Les rois du vice

Le titre est trompeur, désolé s’il a suscité de faux espoirs mais il ne s’agit pas d’un article sur le foot espagnol. A part l’alcool, le seul vice dont il est ici question, c’est le titre de vice-champion d’Allemagne, spécialité de Schalke 04 et du Bayer Leverkusen. Les bleus royaux de Gelsenkirchen l’ont aisément emporté contre les pâles aspirines du Bayer.

Schalke 04 et Bayer Leverkusen sont à la Bundesliga ce que Fribourg-Gottéron et Genève-Servette sont au championnat suisse de hockey de LNA : les éternels perdants. Le dernier des sept titres de champion d’Allemagne de Schalke remonte à 1958, avant la création de la Buli, alors que Neverkusen n’a jamais été champion. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé et les deux clubs fondés en 1904 ont plusieurs fois cru toucher au Graal. Mais à chaque fois, le titre leur a échappé au dernier moment, comme si, à l’instar de Servette et Gottéron, l’échec faisait partie intégrante du patrimoine génétique du club. Sur les quinze dernières saisons de Bundesliga, les deux clubs cumulent à eux deux neuf titres de vice-champion d’Allemagne (5 pour Vizekusen, 4 pour Schalke), aucun de champion.

Déprime à Leverkusen

A priori, cette saison ni l’un ni l’autre ne postulera à un énième titre de vice-champion (et donc encore moins de champion). A Leverkusen, c’est plutôt la déprime puisque les Rheinländer, sortis sans gloire en Coupe d’Allemagne et en Ligue des Champions, n’ont plus guère qu’une place en Europa League à viser pour sauver la saison, c’est bien maigre en regard des ambitions élevées d’avant championnat. C’est un peu plus glorieux à Schalke, qui a trois jolis objectifs pour la fin de saison. Premièrement, gagner l’Europa League, quinze ans après la victoire en Coupe UEFA contre l’Inter de Roy Hogdson, avec le même entraîneur sur le banc qu’à l’époque, le Hollandais Huub Stevens. Bilbao en quart puis, en cas de succès, le vainqueur de Sporting – Kharkov, le chemin de la finale ne paraît pas insurmontable.

Inceste à Gelsenkirchen

Deuxièmement, devancer Mönchengladbach pour assurer la troisième place et un ticket direct pour la Ligue des Champions. Dans cette optique, cette 27ème journée a probablement marqué un tournant dans la saison. En éclusant mes Veltins dans un bar de fans de Schalke avant le match, j’étais bien le seul à ne pas exulter lorsqu’Hoffenheim a enfilé deux buts en 142 secondes aux hommes de Lucien Favre. Troisièmement, le plus important pour les supporters, les Knappen tenteront de faire perdre le titre au rival Dortmund lors du Revierderby à Gelsenkirchen à quatre journées de la fin du championnat. En tant que fan du BVB, je ne suis jamais très à l’aise lors de ces escapades en territoire ennemi ; je pensais avoir fait attention de laisser à l’hôtel tout ce qui pouvait trahir mes attaches partisanes mais j’avais oublié que j’ai un porte-monnaie du BVB. Heureusement le logo est discret, personne ne s’en est aperçu. A une exception près, vu la manière agressive dont il m’a rendu ma monnaie : l’énorme serveur du bar des fans königsblaue, qui arborait fièrement des longues tresses bleues et blanches et un t-shirt disant en substance : «Mieux vaut coucher avec sa sœur plutôt qu’être le frère d’une tique (n.d.l.r, Zecke, surnom des fans de Dortmund à GE)».

A sens unique

Le dernier Schalke – Leverkusen auquel j’avais assisté s’était terminé sur le score extravagant de 7-4, en 2006, on n’a pas eu le droit à pareille fête de tir samedi. En fait, le match a rapidement tourné au monologue de Schalke 04. Après deux premières tentatives non cadrées d’Holtby et Jones, les Knappen vont ouvrir le score sur un centre du latéral autrichien Christian Fuchs repris d’une tête décroisée par l’inévitable Klaas-Jan Huntelaar. Rien à dire, c’est propre et ça récompensait justement l’écrasante domination de Null Vier. La Werkself avait débuté le match dans un espèce de 4-3-3 assez curieux, la blessure du latéral Da Costa et la domination adverse conduiront l’entraîneur Robin Dutt à faire entrer Eren Derdiyok pour revenir à un 4-4-2 plus classique mais cela ne changera guère la physionomie du match. On a cru au réveil des Rheinländer juste après la pause avec une frappe du capitaine Rolfes détournée par le revenant Hildebrand mais ce n’était qu’un feu de paille.

Le quarantième rugissant

Si Leverkusen est resté dans le match presque jusqu’au bout, il le doit surtout à l’immense talent de son jeune gardien Bernd Leno, auteur de sauvetages décisifs devant Farfan, Huntelaar ou Raul et surtout d’une parade ahurissante au ras du sol sur une frappe d’Huntelaar. Le portier de la Werkself devra toutefois s’avouer battu sur une nouvelle tête de Klaas-Jan Huntelaar à la réception d’un centre de Jefferson Farfan pour un second but fort similaire au premier. La superbe Veltins-Arena pouvait rugir au quarantième but de son attaquant hollandais en trente-huit matchs officiels cette saison avec Schalke (22 en championnat, 5 en Coupe et 13 en Europa League). Les dirigeants königsblaue sont tellement contents du rendement de leur buteur qu’ils viennent de lui proposer un salaire annuel de huit millions d’euro, colossal pour la Bundesliga, afin qu’il prolonge son contrat à Gelsenkirchen.

Le retour de Tranquillo Barnetta

Nonobstant l’improbable Cekulajevs, il y a cinq buteurs qui affolent la statistique en Europe cette saison, Messi, Ronaldo, Gomez, van Persie et Huntelaar, ça fait deux Hollandais. Sachant qu’aussi bien le Gunner que le Hunter sont plus à l’aise en unique attaquant de pointe dans un 4-2-3-1 ou un 4-3-3 qu’à deux attaquants dans un 4-4-2, ça promet quelques nuits blanches à l’entraîneur batave Bert van Marwiijk, lequel pourrait être amené à sacrifier un attaquant à près (ou plus) de cinquante buts dans la saison pour privilégier la cohérence du système. Tu vas me dire, ce sont des problèmes de riches, il y en a d’autres qui doivent choisir entre Derdiyok, invisible samedi, et Ben Khalifa. Puisque l’on aborde le sujet, Ottmar Hitzfeld aura noté avec plaisir la première apparition cette saison en Bundesliga de Tranquillo Barnetta, de retour après une longue blessure. C’est une bonne nouvelle, même si le Suisse n’est pas parvenu à relancer une équipe de Leverkusen bien pâle samedi. En revanche, Schalke nous a fait assez forte impression avec un match maîtrisé de bout en bout. Dans la course à la troisième place, la dynamique actuelle apparaît bien plus favorable aux Knappen qu’aux Fohlen de Gladbach. A défaut d’un énième titre de vice-champion, les Königsblauen pourraient donc bien hériter d’un titre de vice vice-champion d’Allemagne.

Schalke 04 – Bayer 04 Leverkusen 2-0 (1-0)

Veltins-Arena, 61’673 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Aytekin.
Buts : 18e Huntelaar (1-0), 86e Huntelaar (2-0).
Schalke 04 : Hildebrand; Uchida, Papadopoulos, Matip, Fuchs; Jones, Holtby (86e Höger); Farfan (87e Pukki), Raul, Draxler (76e Obasi); Huntelaar.
Leverkusen : Leno; Da Costa (28e Derdiyok), Schwaab, Toprak, Kadlec (65e Oczipka); Castro, Reinartz, Rolfes; Schürrle (71e Barnetta), Kiessling, Renato Augusto.
Cartons jaunes : 11e Kadlec, 59e Toprak, 75e Jones.
Notes : Schalke sans Unnerstall, Fährmann, Metzelder ni Höwedes (blessés), Leverkusen sans Adler, Corluka, Ballack, Bender ni Sam (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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