Milan, déjà le retour sur terre ?

A la faveur d’une entame de championnat prometteuse, l’AC Milan espérait bien pouvoir contrecarrer la suprématie de l’Inter Milan en Italie. Mais en s’inclinant contre une Juventus solide et opportuniste, les Rossoneri passent derrière leur rival local et laissent entrevoir quelques doutes quant à leurs capacités à jouer le titre cette saison.

Après des années dans l’ombre du rival local intériste, l’AC Milan espère bien renouer cette saison avec sa gloire passée et pouvoir rivaliser avec le jouet du président Moratti. L’arrivée d’un nouvel entraîneur, quelques transferts un peu moins has been que lors des saisons précédentes et un début de championnat intéressant plaidaient en ce sens. Toutefois, les Rossoneri abordaient une semaine de vérité qui doit en dire un peu plus long sur leurs réelles possibilités cette saison, avec en l’espace de neuf jours, un déplacement à Naples puis la réception de la Juventus et du Real Madrid à San Siro. Tout avait bien commencé avec un succès à Naples mais l’étape suivante s’annonçait encore plus coriace avec la réception d’une Juve en progrès après un début de championnat calamiteux.

Un vrai 4-3-3

J’avais entendu parler du truc mais je voulais le voir de mes propres yeux pour y croire : c’est véridique, l’AC Milan joue bien en 4-3-3. Et un vrai 4-3-3, s’il vous plaît, pas un 4-3-3 qui est un fait un 4-5-1, style Gilbert Gress, avec des ailiers qui s’appellent Patrick Müller et Régis Rothenbühler. Là, les deux joueurs de couloir s’appellent Pato et Robinho, avec Ibrahimovic en pointe, ça fait plaisir de retrouver un Milan conquérant, c’est ça qui a fait la légende de ce club. Pour moi, le grand AC Milan des Hollandais a été l’objet de mes premiers émois footballistiques juvéniles, j’étais un peu consterné par ce qu’il était devenu ces dernières saisons, soit un club italien comme un autre, j’espère que ce retour à une certaine idée du jeu va perdurer.
Restait à transposer ces bonnes intentions du papier à la pelouse. Et ça part plutôt fort : après moins de 7 minutes, Pato perfore la défense turinoise et glisse à Ibrahimovic dont le superbe tir enroulé vient frapper l’angle des buts d’un Storari battu en la circonstance. Déjà le tournant du match. On retrouve les mêmes acteurs quelques instants plus tard, Pato à la percussion, Ibrahimovic à la frappe et cette fois Storari à la parade. Malheureusement, ce bon début de match milanais ne parviendra pas à emballer San Siro, l’inflation des mesures sécuritaires a sérieusement aseptisé l’ambiance dans ces grands stades italiens. Pire, il y a même des supporters bianconeri qui ont pu exulter en toute quiétude aux buts de leur équipe en dehors du secteur qui leur était réservé, y compris dans la curva sud, chose juste inimaginable il y a quelques années.

Eternelle Juve

La Juventus est quant à elle fidèle à elle-même. La preuve, Krasic est suspendu pour avoir obtenu un penalty sur une simulation éhontée la semaine précédente ; le seul truc qui a changé c’est que maintenant ce genre de tricherie peut être sanctionné en Italie. Nul doute que si cela avait été le cas en d’autres temps, la Juve compterait quelques lignes en moins à son palmarès. A part ça, la Vieille Dame est compacte, solide derrière avec un gros impact physique à mi-terrain et des joueurs capables d’exploiter le moindre ballon de rupture. Comme à la 19e mais Del Piero a préféré le centre tir sur Abbiati plutôt que le service à Quagliarella, seul au centre. L’avertissement n’a pas suffi, quelques minutes plus tard, Papastathopoulos et Abbiati cafouillent une relance, permettant à De Ceglie de trouver la tête de Fabio Quagliarella qui devance deux défenseurs pour ouvrir le score. Milan accuse le coup contre une Juve désormais cantonnée dans le rôle qu’elle préfère, soit défendre et casser le jeu. Il faut attendre les arrêts de jeu de la 1ère mi-temps pour voir une réaction milanaise, avec deux immenses occasions pour Zlatan Ibrahimovic, un coup de tête directement sur Storari et une volée trop enlevée.

Le record de Del Piero

Après la pause, Milan a peiné à inquiéter le réduit national turinois (manifestement Ueli Maurer n’est pas encore passé par la Juve). Il n’y a guère que sur le côté gauche, avec le duo Boateng (celui du Ghana, le méchant) – Robinho, que les Rossoneri parviennent à perforer le bunker adverse. Le Brésilien a offert un caviar à Ibrahimovic à la 49e mais le contrôle manqué du Suédois a permis à Felipe Melo de contrer sa frappe, avant d’exulter comme s’il venait de marquer le penalty décisif en finale de Coupe du Monde. En revanche, à droite, Pato, après son bon début de match, a complètement sombré, alors que les balles arrêtées, presque toutes jouées à deux, sont d’une indigence rare. Comme la Juve multiplie évidemment les pertes de temps et actes d’antijeu, le match s’endort un peu. Et ce qui devait arriver arriva : sur un contre, Antonini se rate, Sissoko part seul au goal, rate sa frappe mais la défense milanaise tarde à dégager et Alessandro Del Piero (je ne savais même pas qu’il jouait encore celui-là) marque dans le petit filet. Devenant ainsi le meilleur marqueur de l’histoire du club en Serie A (quitte à assister à un record historique de la Juve, j’aurais préféré voir, par exemple, la plus large défaite de son histoire…).

Pas de réussite pour les juniors

A 0-2, l’affaire semblait entendue face à un Milan bien emprunté, malgré l’entrée en jeu des juniors Seedorf et Inzaghi. Mais un centre de Luca Antonini repris victorieusement par la tête de Zlatan Ibrahimovic ravivera la flamme et fera remonter la tension. Felipe «Brésil-Hollande» Melo tentera de pourrir le match avec une simulation grotesque mais sans abuser l’arbitre, par ailleurs très bon, sinon qu’il aurait dû expulser l’infect Brésilien. Milan passera tout près de l’égalisation à l’ultime minute du temps réglementaire sur un double centre d’Abate : sur le premier, le ballon a longé la ligne sans pouvoir être repris, sur le second la fameuse reprise tibia-cuisse-genou d’Inzaghi finira sa course dans les bras de Storari. Si Pippo n’arrive plus à marquer sur ce genre de reprise fortuite, c’est que l’heure de la retraite approche. Constat également valable pour Seedorf qui bénéficiera de l’ultime occasion du match à la 94e mais sa volée a été bloquée par Storari. Là aussi, il y a quelques années, ça finissait sans coup férir dans le petit filet.

L’Inter passe devant

Avec cette victoire pas franchement méritée, la Juventus lance véritablement sa saison et se replace dans le peloton de tête de la Serie A, sans laisser une impression transcendante mais avec son opportunisme et sa rigidité habituels. Quant à Milan, il doit laisser passer son rival intériste au classement. Je n’ai suivi que d’un œil distrait le début de saison italien, alors je ne vais pas tirer de conclusions péremptoires sur un seul match, surtout que celui-ci aurait pu tourner complètement autrement si la frappe de Zlatan à la 7e était passée cinq centimètres plus bas. Néanmoins, j’ai quelques doutes sur la capacité de ce Milan-là à concurrencer sur la longueur d’une saison un Inter emmené par le meilleur joueur du monde, Wesley Sneijder, qui devrait recevoir le Ballon d’Or si cette distinction ne veut pas perdre le peu de crédibilité qu’il lui reste. Mais j’espère me tromper, il y a un Inter – AC Milan le 14 novembre prochain qui va sans doute passablement conditionner la suite de la saison.

AC Milan – Juventus Turin 1-2 (0-1)

Stadio Giuseppe Meazza, 76’768 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Rocchi.
Buts : 23e Quagliarella (0-1), 65e Del Piero (0-2), 82e Ibrahimovic (1-2).
Milan : Abbiati; Bonera (35e Abate), Nesta, Papastathopoulos, Antonini; Gattuso, Pirlo, Boateng (70e Seedorf) ; Pato (75e Inzaghi), Ibrahimovic, Robinho.
Juventus : Storari; Motta, Bonucci, Legrottaglie, De Ceglie (40e Pepe) ; Marchisio, Felipe Melo, Aquilani, Martinez (56e Sissoko) ; Del Piero (86e Amauri), Quagliarella.
Cartons jaunes : 36e Felipe Melo, 39e Boateng, 45e Pirlo, 52e Pepe.
Notes : Milan sans Oddo, Thiago Silva, Zambrotta, Ronaldinho, Ambrosini (blessés) ni Onyewu (malade), Juventus privée de Krasic (suspendu), Buffon, Chiellini, Manninger, Rinaudo, Iaquinta, Grygera, Lanzafame et Traoré (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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