Bundesliga 2010-2011, bilan, partie VI

Voici le soixante-deuxième et dernier article de foot allemand de cette saison 2010-2011 que l’on n’est pas prêts d’oublier : on termine avec le fiasco quasi-total du Bayern Munich, un énième titre de vice-champion d’Allemagne pour Vizekusen et le sacre flamboyant du Borussia Dortmund.

Bayern Munich  (3e, 65 points, qualifications de la Ligue des Champions)

Mon pronostic : 1er.
Le Bayern Munich visait ouvertement un triplé Coupe-championnat-Ligue des Champions, il finit la saison en fêtant comme un titre de champion du monde une qualification pour les… qualifications de la Ligue des Champions ; c’est dire si la saison a été ratée du côté de la Säbener Strasse. Les principaux responsables de ce fiasco sont à chercher à la tête du club, notamment le président Ueli Hoeness et sa décision de ne pas recruter l’été dernier. Manifestement, il avait surestimé la valeur de son équipe et sous-estimé l’impact d’une préparation raccourcie par la présence de onze demi-finalistes de la dernière Coupe du Monde dans l’effectif. En début de saison, les Rekordmeister possèderont même la pire attaque de la ligue ! L’offensive reprendra des couleurs avec la résurrection de Mario Gomez mais les résultats resteront plombés par une défense folklorique. On s’attendait donc à un recrutement massif en défense à Noël mais Hoeness se contentera de remplacer Demichelis et van Bommel par le milieu Luiz Gustavo.
Du coup, le Bayern continue à s’enfoncer après la trêve hivernale : Louis van Gaal fait jouer les milieux de terrain Tymoschuk et Luiz Gustavo respectivement défenseur central et latéral, le latéral Pranjic en milieu de terrain, les Rekordmeister sombrent 3-2 à Köln après avoir mené 0-2 et font définitivement une croix sur le titre après avoir été surclassés à domicile par Dortmund fin février (1-3). Mais, malgré le retour de Robben (14 matchs, 12 buts, 10 assists !), le pire est à venir : le Bayern s’incline à Hanovre lors de la 26ème journée et est relégué à cinq longueurs d’une place en Champions League, dont la finale se jouera à Munich en 2011-2012, avec la promesse solennelle du président Hoeness que le Bayern jouera cette finale… On tombe donc en plein FC Hollwyood, avec théories vaseuses des glorieux anciens, querelles de pouvoir et rivalités entre supporters pro ou anti-Hoeness, pro ou anti-Neuer, à grand coup de banderoles assassines. Finalement, Hoeness prendra prétexte d’une bévue du jeune gardien Kraft à Nuremberg à cinq matchs du terme pour virer Louis van Gaal. Dont l’assistant Andries Jonker assurera l’intérim avec succès (5 matchs/13 points), et profitera de l’effondrement d’Hanovre pour arracher l’objectif strict minimal, la troisième place synonyme de tour qualificatif pour la Ligue des Champions. A des années lumières des ambitions d’avant-saison…
 
Top-Spieler : Mario Gomez
Transfert le plus cher de l’histoire de la Bundesliga (30 millions d’euros à l’été 2009), Mario Gomez a constitué un flop monumental pendant quinze mois. D’ailleurs, en début de saison, l’entraîneur van Gaal le cantonne dans un rôle de joker. Et pour sa première titularisation, lors de la défaite à Dortmund (2-0) début octobre, Mario Gomez mange la feuille de match en galvaudant quatre grosses occasions d’ouvrir le score. Si Klose et Robben n’avaient pas été blessés à ce moment-là, pas sûr que l’on aurait revu l’attaquant allemand sous le maillot bavarois. Mais le déclic va se produire lors du match suivant, avec un triplé contre Hanovre. Depuis lors, Mario Gomez est redevenu la machine à marquer qu’il était lors du titre de Stuttgart en 2007 : 28 goals en 26 matchs de championnat, 8 en 6 matchs de Ligue des Champions et 4 en autant de matchs officiels avec la Nationalmannschaft !

Flop-Spieler : Martin Demichelis
En début de saison, Martin Demichelis a eu la bonne idée de demander une augmentation de salaire, au motif qu’il était «l’un des meilleurs défenseurs centraux du monde.» Cela n’a guère plu à la direction bavaroise, surtout que sur le terrain l’Argentin n’était absolument pas à la hauteur. A tel point que Louis van Gaal l’a généralement laissé sur le banc. Et lors de ses rares apparitions (notamment une entrée en jeu catastrophique à Dortmund), Demichelis n’a pas montré qu’il méritait de jouer plus. A tel point qu’Hoeness n’a pas eu trop de scrupule à laisser filer à Noël celui qui constituait tout de même une figure emblématique du club (il y était depuis 2003) vers l’EMS qatari de Malaga.
La révélation : Thomas Kraft
Thomas Kraft s’était révélé lors des matchs de préparation mais il a dû attendre le début du 2e tour pour être titularisé par un van Gaal guère satisfait du rendement de Butt au 1er tour. Au début, tout se passe bien pour le jeune Kraft, qui sort un penalty pour son premier match à Wolfsburg et réussit quelques performances brillantes, notamment en Ligue des Champions à San Siro contre l’Inter. Mais il va devenir bien malgré lui l’enjeu d’une double lutte d’influence au sein du FC Hollywood : d’une part entre le président Hoeness, qui veut engager Neuer, et les supporters, qui ne veulent pas entendre parler de Neuer et soutiennent Kraft, d’autre part entre l’entraîneur van Gaal, protecteur de Kraft, et ce même Hoeness, à l’affut du moindre prétexte pour dénigrer son entraîneur, quitte à sacrifier un jeune portier de 22 ans. Thomas Kraft craquera sous la pression et commettra quelques boulettes, dont une énorme à Nuremberg, qui lui sera fatale, en même temps qu’à van Gaal. Néanmoins, je reste persuadé que ce jeune homme est bourré de talent et que, à l’instar de Rensing à Köln, il pourra rebondir avec succès, loin de la pression malsaine du FC Hollywood (à vérifier avec le Hertha dès le mois d’août).

Bayer Leverkusen (2e, 68 points, Ligue des Champions)

Mon pronostic : 2e.
Ce n’est pas cette saison que Leverkusen gagnera le premier titre national de son histoire ; pour la cinquième fois en quinze ans, Vizekusen termine vice-champion d’Allemagne. Toutefois, contrairement aux échecs sur le fil de 2000 ou 2002, cette saison Neverkusen a plus gagné une qualification en Ligue des Champions que perdu le titre. Car la Werkself est tombée sur beaucoup plus fort qu’elle et n’a jamais fait la course en tête. Contrairement aux deux exercices précédents, où les Rheinländer avaient mené avant de s’effondrer, ils auront tenu leur rang cette saison, résistant au retour du Bayern pour assurer un ticket direct pour la C1. Si le Bayer a présenté un jeu très attractif, emmené par un remarquable quatuor médian, il a souffert de la discrétion de ses attaquants Derdiyok, Kiessling et Helmes (parti à Noël), mais surtout de la perméabilité de sa défense, coupable de quelques naufrages monumentaux.
Et puis Neverkusen a fait honneur à sa réputation d’éternel perdant : à chaque fois qu’ils ont eu l’occasion de revenir sur Dortmund, les Rheinländer sont passés au travers, notamment à domicile avec seulement 32 points pris sur 51. Finalement, cette deuxième place qui marque le retour du club en Ligue des Champions après six ans d’absence était sans doute le maximum que le vétéran Jupp Heynckes pouvait tirer de cette équipe.
Top-Spieler : Arturo Vidal
Pour beaucoup d’entre vous, Arturo Vidal n’est rien d’autre que le Sergio Busquets de service qui a simulé pour provoquer l’expulsion de Valon Behrami lors de la dernière Coupe du Monde. S’il reste l’un des joueurs les plus détestables de la Buli, le Chilien s’est toutefois  bien calmé : «seulement» 4 jaunes et 1 rouge cette saison, bien en deçà de ses records des championnats précédentes (14 avertissements en 09/10, 2 expulsions, 10 avertissements en 08/09). Du coup, son jeu a pris une dimension supplémentaire pour en faire l’un des joueurs majeurs de la Bundesliga. A tel point que les stars Rolfes et Ballack ont dû se disputer la place de deuxième demi défensif à ses côtés, Vidal étant intouchable pour la première. En plus de sa grinta et de son abattage à mi terrain, le Chilien finit meilleur buteur et meilleur passeur du vice-champion d’Allemagne (10 buts /12 assists). Dès lors, il ne faut pas s’étonner que Naples, le Bayern et quelques autres cherchent à l’enrôler mais Vizekusen n’a pas trop envie de lâcher son MVP.
Flop-Spieler : Michael Ballack
Le retour de Michael Ballack devait amener ce petit plus permettant à Neverkusen d’enfin aller chercher le premier titre de son histoire ; il aura au contraire été source d’embarras pour l’entraîneur Heynckes. Longtemps blessé, l’ancien capitaine de la Nationalmannschaft a fait son retour durant le 2e tour mais il s’est vite avéré que, comme demi défensif, aux côtés de Vidal, il était moins performant que Rolfes ou même Bender. Jupp Heynckes l’a alors avancé d’un cran comme meneur de jeu dans son 4-2-3-1 mais là Ballack nuisait à la vitesse et à la fluidité du jeu, par rapport au titulaire habituel, Renato Augusto, sans venir marquer des buts décisifs comme à sa grande époque. Bref, Michael Ballack aura surtout servi à motiver les adversaires de Neverkusen, en déclarant vouloir faire très mal au Bayern ou en braillant des slogans hostiles à Köln après une victoire contre Schalke. Résultat : Vizekusen a enterré ses derniers rêves de titre avec des défaites à Munich (5-1) et à Köln (2-0). Pour couronner le tout, l’ancien Blue n’est pas parvenu à se rendre compte qu’il avait fait son temps en équipe nationale et à se retirer de son plein gré, c’est le sélectionneur Jögi Löw qui a dû lui montrer la porte. Ce qui débouchera sur le pathétique vaudeville qui anime la pause estivale outre-Rhin et fait actuellement la une de la presse populaire.

La révélation : Sidney Sam
Brillant en Zweite Liga la saison passée avec Kaiserslautern, Sidney Sam était attendu au tournant. Surtout qu’il devait assumer la lourde succession de Toni Kroos. Après quelques matchs d’adaptation, il s’imposera, malgré une forte concurrence, comme un titulaire indiscutable dans le couloir droit où sa force de percussion fera des ravages dans les défenses adverses. Accessoirement, sa frappe de balle phénoménale lui permettra d’être l’auteur de quelques-uns des Sonntagschüsse de la saison. S’il n’a pas encore eu les honneurs de l’équipe nationale A, c’est uniquement parce qu’avec les Özil, Reus, Götze, Schürrle, Holtby, Grosskreutz, Marin, Trochowski, Müller, Kroos, Podolski, Draxler et compagnie, il y a surabondance de biens en Allemagne au niveau des milieux offensifs. Mais son tour viendra.

Borussia Dortmund (1er, 75 points, Deutscher Meister 2011)

Mon pronostic : 3e.
Je t’ai déjà tout dit sur le Borussia Dortmund cette saison ; en même temps, je pourrai faire une thèse sur chaque joueur et il y aurait encore mille anecdotes que j’aurai envie de te raconter sur cette équipe que personne n’attendait mais qui, nonobstant toute attache partisane, va marquer l’histoire de la Bundesliga, par sa jeunesse, par son enthousiasme, par la qualité du jeu présenté et par la ferveur inouïe qu’elle a suscité. Et ce quoiqu’il puisse advenir par la suite, champion sans lendemain ou amorce d’un retour durable au sommet du foot germanique et européen.
Alors, plutôt qu’une longue théorie, je ne résiste pas à la tentation de te livrer quelques extraits d’une interview de l’entraîneur Jürgen Klopp, paru dans la Sueddeutsche Zeitung (traduite par l’excellent www.bvb09-fr.com), qui résume assez bien ce qu’ont ressenti tous ceux qui ont eu le privilège de vivre, de près ou de loin, cette saison magique du BVB : «Si vous venez dans notre stade pour la première fois et qu’il y a 80’000 personnes, vous pensez : Whoa ! Mais vous ne vous y habituez pas. Cela vous donne la chair de poule à chaque fois (…) Au cours de ce week-end [n.d.l.r. 14-15 mai, avec le dernier match, la remise du Schale et la Meisterfeier], dans le stade, lors de la fête le soir et pendant le défilé en ville le dimanche, je me suis dit plusieurs fois : je ne vivrai jamais une nouvelle fois quelque chose d’aussi grand dans ma vie ! C’était le point culminant ! Et puis on arrive dans le virage de la rue suivante et tout cela vous submerge à nouveau. (…) De tels moments de bonheur, où en trouvez-vous ? Si vous arrivez à la fin de votre vie et que vous avez connu vingt moments comme cela, vous pouvez dire que vous êtes un homme riche et heureux. Peut-être que moins de vingt peuvent suffire.» Nous mourrons donc riches et heureux, c’est toujours ça de pris. Reprise le 17 juillet pour la Zweite Liga et le 5 août pour la Bundesliga, avec Dortmund – Hambourg. On y sera. A la saison prochaine.

Écrit par Julien Mouquin

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6 Commentaires

  1. Tout simplement merci Julien de faire si bien partager aux lecteurs de CartonRouge.ch ta passion pour la Bundesliga en général et le BVB en particulier ! Envoie-moi le programme de la saison prochaine, je crois bien que je vais continuer à t’accompagner de temps en temps pour ces week-ends germano-footeux !
    (surtout qu’il n’y a pas d’Oktoberfest pour nous en 2011) 😉

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