My name is Örn

Franchement, il se passe des trucs dans la vie des fois… Salut ! Je m’appelle Örn, j’ai 53 ans et j’habite un peu partout. Ce week-end, comme d’habitude, je savais pas trop quoi faire, mais j’ai eu la chance de croiser deux Suisses un peu tarés.

Örn, ça ne vous dit sans doute rien comme ça. Mais en islandais, mon pays d’origine, ça veut dire «Aigle». Ces temps, je zone dans le quartier de Christiania à Copenhague. Vous connaissez ? C’est un lieu alternatif où les habitants fixent leurs propres lois. On a notre propre drapeau, notre propre thune, nos règles à nous et les gens viennent du monde entier pour profiter de notre «micro-climat»… Ici, je range les vélos et je parle aux oiseaux. C’est important de parler aux oiseaux.

Vendredi, j’étais tranquille à moitié défoncé au centre de notre îlot de sérénité à fumer des gros trucs et à boire des bières locales, quand deux gars un peu bizarres sont venus s’asseoir à côté de moi. On a commencé à parler pluie et beau temps (enfin, surtout de la pluie par ici), à refaire le monde sous toutes ses coutures, quand tout à coup, une grosse descente de flic s’est abattue sur notre havre de paix.

Tout le monde courrait un peu dans tous les sens et j’ai dû expliquer à ces deux cons de Suisses ce qu’il se passait. Quand ils m’ont dit qu’ils étaient journalistes pour CartonRouge.ch, j’ai failli craquer. Franchement, journalistes ou flics, même combat ! Mais ils avaient l’air sympas, ils m’ont payé une bière, alors je leur ai expliqué le concept.Personnellement, autrement, je fais pas grand-chose dans ma vie. Je suis allé dix fois au Sri Lanka, j’ai fait mes premières armes dans des lieux louches à Amsterdam et ces temps, je me déchire la gueule tranquillement à Christiania. C’est un bon spot. Normalement, mon existence se résume à ranger les vélos et à parler aux oiseaux. Les vélos à leur place, les oiseaux aussi et moi c’est Örn, ça veut dire Aigle en islandais.

Après avoir expliqué un peu la vie à ces deux jeunes blancs becs, ils ont commencé à me chauffer. «Ouais, t’es allé treize fois en Afghanistan, t’as pas les couilles de venir avec nous à Aarhus demain pour voir la Suisse M21». La quoi ? Je les ai insulté ces deux cons. Ils avaient l’air d’y croire à leur match de foot. Moi, la dernière fois que j’ai fait du sport, c’était pour échapper aux flics !

Le pire, c’est que je ne savais même pas que ce truc se jouait dans notre pays. Après ils m’ont expliqué qu’il n’y avait pas de match à Copenhague et que tout s’était déroulé entre Herning, Aalborg, Aarhus et autres bleds paumés. Du coup j’ai été obligé de leur faire une leçon de géo pour leur faire comprendre que le vrai Danemark c’était Copenhague et le reste était vraiment des coins de paysans reculés.

C’est terrible, parce que je suis vraiment un gars faible. Après la cinquième bière, je faisais un «chiche» avec eux. Genre : hey, Hans-Ingo, si tu bois celle là cul-sec (réd : une Carlsberg-Elephant, 7,4% d’alcool) et je viens avec vous, j’en ai rien à foutre. Quatre secondes après, ce con de Suisse avait sifflé la bouteille. Je ne pouvais plus dire non.

Tant bien que mal, nous nous rejoignons sur le quai de la gare le lendemain. Les Suisses sont allés dormir dans un vrai hôtel avec des portes qui ferment et des vraies toilettes, pendant que moi je finissais la nuit dans une cahute mal aérée. Mes collègues de virée se félicitaient tant et plus du fait que la Suisse ait remporté sa demi-finale, sans quoi ces grands malades auraient dû se taper deux heures de plus de train pour aller jusqu’à Aalborg. Ils m’ont d’ailleurs dit que cette ville devait être le Moudon du Danemark… Mais je n’ai pas vraiment capté leur argumentaire. Moi c’est Örn, ça veut dire Aigle en islandais.

Arrivés sur place à Aarhus, ils m’emmènent directement dans un nouveau pub. J’étais là pour commander les bières parce qu’ils ne comprennent rien au danois, mais ils ont commencé à parler avec des gens de leur pays dans une autre langue, j’étais dépassé. Autant le danois est compliqué à apprendre, mais les Suisses allemands qu’ils m’ont présentés étaient encore plus incompréhensibles qu’un Danois sous champignon.

On a quand même réussi à se pinter la gueule bien correctement, avant d’aller vers le stade de cette humble bourgade. Le bâtiment a bien fait rire mes deux comparses suisses. Un des deux n’arrêtait pas de dire que le stade était comme une Pontaise en Lego, parce qu’ils avaient pas assez d’argent pour faire un vrai stade. J’ai pas compris. Moi c’est Örn, ça veut dire Aigle en islandais

Le match, franchement, je ne saurais trop vous dire. J’avais le soleil dans la gueule toute la première mi-temps et j’ai failli verser pour plein de raisons. Déjà, sur l’herbe, il ne se passait rien et ensuite parce qu’il n’y avait que des bières avec seulement 0,5% d’alcool dedans. Un de mes accompagnateurs avait bien acheté une bouteille d’alcool de plantes pour la couper avec la bière et la rendre plus joyeuse, mais on a tous abandonné après un seul verre. On aurait dit du génépi avec du thé froid, les bulles en plus. Un des Suisses m’a expliqué un truc à propos des mollets d’un de leurs joueurs, mais j’ai pas compris quoi. J’ai demandé à mon voisin danois s’il était au courant de quelque chose, le con dormait…

Mes amis ont commencé à faire la gueule avant la mi-temps, parce que ce sont les Espagnols qui ont mis un but d’abord. Et ce n’est pas allé mieux après. Ils ont rencontré des collègues de leur pays et j’ai vraiment décroché. Ils ont parlé en français avec des types avec des écharpes grenat. Ensuite ils se sont prosternés devant un mec qui avait un tee-shirt plus pourri que le mien, mais qui portait la signature d’un dénommé Comisetti. Moi c’est Örn, et ça veut dire Aigle en islandais.

A la fin, y’a eu encore un but d’un Brésilien, mais j’ai pas compris ce qu’il faisait là. Même mon voisin danois ça l’a réveillé pendant 3 secondes, mais il n’était pas plus au courant. Mes potes suisses par contre n’en menaient pas large… Le premier voulait en finir à grand coup de cul-sec d’alcool de plante, tandis que l’autre parlait se faire installer une perfusion de Carlsberg 0.5% et d’aller bouter ces vilains espagnols hors de Malley. Moi c’est Örn. Aigle en islandais.

Heureusement, après le match, ils se sont ressaisis et on est allés en ville boire quelques vraies bières. Mais les deux types n’en avaient pas assez. Alors qu’on picolait tranquillement sur une terrasse et qu’il ne faisait, comme souvent par ici, toujours pas nuit à 23h30, ils sont allés prendre des photos des joueurs de chez eux qui revenaient du match. Un abruti hurlait en espéranto, les joueurs sont devenus fous en croisant un enterrement de vie de jeunes filles devant leur hôtel et moi – Örn, Aigle en islandais, je sais pas si je vous l’ai déjà dit – j’ai été rechercher une tournée de bières.

Je te jure, je ne comprends pas ce qui les excite dans ce sport. Mais bon, pour moi, ça m’a un peu changé de ma vie. Et les Suisses, franchement, ils sont sympas, ils arrêtent pas de payer à boire et de rouler des trucs. Après quelques chopes et alors que je m’apprêtais à dormir dans un coin, ils m’ont fait monter dans un nouveau train pour rentrer dans la capitale. C’est pratique, il y en avait un à 2h30 du mat’. Du coup, on est arrivés frais et dispo à Copenhague et j’ai directement pu retourner dans mon quartier pour ranger les vélos et parler aux oiseaux. Quant aux deux Suisses, la dernière fois que je les ai croisés, ils agitaient des drapeaux avec l’inscription Tour de Romandie lors d’un concert de reggae danois… Partis comme ils sont partis, ils vont bien finir par rester…

Mon nom c’est Örn, et ça veut dire Aigle en islandais.

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15 Commentaires

  1. Hatai amach Fir, ça veut dire chapeau bas Messieurs en irlandais. Vous avez bien du vous éclater et pas uniquement lors la rédaction

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