Les supporters romands n’ont-ils aucune fierté ? (4/4)

Quand j’ai entamé cet article sur les clubs romands et leurs présidents-mécènes improbables, je ne pensais pas que certains d’entre eux démontreraient de manière si éclatante l’absurdité du modèle. Pour conclure, on va se demander pourquoi les plus beaux fleurons du sport romand tombent régulièrement sous la coupe d’hurluberlus d’horizons divers et s’il peut y avoir quelques espoirs que les choses changent à l’avenir.

On a vu que le modèle du président-mécène n’était pas une spécificité romande, qu’à l’étranger aussi de nombreux clubs devaient composer avec un dirigeants tout puissant. Là où l’on a été relativement précurseurs, c’est que l’on a été parmi les premiers à confier les clés de nos clubs à des mécènes étrangers. L’autre particularité, c’est le caractère souvent pittoresque, pour rester poli, des bienfaiteurs du foot romand. Lesquels se distinguent généralement surtout par leur propension à entretenir des polémiques stériles, à animer davantage la rubrique faits divers plutôt que sportive et à devenir la risée de tout le pays, voire même des pays voisins, par leurs méthodes irrationnelles, leur volonté de tout diriger, y compris dans des domaines qu’ils ne maîtrisent pas, et leur incapacité à s’entourer de personnes compétentes. Dès lors, pourquoi nos clubs attirent-ils systématiquement à des dirigeants aussi farfelus ? 

Les causes :

1. La mentalité

On ne va pas se lancer dans de grandes explications sociologiques mais le culte du chef est bien davantage ancré dans la culture latine que germanique, ce qui tendrait à expliquer que le modèle du président tout puissant prend davantage en Italie ou en Suisse romande qu’en Allemagne ou en Suisse alémanique. En outre, le rapport au déficit n’est pas le même : ce n’est pas un hasard si la crise de la dette en Europe touche essentiellement, à part l’Irlande, des pays latins. A l’échelle suisse, les collectivités publiques les plus endettées du pays se trouvent de ce côté-ci de la Sarine. En Suisse romande, la mentalité d’assisté prend très souvent le pas sur la responsabilité personnelle, il n’y a pas vraiment de raisons qu’en sport il en aille autrement : c’est pour ça que nos clubs préfèrent souvent attendre niaisement que l’argent tombe du ciel plutôt que de tenter de développer leurs propres ressources. Etre davantage cigale que fourmi et vivre largement au-dessus de ses moyens dans le sillage d’un chef charismatique sans se préoccuper de l’avenir, c’est malheureusement largement ancré dans les traditions locales et les clubs de football ou de hockey n’y dérogent pas.

  

2. Le manque de soutien politique

Ce n’est pas forcément au contribuable de financer les salaires somptuaires des mercenaires de la première équipe mais le soutien, notamment au niveau des infrastructures et de la formation, pourrait être supérieur. Surtout en comparaison avec les fortunes dilapidées dans des activités culturelles qui ne touchent souvent qu’une infime minorité. A Sion, une bisbille entre autorités et dirigeants du club a fait pousser des projets de stade dans tout le Valais sauf à Sion. A Genève, hockeyeurs et footballeurs mendient auprès des autorités à la fin de chaque exercice. A Lausanne, c’est l’amour fou entre le LS et les autorités communales depuis que ces dernières ont eu besoin du soutien des footeux pour leur projet de bétonnage des Plaines-du-Loup, visant à remplir les caisses vides de la commune. Mais à l’époque où le Lausanne-Sports était au bord du gouffre, la ville n’a pas levé le petit doigt pour l’aider en refusant la rénovation du stade ou une aide ponctuelle pour sauver une institution plus que centenaire, alors qu’elle a englouti des sommes bien plus considérables pour sauver les Docks, machine à déficits créée quelques années auparavant seulement. Et les (maigres) recettes de billetterie du LS continue d’être lourdement ponctionnées par l’anachronique impôt sur les divertissements…
La nouvelle mode, ce sont les politiciens qui gaspillent sans compter dans certains domaines mais qui s’érigent en gestionnaires avisés des deniers publics lorsqu’il s’agit de taper sur les clubs de foot en leur facturant des frais de sécurité exorbitants. Alors même que la sécurité sur la voie publique est une tâche publique par excellence. Etonnamment, les organisateurs de festivals qui dégagent des bénéfices considérables ou de manifestations «politiques» qui dégénèrent systématiquement, eux, ne passent jamais à la caisse, alors qu’ils occasionnent des frais aussi élevés que quelques malheureux hooligans. Bref, le sport reste un parent pauvre en Suisse romande et l’arrivée de mécènes étrangers est aussi une manière de pallier à ce manque de soutien. C’est facile de pleurnicher sur l’arrivée des méchants Tchétchènes mais les autorités neuchâteloises avaient-elle vraiment tout fait pour éviter d’en arriver là ?   

3. La frilosité des sponsors locaux

Le sport professionnel ne saurait exister sans sponsoring. Mais il y a sponsor et sponsor : bien sûr, tous les soutiens sont les bienvenus et il ne s’agit pas de mépriser le bistrot du coin qui paie 200 francs pour avoir son nom dans le programme de match. A ce niveau, les sponsors locaux jouent relativement bien le jeu. Mais pour entretenir une équipe professionnelle et avoir un minimum d’ambitions, il faut pouvoir compter sur quelques poids lourds, qui vont investir massivement et sur plusieurs années, style Novartis au FC Bâle ou PostFinance au SCB.
Malheureusement, en Suisse romande, les entreprises phares n’ont pas vraiment saisi tout le potentiel du football et rechignent à s’investir. Cela dit, il ne faut pas non plus uniquement jeter la pierre à l’économie. On peut comprendre qu’une entreprise respectable n’ait guère envie d’associer son image avec un club dont les dirigeants apparaissent quotidiennement dans la presse people avec des caprices d’enfants gâtés, des chamailleries de cour d’école, des jérémiades ridicules ou des croisades absurdes contre la terre entière…  
L’augmentation des recettes sponsorings et l’arrivée de grandes entreprises passent en premier lieu par la mise sur pied de projets sérieux menés par des gens crédibles. Quelques lueurs d’espoir apparaissent, avec le Groupe E ou la BCF à Gottéron ou la BCV au Lausanne-Sport. Un partenariat durable avec de grandes entreprises locales solidement établies est un impératif pour grandir. Sinon, l’argent qui ne vient pas de l’économie locale, il faut aller le prendre ailleurs et c’est souvent dans la poche d’un mécène, généralement étranger.

4. La modestie des moyens

A part le sponsoring, la recherche de fonds est particulièrement ardue pour le sport romand. Les recettes de billetterie n’atteignent pas des sommets et, même si les clubs font des efforts louables pour vendre autre chose que la vieille écharpe en laine qui gratte, le merchandising ne décolle pas. Mais le gros problème du foot helvétique, ce sont les droits TV, qui peuvent représenter 60 ou 70% des budgets à l’étranger et moins de 5% en Suisse. Pendant longtemps, la SSR a abusé de sa position de monopole pour affamer le foot et le hockey suisse en achetant les droits pour des montants dérisoires et en ne faisant guère d’efforts pour les promouvoir, avec des matchs souvent en différé et des commentateurs qui n’avaient pas envie d’être là et s’arrangeaient pour le faire savoir. Comme l’a très bien expliqué l’excellent Gary Romain, les arrivées de Bluewin TV et même de SSF sont une aubaine et permettent enfin à nos clubs de bénéficier d’une couverture suivie et professionnelle. Avec un diffuseur qui fait des efforts pour promouvoir le produit foot ou hockey suisse (forcément puisqu’il le vend…) Reste que la concurrence et l’attractivité restent limitées et que les montants des droits TV ne vont jamais atteindre les mêmes sommets qu’à l’étranger. Il est illusoire de penser que les droits TV indigènes puissent dépasser les 10% d’un budget, ce qui oblige les clubs suisses, par rapport à la structure des budgets dans les pays voisins, à trouver d’autres recettes, qui s’appellent souvent mécénat.    

5. Les budgets réduits

En général, les sauveurs qui débarquent en Suisse romande ont tenté de s’implanter ailleurs auparavant mais se sont fait éconduire ou ont échoué. C’était par exemple le cas de Majid Pisyhar ou Marc Roger ou des très éphémères Bernard Mouthon ou Gian Paolo Bonora. La Suisse n’est souvent qu’un second choix pour des mégalomanes qui rêvaient d’Angleterre, d’Italie ou de France, mais n’en n’avaient pas les moyens. Car chez nous, avec dix ou vingt millions, tu rachètes un club, éponges la dette et, à condition d’avoir quelques compétences footballistiques (ce qui est rarement le cas), tu peux rapidement jouer les premiers rôles et même l’Europe. Avec un investissement similaire dans les pays précités, tu luttes contre la relégation en troisième division. Regarde Waldemar Kita : en Suisse, il jouait le titre, gagnait la Coupe et tutoyait les grands d’Europe ; en France, il bataille pour le maintien en Ligue 2 du côté d’Istres, Boulogne ou Châteauroux.
En outre, chez nous, tu peux te faire mousser quotidiennement dans la presse locale, ce qui est manifestement une motivation essentielle pour certains présidents, à en juger par leur omniprésence dans les médias, alors qu’en deuxième division, à l’étranger, tu risques de rester dans l’ombre d’un grand club voisin. Avec ses budgets raisonnables et sa position centrale en Europe, la Suisse est donc une proie rêvée pour des mégalomanes dont l’étendue de la fortune reste souvent assez mystérieuse et qui peuvent s’offrir une partie de Football Manager grandeur nature low cost.

6. Les infrastructures

La vétusté des infrastructures a longtemps constitué l’oreiller de paresse du sport romand. Combien de fois n’a-t-on pas entendu le larmoyant «on ne peut pas rivaliser avec le FC Bâle à cause du stade». Aujourd’hui encore, Chris McSorley nous sort chaque année ses jérémiades sur le déficit, qui serait causé par la ruine des Vernets. Le discours est bien entendu complètement fallacieux : un budget doit s’établir en fonction des infrastructures existantes et non fantasmées, sinon n’importe quel club romand pourrait monter un budget de 60 millions en disant «si on jouait à Old Trafford et qu’on faisait le plein chaque semaine, on tiendrait le budget» ; accessoirement, Gottéron démontre qu’il est possible d’augmenter et d’équilibrer un budget même dans une vieille étable délabrée. Inversement, les exemples de la Praille et de la Maladière prouvent qu’une nouvelle enceinte ne fait pas apparaître des millions et des spectateurs comme par enchantement.
A Genève, le stade est surdimensionné, mal conçu, difficile d’accès et manque de parking. A Neuchâtel, la Maladière est sous-dimensionnée : cela peut paraître incongru d’affirmer ça pour un stade généralement aux 2/3 vides mais c’est le cas. L’un des concepteurs des stades de Bâle, Munich, Pékin et bientôt Bordeaux disait : «Les spectateurs doivent venir pour le stade lui-même». Un stade trop petit avec deux rangées et demie de sièges n’a pas ce pouvoir d’attractivité et ne permet en outre pas de dégager des revenus accessoires avec des concerts ou des matchs de l’équipe nationale. En Allemagne, avec une quarantaine de stades neufs en dix ans, on a constaté que les clubs qui ont vu petit n’ont pas augmenté sensiblement leurs affluences et peinent à remplir leur petit stade alors qu’au contraire ceux qui ont pris le risque de construire plus grand ont vu leur moyenne de spectateurs grimper et font régulièrement le plein.
A St. Gall, le stade est bien dimensionné et correctement rempli mais un dépassement des coûts de construction, une mauvaise évaluation des recettes potentielles et une structure de gestion opaque en ont fait un boulet pour le club. Car un stade bien conçu ne suffit pas, il faut en plus une structure de gestion qui permette au club de bénéficier des recettes du stade. La règle d’or, c’est d’éviter toute ingérence des pouvoirs publics dans le fonctionnement du stade, pour éviter des imbroglios du style des buvettes de Malley ou de la Fondation du Stade de Genève. En ce sens, je crains le pire pour le futur nouveau stade du Lausanne-Sport avec un emplacement complètement inadéquat, une capacité trop réduite et une ville de Lausanne qui ne veut rien payer mais tout régenter. Car, si une nouvelle infrastructure peut constituer un formidable outil de développement et une source de recettes importante pour un club, comme c’est le cas au FC Bâle, à YB ou à l’EV Zoug, il peut aussi représenter une menace et un boulet si le projet est mal conçu. Le directeur général de Young Boys, Ilya Känzig, déclarait récemment : «YB ne doit pas dépendre d’investisseurs étrangers, chez nous le stade est le mécène». Ce mécène-là, aucun club romand n’a jamais pu en disposer jusque-là.

7. L’impatience

Le discours selon lequel on va (re)construire un club pas à pas, en augmentant graduellement les recettes, en travaillant avec des jeunes sur la durée et en grimpant tranquillement dans la hiérarchie fait rarement mouche par chez nous. Il suffit de voir le sort réservé à Francisco Vinas ou les critiques subies par Jean-François Collet et Alain Joseph. Le bling-bling, les discours ronflants, les grandes promesses et l’arrivée de quelques «grands» noms rencontrent toujours bien davantage d’échos. Il y aura toujours des supporters pour baver derrière un «je pose dix millions sur la table, j’engage deux gars qui ont joué au Barça il y a 12 ans, si ça va pas je vire l’entraîneur après 5 matchs mais on va gagner le titre et aller en Ligue des Champions». Sauf que jusqu’à maintenant YB, Zurich, Thoune ou Lausanne, avec des politiques plus raisonnables, ont déjà joué les phases de poule de la Champions League ou de l’Europa League, lesquelles restent un mirage inaccessible pour Servette, Xamax ou Sion (étant entendu qu’on n’accorde aucun crédit à une qualification acquise grâce à des joueurs qui n’auraient jamais dû jouer). Même le grand FC Bâle s’est reconstruit patiemment sur la durée, en partant de LNB. L’un des premiers transferts d’Abramovitch à Chelsea, c’était Peter Kenyon, artisan du formidable succès sportif et commercial de Manchester United. Comme quoi, le mécénat peut être éclairé et aller de pair avec un développement rationnel du club. Mais manifestement, en Suisse romande, beaucoup ignorent encore cette maxime essentielle selon laquelle le succès ne s’achète pas en un jour mais se construit sur la durée.

8. L’absence d’une véritable culture footballistique

On rejoint le point précédent : on souffre en Suisse romande de l’absence d’une véritable culture footballistique ou hockeystique. Le noyau dur des fidèles qui seront là quels que soient la ligue ou les résultats est restreint. Il n’y a guère que le FC Sion et le Lausanne Hockey Club qui ont prouvé que, même en deuxième division, le club pouvait toujours mobiliser. A l’inverse, un LS, par exemple, comptait moins de 800 fidèles en LNB et on ne parle même pas des 200 pelés des Vernets dans les années 1990. Il n’y a pas cette culture et cet attachement massifs aux valeurs, aux traditions et à l’histoire comme on peut les voir en Allemagne. Ou alors seulement pour un noyau de fidèles trop restreint pour peser sur une reprise d’un club par un mécène aux intentions douteuses voire même la faire capoter (et encore, on a vu récemment que des distributions d’abonnements gratuits pouvaient faire tomber certaines réticences…).
 
En Suisse romande, le public est majoritairement événementiel. Or, l’événementiel aime le généreux mécène car celui-ci promet justement l’Evénement et à court terme : si les promesses sont tenues, ce sera l’occasion de retourner au stade, de s’y faire voir en clamant son amour irréductible pour le club et de ressortir le vieux maillot acheté dans un moment de folie lors de la dernière ère glorieuse du club. Si en revanche, ça foire et que le club part en vrille, l’événementiel ne sera pas plus affecté que cela, ça fera juste une distraction de moins le samedi soir, heureusement il reste le cinéma, le hockey et la Premier League à la TV. Seule la minorité d’inconditionnels sera consternée et devra repartir pour quelques années de luttes de sous-préfectures dans des enceintes délabrées ou champêtres à moitié vides.

9. L’esprit mouton

Le supporter romand moyen est plutôt du genre mouton et n’est guère capable de prendre du recul par rapport à son club favori et à ses dirigeants. Il suffit de lire les commentaires «lieux communs», «clichés», «jalousie» et j’en passe dès que l’on ose égratigner un club et suggérer l’idée que ses dirigeants ne font pas tout tout juste en toutes circonstances. Un ancien dirigeant du LHC, qui nous avait convoqué, avec mon rédacteur en chef, pour un apéro bières et remontrances après un article soi-disant trop critique, m’avait dit un jour : «Votre problème à vous les Vaudois, c’est que vous êtes toujours trop critiques». Moi, j’ai plutôt l’impression du contraire : en Suisse romande, l’esprit frondeur s’efface devant l’esprit de clocher et une propension indéniable à prendre comme parole d’évangile tout ce qui vient de son club chéri. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il y a réellement des Valaisans pour croire que les résultats médiocres du FC Sion – en regard des investissements consentis – sont dus à un complot mondial anti-sédunois, des Genevois pour considérer Chris McSorley et son sempiternel déficit comme un bon gestionnaire ou des Neuchâtelois pour croire que Bulat Chagaev amènera Xamax en Ligue des Champions ! Si tu as un doute sur le manque de regard critique du supporter romand moyen (et si tu veux rigoler), va jeter un œil sur le site du Matin et tu verras une horde d’adolescents neuchâtelois et valaisans pré-pubères qui s’écharpent pour savoir lequel de leur dictateur est le plus grand dirigeant de l’histoire du football et emmènera en premier son club à la victoire en Ligue des Champions.

10. La mémoire courte

Le modèle du président-mécène a déjà largement démontré ses dangers en Suisse Romande : les faillites de Lausanne-Sports, Baulmes, Servette, Vevey, Martigny, Forward Morges, la quasi faillite de Sion à la fin de l’ère Constantin I, les problèmes financiers récurrents du Genève-Servette… Ce genre d’aventure s’est quasiment systématiquement mal terminée. Le pire, c’est que le modèle du président-mécène tout puissant, malgré les sommes colossales englouties, n’a que rarement permis d’obtenir des résultats, ou alors quelques succès éphémères, une victoire en Coupe ici ou là, une promotion, quelques places européennes, une finale en play-off et ça s’arrête là.
Les clubs qui dominent le foot ou le hockey suisses sur la durée et brillent dans les compétitions internationales sont ceux qui travaillent dans la continuité et sont dotés de structures solides menées par des gens compétents, Bâle, Zurich ou YB en foot, ZSC, SC Bern, Davos, Kloten ou Zoug en hockey. C’est dire si le supporter romand a la mémoire courte, puisqu’il persiste à encenser un modèle de fonctionnement dont la dangerosité et l’inefficacité ont largement été démontrées par une multitude d’expériences malheureuses. Une victoire en Coupe et quelques exploits européens valent-ils une faillite, des années de galère en ligues inférieures, voire une disparition pure et simple du club ? Pour l’avoir vécu avec le LS, je dis clairement non mais a priori cet avis est minoritaire. Même à Lausanne.

Et maintenant ?

A priori, les nombreuses expériences négatives n’ont pas suffi et il faudra encore un peu de casse pour que les supporters et les clubs ne se laissent plus emberlificoter par le premier charlatan venu. A ce niveau-là, on peut être rassuré : de la casse il y en aura et sans doute assez prochainement. Foot et hockey confondus, il y a au moins quatre clubs romands de LNA qui vivent actuellement au-dessus de leurs moyens, dépendent totalement d’un dirigeant imprévisible et n’ont aucun plan B en cas de retrait impromptu dudit dirigeant. C’est toujours triste de voir un club, avec une histoire, des traditions, des supporters, partir en faillite ou être relégué administrativement en ligues régionales. D’un autre côté, le foot et le hockey suisses se porteront beaucoup mieux lorsqu’ils auront été purgés de ces clubs qui vivent dans une autre dimension grâce à un quelconque nabab, induisent une surenchère malsaine sur les transferts et importent souvent des mercenaires plutôt que de laisser leur chance aux jeunes. Trop souvent, on se retranche derrière le «sans mécène, on ne peut pas être ambitieux». C’est faux et archifaux, c’est même le contraire, les résultats le démontrent. Thoune a joué la Ligue des Champions, YB, moribond dans les années 1990, joue aujourd’hui les premiers rôles devant plus de 20’000 fidèles avec des finances saines, malgré la concurrence du club de hockey le plus populaire d’Europe sis quelques dizaines de mètres plus loin, Davos empile les titres dans une région économiquement défavorisée…  
A priori, après des années de laisser-aller le plus total, le football ou le hockey se dirigent tout de même vers un contrôle accru des comptes et une professionnalisation de la gestion. Les clubs gérés de manière folklorique à la petite semaine par un dirigeant tout-puissant aux ressources incertaines paraissent n’avoir guère d’avenir dans un milieu toujours plus règlementé et contrôlé. Il y aura sans doute toujours de la place pour le mécénat mais plutôt pour des projets d’envergure avec des mécènes aux moyens importants et qui ont la capacité de déléguer, de construire sur la durée et de ne pas trop s’impliquer dans la gestion quotidienne du club. Un peu à l’image des repreneurs arabes qui fleurissent aux quatre coins de l’Europe.
Mais en attendant, les clubs romands doivent toujours composer avec les Chagaev, Constantin, McSorley, Pishyar et compagnie. Et donc, pour répondre à la question liminaire, «les supporters romands n’ont-ils aucune fierté ?», force est de constater qu’il faut répondre par la négative. Ou plutôt si, il y a une fierté mal placée et ridicule lorsqu’il s’agit de soutenir aveuglément son club et ses dirigeants, même lorsqu’il apparaît clairement que lesdits dirigeants font n’importe quoi et mènent le club à sa perte. En revanche, lorsqu’il s’agit de défendre son club, son histoire, ses traditions, ses valeurs contre les visées du premier mégalomane excentrique venu qui veut en faire son jouet personnel, là il n’y a plus grand monde.
Si tu as manqué le début : partie I, partie II et partie III Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Julien Mouquin

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21 Commentaires

  1. Traiter Pishyar de mégalomane est sacrément exagéré! N’est-ce pas lui qui a gardé les 95% de l’équipe qui est montée en SL? N’est-ce pas lui qui travaille dans la continuité, sans stars? Ça doit bien être le seul président romand un tant soit peu raisonnable, au contraire des artistes neuchâtelois ou valaisans, pour ne citer qu’eux. Bien sûr, il a des ambitions (champion en 2014), mais qui n’en a pas? Et pour l’instant, il tient le calendrier…

    Autre petite remarque, je préfère un stade « sans parking » comme le stade de Genève, mais avec une grosse zone industrielle qui fait office de parking le samedi et le dimanche qu’un stade comme Tourbillon où il faut se parquer quasi à Brigue 😉

  2. @ Joss: je partage ton point de vue sur le Stade de Genève. Il est positionné en dehors du centre urbain et est facilement accessible les week-ends, avec une chiée de parkings dispos dans le coin.

    Cependant, je ne suis pas d’accord avec toi concernant Pishyar. C’est clairement un mégalomane, au même titre d’un Chagaev ou d’un Constantin. On ne sait pas d’où vient son argent, il se contredit trop souvent et maintenant fait même des apparitions chaque semaine sur le site officiel. C’est lamentable.

    Merci Mouquin de nous décrire si magnifiquement la situation, ô combien triste, du sport en Romandie.

  3. @ Pupon : On ne sait pas d’où vient son argent? 32group.com t’aidera un peu, ou encore le fait que ça soit son fils qui ait fait une visite guidée de Dubai pour M6 ou encore qu’il possède une bonne partie de cette ville aussi… ça donne une idée, au contraire de Chagaev dont on a aucune idée si l’argent est propre ou sale ni d’où il vient.

    Par contre, il est clair que Pishyar cultive un très grand culte de la personnalité, avec ses apparitions sur le site web du Servette ou sur les écrans du stade… maintenant, culte de la personnalité ou gros égo ne veut pas dire mégalomanie, pas plus que le fait qu’il ne soit pas toujours cohérent dans ses paroles. Attention à ne pas tout mélanger!

  4. Meme si l’article est assez triste car vrai, il faut dire que le point 9 m’a bien fait rire! De temps en temps, quand j’ai une petite demi heure a perdre, rien de tel que de lire la « horde d’adolescents neuchâtelois et valaisans pré-pubères »

  5. Vous avez raison, il n’y a qu’une seule voie viable, celle de la formation, de la collaboration régionale et cantonale. Dans ce modèle, la qualité et l’oeil des recruteurs est fondamentale. Il faut savoir dénicher des joueurs de qualité pour les postes clés sans gaspiller les ressources financières. C’est là que se trouvent les clés de la réussite.

  6. En partie d’accord avec ce qui est dit dans l’article. Même si quelques situations ont un peu été exagérées pour rentrer dans le moule de « La » réussite, il est vrai que le modèle présenté est sans doute le meilleur.

    Je pense plutôt qu’un modèle, c’est vraiment une personne qui fait la réussite d’un club. Ensuite, le problème du mécène ne vient pas forcement du fait qu’il est mécène, simplement qu’il est incompétent.

    Je ne suis pas partisan du président tout-puissant qui arrive avec ses pétro-dollars, mais s’il ne la joue pas: « je m’achète un joujou » et qu’il s’entoure des bonnes personnes c’est nettement plus bénéfique que le club reste en léthargie faute de sponsors privés, soutien des autorités etc…

    En fin, il est clair que des types comme Chagaev sont clairement malsains pour le club qu’il reprenne, mais il y en a aussi qui font confiance aux entraineurs qu’ils nomment et qui travaillent dans la durée.

  7. Il n’y a pas besoin de lire bien loin pour constater que cet article est une enieme Mouquinade bien aigrie:

    « On ne va pas se lancer dans de grandes explications sociologiques mais le culte du chef est bien davantage ancré dans la culture latine que germanique »

    N’ayant ni l’envie, ni le temps a contester cette anerie tiree de la besace a demi-verites et contre-verites de l’olibrius, je me contenterai de rappeler au bon souvenir de l’auteur les annees 30 et 40 en Allemagne…Le reste du premier paragraphe avec la mention de notre soi-disant mentalite d’assiste est a l’unison…Anecdote, je me souviens encore tres bien d’un Couchepin enrage apres le vote sur l’EEE decriant la mentalite ovine des Suisses-Allemands et mettant en avant la capacite a la reflection individuelle du Romand, comme quoi…

    Le reste de l’article est a l’avenant, j’ose esperer que c’etait ecrit avec la fameuse satire de Carton Rouge en tete et qu’on nous informera que c’etait juste une grosse blague ecrite apres une soire vin blanc a la Pinte Vaudoise…

  8. Juste une remarque concernant les fabuleux clubs alémaniques:

    Bâle: le club a traversé le désert pendant plus de 25 ans et c’est grâce au mécénat d’une des plus grandes fortunes de Suisse qu’il a pu s’imposer sur le plan européen. Combien fait-il de bénéfices par années?

    Zurich: l’année dernière, il fait 6 millions de perte. Combien de temps pourra-t-il survivre dans un stade non-footballistique?

    YB: finances saines, beau stade, combien de titres et de coupes depuis 1987?

    ZSC: sans la fusion avec GC et les sous de Walter Frey (fils d’Emil, milliardaire), le club n’existerait plus.

    SC Bern: promu en LNA après avoir racheté la licence d’Arosa. C’est une équipe qui appartient à un groupe qui un jour peut s’en lasser aussi.

    EV Zug: club qui vit dans le canton le plus riche, joujou de riches qui avant sa Bossard Arena, n’avait pas une si belle patinoire.

    Il ne faut pas que critiquer le sport romand. Le sport suisse-allemand ne va pas si bien non plus.

  9. Encore une remarque concernant le HC Davos, d’accord qu’il a gagné des titres ces dernières, il vit dans une région économiquement faible, mais sans la Coupe Spengler, il ne pourrait plus évoluer en LNA. De plus, il est obligé de s’ouvrir aux clubs suisses pour ne pas perdre SA coupe. Et puis, il n’y a pas si longtemps, il évoluait en LNB, voir en première ligue et le club a dû faire une souscription publique pour le sauver.

  10. La comparaison avec la culture fait fort. Dans le même paragraphe il est dit l’argent du contribuable est gaspillé dans la culture. Ok, c’est l’avis de l’auteur.

    et un peu plus loin

    « organiser un festival permet de dégager des bénéfices considérables………… »

    Mais alors pourquoi les clubs, voir l’auteur de l’article n’organisent-ils pas eux-même un festival, afin de renflouer les caisses du LS par exemple. Ahh, il y a des risques, ben zut alors.

  11. Vanter la bonne gestion ou les structures solides de Kloten, c’est de la franche rigolade.

    Alors qu’au 30 avril 2008, après une réduction du capital destinée à éponger ses dettes, le club avait des capitaux propres de 2.9 mios, ils ne se montent plus aujourd’hui qu’à 1.7 mios (la perte cumulée se monte à 1 mios !). De plus, la situation est loin d’être saine avec des licences activées au bilan pour 3 mios (contre 1.3 mios à Gottéron) (source : http://www.kloten-flyers.ch).

    Sans son ex-président-mécène (P. Bossert, qui a été très généreux en 2007), Kloten aurait rejoint Arosa et Forward Morges dans les ligues mineures.

  12. Même s’il est un peu trop manichéen, l’article est bon et dénote d’une bonne connaissance des arcanes du sport romand et suisse. N’en déplaise aux partisans et grincheux de tout poil…

  13. Quel superbe boulot !! Et quel effrayant tableau…

    J’ai particulièrement apprécié le passage sur les Docks, la salle de spectacle la plus inutile et la moins rentable de Suisse romande.

    Au feu tous ces cultureux !!

  14. « A Genève, le stade est surdimensionné, mal conçu, difficile d’accès et manque de parking. »

    T’es aussi con que moche, c’est pas possible là…

  15. « On ne va pas se lancer dans de grandes explications sociologiques mais le culte du chef est bien davantage ancré dans la culture latine que germanique »

    Heu ouais… Il me semble que dans les années 30 les chers amis Teutons à Mouquin ont « légèrement » suivi un type peu recommandable… Mais, comme le dit Jean-Marie, cela doit être « un détail de l’Histoire » pour Mouquin…

  16. Pourquoi me censure-t-on ce message :

    « On ne va pas se lancer dans de grandes explications sociologiques mais le culte du chef est bien davantage ancré dans la culture latine que germanique »

    Heu ouais… Il me semble que dans les années 30 les chers amis Teutons à Mouquin ont « légèrement » suivi un type peu recommandable… Mais, comme le dit Jean-Marie, cela doit être « un détail de l’Histoire » pour Mouquin…

  17. « On ne va pas se lancer dans de grandes explications sociologiques mais le culte du chef est bien davantage ancré dans la culture latine que germanique »

    Heu ouais… Il me semble que dans les années 30 les chers amis Teutons à Mouquin ont « légèrement » suivi un type peu recommandable… Mais, comme le dit Jean-Marie, cela doit être « un détail de l’Histoire » pour Mouquin…

  18. « On ne va pas se lancer dans de grandes explications sociologiques mais le culte du chef est bien davantage ancré dans la culture latine que germanique »

    Heu ouais… Il me semble que dans les années 30 les chers amis Teutons à Mouquin ont « légèrement » suivi un type peu recommandable… Mais, comme le dit Jean-Marie, cela doit être « un détail de l’Histoire » pour Mouquin…

  19. « On ne va pas se lancer dans de grandes explications sociologiques mais le culte du chef est bien davantage ancré dans la culture latine que germanique »

    Heu ouais… Il me semble que dans les années 30 les chers amis Teutons à Mouquin ont « légèrement » suivi un type peu recommandable… Mais, comme le dit Jean-Marie, cela doit être « un détail de l’Histoire » pour Mouquin…

  20. « On ne va pas se lancer dans de grandes explications sociologiques mais le culte du chef est bien davantage ancré dans la culture latine que germanique »

    Heu ouais… Il me semble que dans les années 30 les chers amis Teutons à Mouquin ont « légèrement » suivi un type peu recommandable… Mais, comme le dit Jean-Marie, cela doit être « un détail de l’Histoire » pour Mouquin…

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