Sans faute mais pas sans crainte

L’histoire retiendra que l’Allemagne aura été la seule équipe au parcours immaculé dans ce premier tour de l’Euro 2012 et qu’elle sera sortie haut la main du groupe de la mort. Mais, quinze minutes avant la fin du dernier match, tout un pays était encore tétanisé à la perspective pas complétement incongrue d’un deuxième but danois fatal.

RésuméLes vingt premières minutes laissaient à penser que la partie n’allait être qu’une formalité pour des Allemands qui se créent plusieurs occasions nettes. Mais seul Lukas Podolski parvient à concrétiser après un centre de Müller et une remise (fortuite ou géniale ?) de Gomez. C’est un but qui vient à point nommé pour Prinz Poldi, transparent contre le Portugal et les Pays-Bas et dont plus de 75% des fans allemands réclamaient le remplacement par Schürrle, Götze ou Reus pour ce match contre le Danemark. La Mannschaft ne poursuit pas sur sa lancée et concède l’égalisation sur un corner avec un marquage un peu large et une reprise de la révélation Michael Krohn-Dehli.
L’Allemagne doute, sa domination devient stérile et poussive, en mode Bayern Munich. En face, malgré l’obligation d’aller chercher la victoire, le Danemark ne se départira que très tardivement de son système ultra-défensif. Le match devient crispant, le commentateur d’ARD répète en boucle qu’un but danois peut renvoyer les Allemands à la maison. Et on en n’est pas loin sur un tir de Jakob Poulsen qui heurte l’extérieur du poteau. Mais le Danemark finit par se découvrir et l’Allemagne classe l’affaire sur un contre bien conclu par l’inattendu Lars Bender. Trois matchs, trois victoires : même si elle s’est faite quelques frayeurs, l’Allemagne est, mathématiquement du moins, la meilleure équipe du 1er tour de cet Euro 2012, qui plus est dans le groupe le plus relevé. Néanmoins, on n’a pas été complètement rassuré par le niveau de jeu de la Mannschaft jusque-là, pas plus que par l’état de forme de certains joueurs et encore moins par la stratégie de Joachim Löw.
L’Allemagne ne gagnera pas l’Euro à 14 joueurs et, vu les performances décevantes de joueurs comme Podolski ou Müller, il est assez invraisemblable que Götze ou Reus n’aient pas encore reçu la moindre minute de jeu. Si la défense tient plutôt bien la route, grâce en particulier à la titularisation tardive, sous la pression de la vox populi, de Mats Hummels, énorme depuis le début de la compétition, le rendement offensif est trop faible. Pas assez de vitesse, pas assez de pressing offensif, pas assez de mouvement, pas assez de solutions, on n’a pas retrouvé l’équipe qui avait atomisé l’Angleterre et l’Argentine en 2010 ou le Brésil et la Hollande en 2011. Contre la Grèce, ça peut à la rigueur (c’est le cas de le dire) passer comme ça mais ensuite il faudra sérieusement élever le niveau de jeu.
L’homme du match
Lars Bender. Même si les fans allemands plébiscitent Mats Hummels, on désignera le joueur du Bayer Leverkusen. Pourtant, Jögi Löw ne lui avait pas fait de cadeau en lui réservant une Gilbert Gress, soit en l’alignant à un poste de latéral droit qui n’est pas le sien pour remplacer Boateng, suspendu, alors que l’on attendait plutôt Höwedes. Mais le frangin de Manni s’en est plutôt bien tiré défensivement et c’est même lui qui est venu inscrire le but libérateur. Un joli cadeau pour une première titularisation en équipe nationale.
La buse du match
Mesut Özil. Le meneur de jeu du Real Madrid paraît bien cramé dans cet Euro. Dimanche, à Lviv, il a raté plus ou moins tout ce qu’il a entrepris. Certes, la statistique lui accordera un assist sur le but de Bender mais on a bien l’impression qu’il s’agissait en fait d’une passe mal ajustée et trop longue pour Klose qui s’est fortuitement transformée en ouverture géniale pour le joueur de Leverkusen. Déjà très moyen en ouverture de tournoi contre le Portugal, Mesut Özil paraît aller decrescendo. Si son maître à jouer ne retrouve pas un niveau de jeu plus décent, l’Allemagne aura de la peine à aller au bout, surtout qu’on imagine mal Jögi Löw tenter le coup de poker de remplacer Özil par Marco Reus.

Le tournant du match
Le tir de Jakob Poulsen sur l’extérieur du poteau. Le score était encore de 1-1. Face à une équipe danoise remarquablement organisée, on n’est pas sûr que cette Allemagne empruntée aurait été capable de rétablir l’égalité. Ou alors à l’ancienne, sur un corner et un cafouillage à la 93e. 
Le geste technique du match
La remise de Mario Gomez sur l’ouverture du score de Lukas Podolski. Enfin, dans la mesure où il a fait exprès, ce qui est loin d’être garanti.
Le geste pourri du match
La glissade de Mesut Özil à l’orée des seize mètres, interrompant une action où, pour une fois, les Allemands étaient en surnombre dans la surface de réparation adverse. Une action à l’image de son match.
Les anecdotes
Dimanche soir, l’Allemagne était dans la rue. Pas pour protester contre la politique d’austérité du gouvernement mais pour regarder le match. Il n’y a quasiment pas un village ou une ville qui n’ait pas organisé son ou ses Public Viewing. Quelques centaines de supporters par ici, quelques milliers ou dizaines de milliers par là, 400’000 sur la Fanmeile berlinoise, tous les espaces qui se prêtent à des célébrations de masse ont été réquisitionnés pour l’événement. Avec partout la même marée de maillots blancs et de drapeaux noir, rouge et or. Et ceux qui n’étaient pas dans la rue étaient devant la télé puisque la chaîne ARD a annoncé un nouveau record d’audience à 27,65 millions de téléspectateurs. Et les chiffres ne vont faire qu’augmenter avec l’avancement de la compétition. C’est dire si les attentes sont immenses dans un pays qui vit comme aucun autre pour le football et si un échec contre les parasites grecs serait mal ressenti.
Le match vu par un Allemand
Zweiundsiebzig, Achtzig, Sechsundneunzig, Zweitausendzwölf, Ja so stimmen wir alle ein, Mit dem Herz in der Hand und der Leidenschaft im Bein Werden wir Europameister sein.
Tiens, ça n’existe pas dans les charts : cette année Sportfreunde Stiller n’a pas réadapté sa chanson devenue symbole des épopées brillantes et festives mais perdantes de 2006, 2008 et 2010. Plutôt bon signe, non ?
Le match vu par un Danois
Si le Portugal envahit la Galice et l’Estrémadure cette semaine, on peut être repêché à sa place en quart de finale ? Comme ça, on retrouvera l’Allemagne en finale pour la revanche.
Le match vu par So Foot
Mesut Özil homme du match avec une note de 8/10, «patte de velours et jeu en première intention, Özil a beaucoup pesé sur le jeu» ! Le mec qui a écrit ça, il a vraiment vu le match ? Ou alors c’est So Footix et le seul fait de jouer au Barça ou au Real suffit à garantir une bonne note ?

Écrit par Julien Mouquin

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3 Commentaires

  1. Si je peux me permettre un commentaire d' »insider » (non du match lui-même, mais de son ressenti en Allemagne). On est assez loin d’une « marée de maillots blancs et de drapeaux noir, rouge et or. », pour tout le moins ici à Hamburg (OK, OK, c’est pas l’Alter Markt de Dortmund…). Je ne suis pas un spécialiste comme toi concernant le football allemand, incapable de dire donc si la seconde ville du pays abrite les plus fervants supporters, mais j’ai des yeux et sais reconnaître une « marée » de supporters.

    Ici donc, que nenni. Oui, il y a bien quelques drapeaux accrochés aux voitures et le soir du match un ou deux supporters croisés dans la rue portant crête d’Iroquois aux couleurs germaniques et oripeaux adhoc. Mais la majorité s’en cogne. je me trouvais proche du City Hall (tu sais, les bassins de l’Alster, loin d’être les coins les plus calmes), dans un bar allemand on ne peut plus local, en compagnie de collègues anglais, américains et zürichois, si 10% des buveurs de bière regardaient le match c’était un maximum. Au coup de sifflet final, « Na ja, Wir hab’n es geschaft ». Et le collègue anglais d’ajouter « Vince, do you think they show their enthusiasm with these words ? ». Trois klaxons après, la ville retrouvait son niveau de calme habituel.

    Bon c’est vrai, peut-être n’étais-je ni dans la bonne ville, ni au bon endroit, ni même dans le bon pays 😉

    Cheers
    Vince

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