du terrain.
C’est sans doute en référence à ce genre de délire collectif que le prestigieux Times a élu le Westflenstadion et son ambiance «meilleur stade du monde». Répété à l’excès par le speaker et dans le programme et billet de match, ce titre ronflant en fait tiquer plus d’un, c’est probablement d’ailleurs le but de ces répétitions un peu potaches, mais il faut convenir que dans des soirées comme celle de samedi, ce titre n’a rien d’usurpé. Les passes de Leverkusen qui arrivaient dans les pieds en 1ère mi-temps finissent en touche, alors que les joueurs du BVB gagnent tous les duels. Sami Hyypiä a beau avoir joué 10 ans à Liverpool, il ne doit pas avoir l’habitude de ce genre d’ambiance : impérial en 1ère mi-temps, le Finlandais paraissait une muraille infranchissable pour les timides assauts dortmundois. Après la pause, il faisait largement ses 36 ans face aux vagues jaunes et noires qui déferlaient à un rythme infernal. La statistique parle d’elle-même : avant la pause, 9 tirs à 1 pour Leverkusen, entre la 46e et la 65e, 10 tirs à 1 pour le BVB !

Lucas Barrios est magique

Il restait encore à concrétiser cette domination subite et dans ce domaine l’arme fatale du BVB se nomme Lucas Barrios. Sur le corner qui a suivi l’action de Grosskreutz susmentionnée, Tamas Hajnal trouve la déviation d’Owomoyela au 1er poteau et Barrios surgit pour ouvrir le score on ne sait trop comment. L’Argentin (qui pourrait devenir Paraguayen pour aller en Afrique du Sud) passera tout près du but de l’année quelques minutes plus tard : après une mauvaise passe de Barnetta (en mode équipe nationale en 2e mi-temps), la Pantera a tenté un lob insensé à 45 mètres qu’Adler a dévié in extremis en corner. Ce n’était que partie remise, Lucas Barrios réussira son deuxième doublé en huit jours quelques instants plus tard, lorsque, bien lancé par Mohamed Zidan (meilleur compteur de la Bundesliga en 2010 avec 4 buts et 5 assists), il a trouvé la lucarne d’Adler d’un délicieux extérieur du pied droit. Portant ainsi son total à 15 buts sur ses 19 dernières apparitions en Bundesliga, c’est énorme pour un joueur qui en est à sa première expérience européenne et qui ne tire ni coup franc ni penalty !
Avant de battre de nouveaux records de but, le Welttorjäger 2008 a déjà pulvérisé le record du nombre de maillots vendus pour un joueur du BVB (je t’avouerai que j’y ai participé, même si samedi j’arborai un maillot Sebastian Kehl). Outre son sens du but, son identification totale au club et son tempérament de guerrier, limite teigneux, ont fait en quelques mois de Lucas Barrios la nouvelle coqueluche du Westfalenstadion. Dès lors, je te laisse imaginer l’ovation à sa sortie du terrain.

Dortmund est magique !

Pour que le conte de fées soit complet, son remplaçant, le Bulgare Dimitar Rangelov, célébrera son retour après cinq mois d’absence en inscrivant le 3-0 en jouant en solo un deux contre un. Malgré son naufrage en 2e mi-temps, Leverkusen conserve toutefois toutes ses chances dans la course au titre, même si la sortie de Kiessling à la pause et une éventuelle indisponibilité prolongée seraient un gros coup dur. Les Rheinländer ont été assez impressionnants avant que le match ne bascule dans l’irrationnel. A priori le Bayern reste le favori mais les Rekordmeister sont assez médiocres depuis un mois et connaissent de gros soucis défensifs, ce pourrait être la chance de l’un des deux éternels perdants du foot allemand Bayer 04 (aucun titre de champion en 106 ans d’existence) ou Schalke 04 (aucun titre depuis 1958).
Lors des trois prochaines journées, il y a à l’affiche Leverkusen – Schalke, Schalke – Bayern et Bayer – Bayern… Quant à Dortmund, il pourrait profiter d’un calendrier plus favorable et des confrontations directes évoquées ci-dessus pour se replacer dans la course à la Ligue des Champions, qu’il n’a plus connu depuis la saison 2002-2003. En tous les cas, pour un club qui marche beaucoup à l’émotion et à l’euphorie, rester sur trois victoires et un goal average de 10-1 présage plutôt favorablement la suite des événements avec un engouement qui devrait, si c’est encore possible, aller crescendo jusqu’à la fin de la saison. Tu n’as donc pas encore fini d’entendre parler du douzième homme du Westfalenstadion…

Borussia Dortmund – Bayer Leverkusen 3-0 (0-0)

Signal Iduna Park, 80’100 spectateurs.
Arbitre : M. Meyer.
Buts : 50e Barrios (1-0), 60e Barrios (2-0), 87e Rangelov (3-0).
Dortmund : Weidenfeller ; Owomoyela, Subotic, Santana, Schmelzer ; Hajnal, Kehl (90e Hünemeier); Blaszczykowski (90e Feulner), Zidan, Grosskreutz ; Barrios (73e Rangelov).
Leverkusen : Adler ; Schwaab, Friedrich, Hyypiä, Kadlec ; Renato Augusto (67e Kroos), Vidal, Castro, Barnetta (67e L. Bender) ; Kiessling (46e Helmes), Derdiyok.
Carton jaune : 55e Vidal.
Notes : Dortmund sans Sahin (suspendu), S. Bender, Dede, Valdez, Hummels, Götze, Tinga ni Le Tallec (tous blessés), Leverkusen privé de Rolfes (blessé).

Écrit par Julien Mouquin

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3 Commentaires

  1. Surtout qu’en Bullendaz ( à Arnex-sur-orbe non? merci google 😉 ) il y a j’en suis sûr, cher Chrimani, beaucoup plus d’ambiance qu’à la Pontaise lorsque Le Mont y joue devant 15 payants et 3 chiens ces temps-ci…

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