A qui les Coupes du Monde 2018 et 2022 ?

Trois jours avant le vote qui désignera les organisateurs des Coupes du Monde 2018 et 2022, la rédac a demandé l’avis de trois rédacteurs qui défendent et cassent – avec leur bonne foi habituelle – deux candidatures. Tu es évidemment le bienvenu pour laisser ton commentaire, ami lecteur ! Maintenant, à la FIFA et à ses irréprochables membres de prendre leur décision.

Le choix de Marc-Olivier Reymond

Pour Angleterre 2018

52 ans après, revoir une Coupe du Monde dans le pays qui a inventé le ballon rond ne serait que justice. «Football’s coming home» comme dirait la chanson. Inutile de dire que la Perfide Albion a tout pour accueillir l’événement : des stades mythiques, des pubs à n’en plus finir, une sécurité au top niveau, une passion sans limite et, last but not least, des tables dance à tous les coins de rue. Tant pis pour la malbouffe et le temps pourri, de toute façon on ne va pas à la Coupe du Monde pour faire une cure de jouvence. Les Anglais auraient ainsi l’occasion de laver un affront : l’échec de l’Euro 1996 organisé sur leur sol. Un échec tant sur le plan sportif que populaire puisque la quasi totalité des stades n’avaient pas fait le plein, y compris Old Trafford lors de la demi-finale France – République tchèque (!). Une chose qui n’arriverait pas aujourd’hui. Aussi, incapable de gagner une quelconque compétition depuis 1966, il est temps que les Three Lions mettent fin à cette malédiction. Le seul moyen pour y remédier est de leur offrir le Mondial 2018 et faire ainsi exploser le record de pints ingurgitées en l’espace d’un mois. Les Roastbeefs le méritent bien.

Contre Espagne/Portugal 2018

Au risque d’exciter nos lecteurs ibériques, force est de constater que la candidature lusitano-espagnole est risible. Déjà, quelle mouche a piqué l’Espagne pour s’allier avec le petit voisin qu’elle a toujours méprisé ? C’est pas sérieux, c’est comme si l’Allemagne, la France ou l’Italie avaient besoin de la Suisse pour organiser une Coupe du Monde. De plus, la situation économique catastrophique des finances publiques et des deux principaux bailleurs de fonds du foot espagnol, les banques et l’immobilier, n’augurent rien de bon. Pas sûr que les investissements prévus pour les stades subsistent si l’Espagne doit prendre les mêmes mesures d’austérité que la Grèce. Au niveau de l’éthique, ça piquerait un peu de donner une Coupe du Monde à un gouvernement qui couvre le dopage depuis tant d’années. Mais bon, FIFA et éthique, ça fait de toute façon deux. Et on évitera d’évoquer les menaces de sécession catalane ou l’engouement modéré pour le foot en Espagne avec des affluences dans les stades qui stagnent, voire régressent, car on risquerait vraiment d’en fâcher quelques-uns. Sérieusement, cette candidature est aussi crédible que la présence d’Arles-Avignon en Ligue 1.

Le choix de Gary Romain

Pour Russie 2018

Franchement, quoi de mieux qu’une Coupe du Monde en Russie ? A l’image de Sotchi, ce pays est le seul (avec la Chine, c’est vrai) en période de crise financière à pouvoir s’offrir ce qu’il veut, quand il veut, en termes d’infrastructures sportives. Les travaux ont d’ailleurs déjà commencé à St-Pétersbourg pour un stade qui ferait même rêver les clubs les plus prestigieux de la Bundesliga. Le football russe est en pleine expansion, deux de ses clubs ont d’ailleurs remporté récemment l’Europa League. En prime, les filles y sont belles, les bières bonnes (ou réciproquement), le pays va offrir les visas aux supporters et faciliter grandement les transports (moins de deux heures d’avion entre tous les stades, pour ceux qui s’inquiètent des distances). Que demande le peuple ?

Contre Angleterre 2018

Offrir le plus grand tournoi du monde à un pays qui importe 63% des joueurs de sa première division serait un non-sens absolu. En plus, depuis l’entrée en vigueur de l’arrêt Bosman – voire même un peu avant –, les inventeurs du jeu de ballon font n’importe quoi avec leur sport fétiche et il est temps de leur faire payer. Ventes à des émirs ou des milliardaires américano-russo-qataris, faillites à gogo, formation des jeunes locaux laissée en friche ou encore maturité tactique générale oubliée dans une rue sombre de Middlesbrough un soir de novembre 1970, alors que le kick & rush dominait l’Empire britannique… Leur permettre d’organiser la Coupe du Monde reviendrait à offrir un Sugus à un gamin qui ramène un 2/10 de son devoir d’allemand. Je sais, moi aussi j’aurais bien voulu que ça se passe comme ça… Ils ont déjà eu Londres 2012, on voit le merdier qui s’est installé depuis.

Le choix de Mathieu Nicolet

Pour Espagne/Portugal 2018

Les organisations conjointes sont devenues une sorte de mode et une solution intéressante pour les pays d’une indigente faiblesse de pouvoir être directement qualifiés en tant qu’hôte. Si cette question ne se pose pas pour les Espagnols, cela permettrait au Portugal de s’éviter une campagne de qualification particulièrement stressante. Au niveau de l’organisation, les Lusitaniens avaient prouvé qu’ils étaient capables d’organiser une grande compétition et il serait bien vu de pouvoir bénéficier de leurs magnifiques stades déjà tous prêts. En y rajoutant le Camp Nou et Santiago Bernabeu, la candidature ibère est tranquille à ce niveau. Au niveau de l’atmosphère, on ne fait pas non plus de souci, mais gare au tapage diurne. Pour être tout à fait honnête, je ne vois pas d’arguments solides visant à dégommer la candidature ibère de manière crasse et abjecte.

 

Contre Belgique/Pays-Bas 2018

Ce n’est pas que cette candidature m’horripile au point de faire preuve d’un activisme proche des sécessionnistes flamands et wallons, mais avons-nous la certitude que la Belgique existera toujours en tant qu’état souverain d’ici à 2018 ? Si ce n’est pas le cas, ça mettrait un joli merdier. Au-delà des considérations géopolitiques, la période dorée des Preud’homme et autre Scifo est bien révolue pour les Diables Rouges ; organiser la Coupe du Monde chez eux les rendrait encore plus ridicules que la Suisse en 2008. Ne soyons pas vaches, il faut leur éviter ce camouflet. Nous savons aussi d’avance que l’organisation de la Coupe du Monde ne posera aucun problème majeur pour les Belges et Néerlandais, il faut toutefois admettre que c’est nettement plus poilant de sélectionner une candidature de seconde zone et de les laisser se démerder avant que pontes de la FIFA ne fassent une syncope. Parallèlement, le binôme avait déjà organisé l’édition 2000 de l’Euro et ça serait aussi une bonne idée de ne pas tomber dans le réchauffé. Du reste, c’est comme dans les films : le deuxième volet est toujours moins bon que le premier.

Le choix de Marc-Olivier Reymond

Pour Australie 2022
Une Coupe du Monde en Australie, c’est comme une cuite sans gueule de bois : ce serait trop beau pour être vrai. Pour ceux qui ont eu la chance de découvrir le pays de Kylie Minogue comme moi, il constitue indéniablement l’endroit rêvé pour organiser un Mondial de foot. Ses stades y sont modernes, ses bières excellentes, son peuple ô combien accueillant et je te promets que l’Australien de base peut se passionner pour le football. De plus, l’Océanie est le seul continent à n’avoir jamais organisé la grand-messe footballistique et mériterait, au vu aussi des bonnes performances de l’Australie sur le plan international, de recevoir la timbale. La réussite des Jeux Olympiques de Sydney plaide également en leur faveur. Seul hic, la météo risque d’être mitigée puisque «l’hiver» commence gentiment à s’installer en juin-juillet aux Antipodes. Ça reste très agréable dans le nord du pays mais des villes comme Sydney ou Melbourne peuvent connaître des températures relativement fraîches. Cela n’a pas empêché l’Afrique du Sud d’organiser le Mondial, il n’y a donc pas de raison que ça pénalise les Wallabies.

Contre Etats-Unis 2022

D’accord, les Etats-Unis ont toutes les infrastructures nécessaires pour accueillir une Coupe du Monde. On est le pays le plus riche du monde ou on ne l’est pas. Reste que les Américains ont déjà eu droit à leur part de gâteau en 1994, ils peuvent sans autre attendre quelques années. De plus, la perspective de voir des matches de football dans des stades sans ambiance est guère réjouissante, sans oublier qu’une nation qui vénère des sports aussi cons que le baseball ou le football américain ne mérite pas d’organiser deux Coupes du Monde en l’espace de 28 ans. Ce serait comme inviter une anorexique de 14 ans à un repas chez Rochat ou, en d’autres termes, à donner du caviar aux cochons. En tout cas, si la Coupe du Monde 2022 revient aux Etats-Unis, on aura la certitude qu’elle aura été achetée par Coca-Cola, Budweiser et autre McDonalds, trois des plus importants sponsors de la machine à fric zurichoise. Oseront-ils ?

Le choix de Gary Romain

Pour Qatar 2022

La FIFA a décidé depuis bien longtemps de prendre un virage tout business ? Alors il est temps pour elle d’aller au bout de ses arguments. Qu’est-ce que ça va être bien une Coupe du Monde dans des stades climatisés… J’espère que la bière y sera fraîche et avec alcool ! Pour les Larissa Riquelme en string en revanche, il va sans doute falloir faire une croix dessus. Mais bon, avec Zimdine Zimdane comme ambassadeur, les pétrodollars sont déjà de sortie plus de onze ans avant la compétition. Et comme la Fédération internationale a décidé de prendre le problème de la corruption par dessus la jambe, le Qatar a toutes ses chances. Un ou deux pots-de-vin bien investis et l’élection sera à coup sûr «à la Saddam Hussein».

 

Contre Japon 2022

Les Japonais ont co-organisé l’épreuve en 2002 et ils n’en ont pas profité pour développer une J-League toujours aussi grotesque. Lorsqu’on est relégué sur Eurosport 2, alors que même l’étape de Wil de «l’homme le plus fort du monde» a droit à la première chaîne, c’est qu’on est au bout du rouleau. En prime, les horaires de diffusion depuis le Pays du Soleil-Levant ne conviendraient pas du tout aux téléspectateurs européens et je serai de nouveau obligé de picoler dès 7h du matin. J’ai déjà essayé il y a huit ans, c’est bon, j’ai donné. La journée est vilainement longue après ! Et organiser une Coupe du Monde dans un pays qui a offert au football des arnaques telles que Nakamura et Nakata, ce serait faire preuve de bien trop de mansuétude.

Le choix de Mathieu Nicolet

Pour États-Unis 2022 

Ok, les Yankees avaient déjà organisé une phase finale – par ailleurs splendide – il n’y a pas si longtemps que ça, ce qui va à l’encontre de l’argumentaire développé ci-dessus. Mais dans le pays où le «soccer» prend une part de plus en plus prépondérante, l’appui de leur candidature coule de source. Sachant réaliser des shows comme nul autre ne sait le faire, le peuple américain est le plus formidable qui soit. Au niveau du décalage horaire, ça sera parfait pour nous : les premiers débuteront dans la soirée pour se terminer au petit matin. Idéal pour se faire des soirées gargantuesques. Et il faudra bien arrêter une bonne fois pour toutes avec les candidatures fantaisistes genre Brésil 2014 où les innombrables et insolubles problèmes liés aux infrastructures et à la sécurité vont se poser. Faire un tournus au niveau des continents est normal, mais organisons cet événement là où il y a des moyens et des garanties ! D’ici là, les États-Unis auront certainement une équipe susceptible de se battre avec les meilleurs et pourront créer la surprise sur leurs terres.

Contre Qatar 2022

Après le snowboard à San Diego et le beach-volley à Stavanger, il ne manque plus que le football au Qatar. Sur le plan sportif en général, ce micro-état pétrolier est devenu le spécialiste de la distribution de passeports en faveur des athlètes susceptibles de glaner des titres mondiaux ou olympiques. Le Qatar est aussi connu pour son tour cycliste où la grande variété des étapes est mondialement reconnue. Si l’intelligentsia de la FIFA compte se couper définitivement de la philosophie première du football, soit un sport populaire et accessible à tous, le Qatar semble tout désigné pour promouvoir cet aspect. Personne ne doute de la capacité de l’émirat à se doter d’enceintes toutes aussi magnifiques les unes que les autres grâce à ses pétrodollars, mais pour le côté festif, on repassera. L’alcool étant naturellement prohibé sous peine de ramasser 12 fatwas dans la tronche, les fans présents risquent de sacrément s’emmerder. D’un autre côté, organiser un botellón sauvage par 55 degrés à l’ombre, c’est peu recommandé. Alors si vous rêvez d’une Coupe du Monde entièrement disputé en indoor dans une ambiance aseptisée à souhait, priez pour que le Qatar remporte la mise. Pour finir, imaginons une qualification d’Israël pour la phase finale… ça pourrait vraiment être rigolo !