So British

Un vent glacial, un combat acharné, des longs ballons en veux-tu en voilà, une ambiance survoltée, une qualité technique proche du néant et un final étourdissant : c’était Leeds United – Burnley : bienvenue dans le Championship. Ou comment débuter l’année avec une version bien authentique du football britannique.

J’ai la chance (ou la malchance c’est selon) d’être né un 2 janvier, ce n’est pas forcément le jour le plus favorable du calendrier pour trouver des gens festifs et des endroits pour faire la fête. C’est un peu chaque année le même casse-tête ; pour cette fois, j’ai opté pour l’option foot anglais. Et il y avait l’embarras du choix en ce lundi 2 janvier, puisque ça jouait aux quatre coins du pays, dans toutes les divisions professionnelles. Finalement, on s’est rabattu sur Leeds United et son antre d’Elland Road.

Déjà parce que c’est un stade que je ne connaissais pas. Ensuite, parce que ça reste un club mythique, notamment champion d’Angleterre en 1992 avec Eric Cantona, finaliste de la Coupe des Champions en 1975 et demi-finaliste en 2001, après avoir éliminé Barcelone en poule avant de se faire sortir en 1/2 finale par Valence sur une main de Dieu de Juan Sanchez ignorée par Urs Meier. Mais ensuite, Leeds United a connu des gros problèmes financiers, qui lui ont valu des points de pénalités et une relégation jusqu’en troisième division.Depuis, les Peacocks, repris par l’ancien mécène de Chelsea Ken Bates, tentent tant bien que mal de remonter la pente. Une première étape a été franchie au printemps 2010, avec une promotion en Championship (deuxième division) ; l’étape suivante, le retour en Premier League, s’annonce plus compliqué. Ceci dit, avant ce premier match de l’année 2012, Leeds n’accuse que quatre points de retard sur la sixième place, synonyme de play-offs ; l’adversaire du jour, Burnley, est lui situé juste un point devant United. Rappel : en Championship, les deux premiers sont automatiquement promus, alors que les équipes situées aux places 3 à 6 disputent des play-offs pour désigner le troisième promu.

Les courants d’air d’Elland Road

Après trois jours de pluie et de bruine depuis notre arrivée sur sol britannique, le soleil daigne enfin illuminer le Nord-Ouest de l’Angleterre. Le problème, c’est qu’il s’accompagne d’un vent glacial. Et Elland Road est un stade très sympa mais aussi efficace pour couper le vent que la Pontaise, avec trois tribunes trop basses pour stopper les courants et une quatrième beaucoup plus grande, dans laquelle nous nous trouvons, manifestement conçue dans le but de laisse s’engouffrer le vent. La différence avec la Pontaise, c’est que les spectateurs sont tellement serrés que ça réchauffe.

Niveau ambiance, les chants, quoique magnifiques, ne sont pas très nombreux. Par contre le public est très réactif : une immense clameur salue le moindre tacle réussi, toute velléité de passe en retrait ou de temporisation déclenche un grondement réprobateur, alors que le stade se lève et vibre à chaque démarrage ou semblant d’action de but. En même temps, les spectateurs sont tellement imbriqués les uns dans les autres qu’il suffit qu’il y en ait un qui se lève au bout de la rangée pour que toute la rangée se lève avec lui. Quant aux fans de Burnley, ils m’avaient déjà impressionné lorsque je les avait vu il y a deux saisons, alors que leur club était encore en Premier League, à Old Trafford et dans leur fief de Turf Moor ; la relégation n’a rien entamé de leur ferveur, ils sont vraiment bouillants. Pour en terminer avec Elland Road, on signalera qu’il y a plein de bars partout et qu’ils servent des Pints. Par contre, comme partout en Angleterre, il est impossible d’emporter sa bière dans les gradins ; du coup, c’est assez sport de devoir finit sa Pint en cinq minutes, surtout après trois jours d’excès et un petit-déjeuner à la WKD blue.

A l’anglaise

Si l’internationalisation du foot anglais est une réalité souvent tangible en Premier League, elle n’a pas encore atteint le Championship, en tous les cas pas Leeds United et Burnley. Les deux entraîneurs ainsi que la plupart des joueurs sont Anglais et le match est dans la plus pure tradition britannique, soit un combat acharné sur tous les ballons et une dépense d’énergie folle. Sur les dégagements du gardien, les vingt joueurs de champ se tiennent sur une bande de dix mètres de largeur, ce qui garantit à chaque fois des duels épiques pour la conquête du ballon. En plus, l’arbitre ne siffle pas grand-chose, ce qui augmente encore l’intensité du combat. Evidemment, techniquement, ça laisse un peu à désirer, avec énormément de mauvaises passes, de grands ballons en avant et de dégagements en touche.

Le tournant du match

Dans la première demi-heure, Burnley, qui reste sur une meilleure dynamique (3 victoires) que Leeds (3 défaites), paraît un peu plus à l’aise et se crée les meilleures occasions, avec une frappe au-dessus d’Austin et un tir de Rodriguez détourné par le gardien Lonergan, contre une seule reprise mal cadrée de Kisnorbo en face. Mais le match va basculer avec l’expulsion sévère du latéral des Clarets Kieran Trippier pour deux avertissements. Leeds ne parviendra pas tout de suite à profiter de sa supériorité numérique, avec, avant la pause, pour seule occasion une frappe tellement enlevée qu’elle vient frapper le haut de South Stand et la publicité pour une étude d’avocats qui promet de ne se faire payer qu’en cas de succès. On a relevé l’adresse pour la transmettre à l’un ou l’autre président de clubs de foot romands, ça peut toujours servir.

Le contre qui tue

Après la pause, la domination des Peacocks se fait plus insistante ; ça reste désordonné mais les situations chaudes se multiplient devant le but des Clarets. Le gardien Lee Grant réussit quelques miracles, notamment sur un coup franc du Hondurien Nunez, il y a quelques frappes qui flirtent avec les montants, quelques actions galvaudées par maladresse et même un tir du défenseur O’Dea qui ricoche sur la latte. Et finalement, c’est de l’autre côté que ça va rentrer : sur l’une des rares incursions des Clarets dans le camp adverse, Charlie Austin enroule parfaitement sa frappe dans le petit filet. C’est juste l’émeute parmi les fans de Burnley. Leeds va évidemment se ruer encore davantage à l’attaque, avec toujours aussi peu de discernement. On pense même que les Peacocks ont définitivement laissé passer leur chance lorsque le Finlandais Forssell ne cadre pas sa reprise devant le but vide après un body-check non sanctionné sur le gardien Grant.

Renversant

Mais c’était oublier que l’on était en Angleterre, là où un match n’est jamais terminé avant le coup de sifflet final. Finalement, à force d’obtenir des corners (16 en tout), Leeds va finir par en concrétiser un grâce à une déviation de Lloyd Sam qui abuse le défenseur Brian Easton, lequel trompe son propre gardien. Il restait deux minutes à jouer, plus six d’arrêts de jeu. Soit huit minutes de pure folie, sans plus aucun égard pour la moindre considération tactique, dans une ambiance complètement survoltée. Leeds est tout prêt de prendre l’avantage à la 94e sur un tir de Lloyd détourné par le portier Grant ; sur le contre, on n’est pas loin du 1-2 sur un cafouillage. Le ballon a encore le temps de retraverser une fois le terrain pour un énième tir dans le paquet. Cette fois-ci, le gardien Lee Grant ne peut que renvoyer sur le joker Ross McCormack, lequel, après un ou deux contres favorables, peut donner la victoire à Leeds d’un tir rageur à 12 centimètres du but vide. Je te laisse imaginer la folie à Elland Road.

Des nouveaux amis…

C’est un peu cruel pour Burnley qui a été courageux à 10 contre 11 pendant une heure et qui n’a pas vraiment été aidé par l’arbitrage ; les Clarets auraient mérité de repartir avec un point. Pour Leeds et son entraîneur Simon Grayson, c’est un immense soulagement après trois défaites. Du coup, les Peacocks reviennent à une petite longueur d’Hull City et Reading qui occupent les places 5 et 6, synonymes de play-off. Voilà qui promet encore quelques combats épiques dans le monde merveilleux du Championship.

En tous les cas, l’ambiance est à la fête au pub Old Peacock qui jouxte le stade. Les supporters locaux sont plutôt du genre chaleureux et amicaux. Voire même limite envahissants, comme ce hooligan néo-nazi qui venait de terminer une période d’interdiction de stades de cinq ans et qui tenait absolument à nous emmener dans un «Hooligans Pub». Tu sais qu’on est toujours prêts à braver tous les dangers pour te faire découvrir des lieux insolites mais là on a décliné l’invitation : quatre touristes vaudois qui débarquent dans un bar rempli d’interdits de stade qui picolent depuis des heures, ça ne paraissait pas trop raisonnable. L’immersion dans une version plus authentique du foot anglais, on a adoré, mais cette face-là du foot anglais on n’avait pas trop envie de la découvrir de plus près. On est donc sagement retourné à Manchester dans un lieu un peu mieux fréquenté pour finir de fêter mon anniversaire. Finalement, le 2 janvier, ça peut aussi être festif.

Leeds United – Burnley 2-1 (0-0)

Elland Road, 27’295 spectateurs.
Arbitre : M. Brown.
Buts : 68e Austin (0-1), 88e Easton (autogoal, 1-1), 96e McCormack (2-1).
Leeds : Lonergan; Bruce, Kisnorbo (17e Sam), O’Dea, White; Townsend, Clayton, Thompson, Pugh; Becchio (70e Forssell), Nunez (74e McCormack).
Burnley : Grant; Trippier, Edgar, Mee, Easton; Wallace, Marney, McCann, Stanislas (36e Amougou) ; Austin (74e Vokes), Rodriguez.
Cartons jaunes : 23e Trippier, 45e Pugh, 53e Edgar, 62e Mee, 93e Grant.
Carton rouge : 28e Trippier (2ème carton jaune).

Écrit par Julien Mouquin

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2 Commentaires

  1. « …une frappe tellement enlevée qu’elle vient frapper le haut de South Stand et la publicité pour une étude d’avocats qui promet de ne se faire payer qu’en cas de succès. On a relevé l’adresse pour la transmettre à l’un ou l’autre président de clubs de foot romands, ça peut toujours servir… »

    Elle est délicieuse, celle-là Julien, voilà une année 2012 qui démarre bien sur CR, ça promet ! Et pis bon anniversaire ! (désolé pour les deux jours de retard 😉 )

    P.S : 27’295 spectateurs pour un match de deuxième division, pas mal dis-donc ! (bon finalement ce n’est que 23,73 fois plus que les 1150 habituels de la Pontaise l’année passée..)

  2. J’ai apprécié également la remarque sur les avocats, mais également :

    « d’un tir rageur à 12 centimètres du but vide »

    So British !!!

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