Mon week-end en Valais

A la demande de quelques lecteurs et de Yves Martin en particulier, nous avons le plaisir de relancer notre rubrique «Zoom sur…» qui fait la part belle aux anciens articles publiés sur CartonRouge.ch. C’est un reportage datant du 20 avril 2007 que nous dépoussiérons aujourd’hui. Ecrit par un dénommé Cracoucas dont nous avons malheureusement perdu la trace, ce récit sent bon le Fendant, le soleil et la fête, enfin, le Valais quoi. Bonne lecture !

Ce qui est sympa lorsque l’on va voir un match du FC Sion, c’est qu’il ne dure pas seulement 90 minutes. Sion – Zurich c’est l’affiche alléchante du week-end passé. Profitant d’un séjour en Valais, je me plonge dès mon arrivée dans l’ambiance de la vie sédunoise… Détails.

Samedi 13 heures : Place du Midi

Je me pose voluptueusement sur la terrasse du Boulevard, le soleil brille et les 28° annoncés justifient le défilé de shorts et mini-jupes devant moi. La place du Midi c’est un magnifique alignement de terrasses remplies de curieux à l’affut du moindre incident banal. Parole d’habitué, quand tu passes sur cette place en voiture, t’as pas le droit à l’erreur. T’as le pied gauche qui tremble sur l’embrayage, t’as une petite gouttelette de transpiration qui menace de tomber du front tellement tu as peur de caler. Il faut savoir que si tu cales devant le Boulevard, 500 personnes se lèvent et t’applaudissent. Sans oublier que ton nom, ton adresse et ton numéro de téléphone apparaissent dans le Nouvelliste du lendemain, rubrique «la honte», généralement à côté d’un article consacré à Stéphane Lambiel. Après avoir lu le Matin Orange (4 minutes 13), le Matin bleu (2 minutes 12) et le 20 Minutes (20 secondes), après avoir descendu une ou deux bouteilles d’un doux blanc valaisan, il ne te reste en général qu’une chose à faire. Tu prends un bout de papier et un stylo et tu commences à compter le nombre de fois où la Ducati rouge de Joe le Frimeur et la Subaru Impreza de Pedro le Poteau (vitres teintées saumon, jantes en fer forgé, antenne de CB, porte-ski en mousse et crochet de caravane en laine) passent devant les terrasses. Dans les grands jours, les frimeurs sédunois (généralement des jeunes qui descendent des vallées latérales, là où y a les vaches et les vignes) peuvent atteindre un score de 12 passages en 30 minutes (record à battre : Pedro et sa Sub).

C’est vers 17 heures que tu commences gentiment à te mettre dans l’ambiance du match du lendemain. Lorsqu’il se lève de table, le Valaisan de la Place du Midi prononce toujours une phrase qu’il puise dans une liste bien définie. Là voici en exclusivité :
A prononcer avec l’accent SVP !
– En piste ce soir ?
– Au match demain ?
– On se voit demain ici avant le match ?
– Tu vas au match demain ou bien ?
– Demain, match ?
– Match ? (Avec un petit signe de la tête)
– Diam’s ce soir ?
Vous l’aurez bien compris, aller au match le dimanche après-midi pour un Valaisan, c’est comme aller faire sa grillade à Vidy pour une famille portugaise ou espagnole (ou, dans une moindre mesure, c’est aller à la Zapoff le samedi soir pour un vendeur de Mediamarkt). La soirée se poursuit dans un sympathique restaurant portugais. C’est là qu’on me confirme que Pinto est un naze et que Carlitos plante lucarne sur lucarne… à l’entraînement. 32 kg de gambas plus tard, direction le centre-ville. Le pub à la mode en ce moment à Sion s’appelle le Contrejour. C’est là que tu peux croiser les joueurs sédunois lorsqu’ils décident de se mettre sur le toit. Veille de match oblige, tous les joueurs sont au lit (ou du moins pas de sortie…). Répondant favorablement à mon invitation, un membre du staff du FC Sion me rejoint pour partager une petite vodka en papotant de la vie du club. On se prend d’euphorie en imaginant neuf points pour les trois matches suivant (six contre Zurich et trois contre Thoune) qui pourrait rapprocher l’équipe de la tête du classement. S’en suit un petit débat autour du melon de Regazzoni et de la personnalité de Tintin. Ces discussions feront l’objet d’une oeuvre en 16 volumes de 300 pages à paraître en avant-première sur CartonRouge.ch dans le courant du 2ème semestre 07. Enfin, à ma question : «Pas trop de pression dans ton job ?», je reçois la réponse suivante : «Si tu tiens le coup six mois avec Tintin, tu peux aller faire décoller et atterrir les navettes de la NASA les mains dans les poches et les yeux bandés».

La nuit se poursuit et se termine au Diam’s Club, musique Electro House. C’est bien là qu’on se rend compte qu’on est en Valais. Les lumières se rallument vers 4 heures du matin avec encore 300 personnes dans la boîte, dont 292 qui ont un taux d’alcoolémie supérieur à 1,85 pour mille (et tout le monde sait bien que les Valaisans ne conduisent pas sous l’emprise de l’alcool, raison pour laquelle il y avait 77 taxis à la sortie*). La musique se coupe, je m’apprête à rentrer quand j’entends soudain un «Aux Aaaaaarmeuh». Inutile de dire que la boîte était en plein délire ! 30 minutes de folie à faire le tour des chants à la gloire du FC Sion. Oui, on était bien en plein match, la vodka avait remplacé la bière et le DJ avait substitué Alberto Bigon. Je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu des «Allez Lôzane, allez Lôzane» au Mad ou des «Allez Servette, allez Servette» au B Club. Bon c’est bien connu, à 4 heures du mat’ tous les supporters vaudois (22) et genevois (76 dont 42 Valaisans expatriés) sont devant leur PlayStation à essayer de faire remonter leur club en Super League. La nuit se termine sans souci majeur.

Dimanche 13 heures : Place du Midi

Même terrasse, même table mais 24 heures plus tard. Le défilé des shorts et mini-jupes est remplacé par la cohorte de supporters zurichois. La police se tient à distance respectable pour ne pas provoquer de débordements inutiles. Impossible d’être serein sur la terrasse. Un flash me rappelle un triste après-midi de 1991 où la ville avait été totalement saccagée par les supporters du Feyenord Rotterdam. On n’en est pas arrivé à ce niveau de dégâts, mais quelques chaises ont quand même volé. Devant le stade je tombe sur deux Toulonnais habitués des gros matches à Marseille. En Valais depuis quelques semaines, c’est la première fois qu’ils viennent à Tourbillon (avec dans leur tête, l’élimination de l’OM par les Sédunois en 1995). Ils me confient que, toute proportion gardée, Sion c’est le Marseille de la Suisse. L’ambiance, la ferveur autour du club et «Small Carpet»** justifient leurs propos.

Il est 15h45, je me place en gradin Nord, là où se trouvent les fan’s club sédunois. La chaleur étouffante provoque des coulées d’aisselles chez de nombreux supporters qui lèvent les bras au rythme des chants (moi je ne transpire jamais, mais quand je dis jamais, c’est jamais. Même par 47° à l’ombre et 95% d’humidité). L’ambiance monte, monte, monte. En face la cage réservée aux Zurichois est bondée. Le match promet d’être chaud. 16h le match débute. 17h50 le match se termine. Comme je ne suis pas fort pour les résumés de match et que tout le monde connaît déjà le score, a lu les comptes-rendus dans tous les quotidiens romands et surtout vu les images de la TSR (sans trop de problèmes techniques cette fois, en couleur et en image avec Jean-François Develey), inutile que je vous donne ma version. Ayant passé de l’euphorie à la déception en passant par l’énervement, je me suis quand même posé un certain nombre de questions durant ce match, questions légitimes et encore non-élucidées à ce jour :
– Est-ce que les lunettes de soleil utilisées par Tintin sont les mêmes qu’il portait lors de la dernière finale de Coupe ?
– Comment et pourquoi Carlitos fait 38 crochets, 54 passements de jambes et quatre triple-axel avant de passer son ballon ?
– Pourquoi les projecteurs sont-ils allumés à plein tube à 16 heures l’après-midi ?
– Pourquoi la blonde devant moi, à qui on avait distribué des morceaux de journaux découpés à envoyer en l’air au début du match, les a lancés un par un en faisant à chaque fois un petit avion avec ? (oui, la réponse est dans la question)
– Pourquoi Inler n’a-t-il pas (encore ?) été sanctionné ?
– Comment Kali a-t-il pu jouer les dernières minutes alors qu’il venait de se faire fracturer le tibia, le péroné, la cheville et quatre orteils ?
– Quelle est la valeur marchande du Totomat du stade ?
– Quand est-ce que Sion gagnera à nouveau sur ses terres ?
– Est-ce que Barberis terminera-t-il la saison avec Baulmes ? (Rien à voir mais ça sent pas bon au pied du Jura)
Comme un grand nombre de personnes je me retrouve coincé à la sortie du stade. Le temps qu’il faut aux Deltas alémaniques pour disperser les adolescents valaisans et zurichois qui se lancent du gravier et des épines de sapin, à 200 mètres en bordure d’autoroute. On s’attendait à quelques émeutes et quelques dégâts. Force est de constater que les forces de l’ordre ont bien géré la journée. Le retour sur la Place du Midi se fait dans la bonne humeur, malgré la défaite, et s’en suivent bien évidemment trois heures d’analyse à la Pierre-Alain Dupuis autour de quatre bouteilles de blanc et ceci, toujours à la même table du Boulevard.

 

Et oui… même en tant que Valaisan expatrié je m’aperçois qu’un match de Sion ce n’est pas seulement 90 minutes sur un terrain. C’est surtout 37 heures sur la même terrasse, 12 bouteilles de blanc, quatre coups de soleil et une ambiance foot du samedi après-midi au dimanche soir. Je tiens à lancer un appel à l’aide du côté de Axe ou Rexona. Si vous avez un surplus d’échantillons de déodorants, prière de contacter au plus vite le secrétariat du FC Sion à Martigny (Jamais).
* Erratum, il y en avait 2
** Petit tapis à Tintin (oui je sais, c’est fin…)

Écrit par Cracoucas

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10 Commentaires

  1. Si seulement ces chèvres pouvaient s’en inspirer sur le terrain. Mais bon, je ne me fais plus d’illusions avec ces couillons.

    Même Xamax ne sait toujours pas comment il a pu faire 6 points en se ménageant 3 occases construites en 270 minutes de jeu.

    Sheehan aurait évoqué la solidarité romande.

    Sinon, superbe article.

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